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mardi 17 août 2010

Les milliards de la diaspora ont un prix

Haïti: Guttener Baptiste, un citoyen dont on ignore les attaches politiques, a déposé par-devant le Conseil électoral provisoire ses contestations contre 8 candidats. Un plon gaye ou une affaire d'ego. Ce citoyen a décidé cependant de ne pas se présenter et d'envoyer son avocat, Me Newton St-Juste, au tribunal électoral défendre ses choix. Inusité pour un simple citoyen. Parmi les cibles de l'action de Guttener Baptiste, il y a trois représentants de la diaspora qui sont contestés pour n'avoir pas résidé dans le pays cinq ans comme le réclame la loi électorale et la Constitution de 1987. Revenons sur leur cas.
Georges Anglade, celui qui le premier a étudié puis popularisé les concepts de diaspora, de 10e département et insisté sur l'apport financier des Haïtiens vivant hors d'Haïti à la bonne marche de notre pays et illustré à merveille la banque de ressources disponibles en diaspora, avait toujours dénoncé cette disposition de la Constitution qui impose la résidence au pays pour avoir droit d'y poser candidature.
Cet article est en fait une espèce d'article 291 à sa manière. Le 291 excluait les partisans du régime des Duvalier et les macoutes pour dix ans de la course électorale en 1987, celui contre la diaspora les exclut à vie de la vie politique de leur pays au plus haut niveau. L'exclusion à perpétuité.
Car comment travailler, aider le pays depuis l'étranger, accumuler richesses et formations sous d'autres cieux et passer cinq ans en Haïti ? Comment devenir une personnalité respectable, enviable et utile à l'étranger tout en faisant le renom et la gloire d'Haïti sans résider et vivre à l'étranger ? Comment être là-bas en pensant à ici et se voir imposer la résidence en Haïti comme critère d'éligibilité ?
Nous nous réjouissons du rayonnement et de la bonne fortune de nos fils et filles partis et voulons les handicaper avec une disposition inique. Avoir le beurre, l'argent du beurre et le veau est notre souhait. Nous voulons leur sueur, leur argent, mais pas leurs idées et surtout pas leur leadership.
Jusqu'à présent, heureusement, cet article de la Constitution n'a jamais été évoqué contre personne. Personne. Car qui a résidé en Haïti, comme on l'entend, de façon consécutive pendant cinq ans sans jamais voyager, sans jamais en avoir été obligé par l'exil, les interdictions diverses d'entrée ou par simple mesure de sécurité préventive ?
Qui de nos candidats et présidents ? Pas René Préval en 1995 en tout cas. Le coup d'État de 1991 avait contraint le Premier ministre qu'il était de rester loin de nos terres.
En fait, dans un passé récent, les représentants de la diaspora ont été exclus pour port de passeport étranger : Dumas Siméus, Samir Mourra, Rudolph Boulos, par exemple. Personne pour avoir résidé à l'étranger.
Avoir une diaspora a ses avantages. Leurs milliards sonnants et trébuchants soutiennent comme de puissantes béquilles l'économie des ménages et les entreprises. Si leurs milliards qui soulagent l'État de ses responsabilités sont les bienvenus, leur résidence légale dans un pays étranger est la seule façon de les accumuler sans trop se faire gruger. Cette résidence permet aussi à des centaines de milliers de compatriotes de passer des vacances chez un parent ou un ami, de jouir de la magnificence de l'accueil et de recevoir de temps à autre ces transferts qui entretiennent les liens familiaux et l'amitié.
Lavarice Gaudin, militant politique de longue date aux côtés du révérend père Gérard Jean Juste et qui s'est battu pour les droits de milliers de compatriotes pour leur installation aux USA en général et en Floride en particulier et pour la démocratie en Haïti au sein de Veye Yo, ne peut pas être coupable d'avoir servi Haïti ailleurs qu'ici.
Est aussi contestée la candidature de Wyclef Jean (Viv Ansanm). Pour Wyclef, ce n'est un secret pour personne qu'il parcourt le monde. C'est une exigence de sa stature de star internationale. Coupe du monde, téléthon, présence sur les médias, ouverture du Nasdaq, il fait flotter le drapeau haïtien partout. Nous sommes au plus bas après 2004, il se propose pour faire la paix dans les quartiers chauds. Il met notre carnaval sous les spotlights avec son lion. Cyclone Jeanne, il est le premier aux Gonaïves. Tremblement de terre, il saute dans un avion le lendemain et ramasse les cadavres, pleure devant les caméras. Sean Penn se demandait encore où se trouve Haïti, Wyclef était avec nous, et sa présence rassurait.
Kesler Dalmacy (indépendant) est un vieux de la vieille. De New York, sa ville, il appuie et participe à toutes nos batailles, soutient toutes les causes dès qu'on cite Haïti. Il fait partie de ces Haïtiens qui, de loin, n'ont jamais lâché prise. Leurs enfants ont des MBA et ne viennent ni pour le carnaval ni pour les fêtes champêtres. C'est une race en voie de disparition qui se rappelle à nous. Un baroud d'honneur d'un fils qui n'a jamais abandonné sa mère patrie. Comme l'ambassadeur Raymond Joseph parti lui aussi depuis les temps immémoriaux du règne de Duvalier père.
Ces trois candidats sont de dignes représentants de tous ceux qui font trois jobs pour nous épargner des affres du chômage et de la précarité. Toute la diaspora nous regarde, regarde le CEP et le pouvoir, regarde si encore une fois nous allons sacrifier ses illusions sur l'autel de nos mesquines angoisses.
Comme le CEP a pu inventer la décharge allégée qui fait l'affaire des amis et anciens amis du pouvoir en place, ne se doit-il pas de continuer à faire subir un régime à ses autres dispositions ?
Nos diasporas, ils font mieux que résider en Haïti : ils font vibrer et font vivre Haïti.
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82462&PubDate=2010-08-16

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