Google

mercredi 2 avril 2008

FRANKETIENNE ... La révolution spirituelle nationale

Se plaçant au milieu de la crise haïtienne avec le spiralisme comme tête chercheuse de vérité et de révélation, Frankétienne a surtout fait de surprenantes affirmations au sujet de la relativité d'Einstein, de l'incertitude positive de l'imaginaire, de la volonté d'affirmation de l'être, de la rébellion de l'individu emprisonné mais aussi des différentes perceptions de l'énergie, de Dieu, de l'élite, des classes moyennes et des grands mythes de l'artiste anticonformiste. Du taoïsme au New Age en passant par le confucianisme, le spiralisme se présente comme l'ultime théorie qui explique la force spirituelle du développement de notre pays.
Après la conférence prononcée par l'écrivain Frankétienne à la Bibliothèque du Soleil le 28 mars dernier, on en sort avec l'idée d'organiser une tournée itinérante du romancier de « Miraculeuse » à travers les grandes villes du pays. Cela fait des années qu'on n'a pas été mise en face d'une telle franchise patriotique, d'une véhémence si somptueuse du verbe et d'une communication tellement partagée entre le public et « l'orateur » qu'il en est resté, au moment des questions, des acquiescements silencieux.
Dans un contexte marqué par la perte des valeurs identitaires nationales, une initiative de conférences itinérantes sponsorisées par des secteurs public et privé, intéressés à la promotion et à la défense de la culture haïtienne, réveillera la conscience nationale. La Bibliothèque du Soleil est disposée à accompagner le théoricien du spiralisme dans une telle démarche.
Plus de 300 jeunes et autres professionnels sont restés comme accrochés aux inédites déclarations de l'écrivain. Il a très peu parlé de son oeuvre considérant qu'il serait fastidieux de spécifier les particularités esthétiques et littéraires d'une quarantaine d'ouvrages publiés.
Se plaçant au milieu de la crise nationale avec le spiralisme comme tête chercheuse de vérité et de révélation, Frankétienne a surtout fait de surprenantes affirmations au sujet de la relativité d'Einstein , de l'incertitude positive de l'imaginaire, de la volonté d'affirmation de l'être colonisé, de la rébellion de l'individu en incarcération psychologique mais aussi des différentes perceptions de l'énergie, de Dieu, de l'élite, des classes moyennes et des grand mythes de l'artiste anticonformiste. Du taoïsme au New Age en passant par le confucianisme sans les citer, le spiralisme se présente comme la force spirituelle du développement mental et physique du pays.
Au sujet de sa « dimension mégalomaniaque », l'écrivain argumente qu'on a souvent enseigné aux jeunes la modestie et l'humilité qui ne cadrent pas avec le caractère d'un peuple autrefois colonisé et aujourd'hui mis en face d'un état de choc de pays « pauvre ». Le romancier affirme qu'il « faut cracher sur la culture de la petitesse ». La perte de la fierté nationale viendrait, en partie, d'une nouvelle approche, plus sophistiquée, visant à réduire la capacité de révolte de l'individu traumatisé par la tragédie de son histoire nationale. Le « post traumatic stress » est aussi un fait collectif qui n'est pas encore scientifiquement objectivé.
Liant ce comportement régressif collectif à la notion de zombification développée dans ses oeuvres, Frankétienne a pourtant reconnu que le « rebelle absolu détruit toujours mais ne reconstruit jamais ». Sans reprendre la formule biblique de Dieu s'adressant au prophète Jérémie : «Je vous donnerai la force de détruire et le courage de reconstruire », l'écrivain trouve cette rébellion destructrice dans toutes les classes sociales. Une élite en grande partie antinationale et rongée de préjugés, une classe moyenne se bousculant dans un fatidique panier à crabes et un peuple obsédé par le syndrome du déchoukaj, cela fait le cocktail du chaos. Explosif à souhait !
ENJEUX ONIRIQUES
Face au ratage et à l'échec, l'écrivain propose de reconsidérer l'imaginaire. Il se dit être un « guerrier de la création permanente ». Dans cette perspective d'un combat spirituel d'une nature plus élaborée, l'auteur de Dezafi déclare que « la nation suppose un rêve de mutation des sens du bien et de la gestion des richesses matérielles et immatérielles du territoire ». La dimension vraie de l'imagination nous différencie des animaux, avance le conférencier. « La raison est répétitive, tandis que l'imaginaire opère par tâtonnements hasardeux, par les découvertes surprenantes et les enjeux oniriques d'une foi collective de réveil. »
Frankétienne part en guerre contre la peur infusée en nous dès l'enfance.
La phobie traumatique crée l'homme du ressentiment, dit-il. Cet état de repli, souligne l'écrivain, a été dénoncé par le philosophe allemand Nietzsche. Par contre, argumente le conférencier, « le guerrier de l'imaginaire n'a pas peur du risque. C'est lui qui peut nous sauver par son sentiment de puissance lumineuse, métallique, minérale née de sa pensée imaginante ». Prométhée n'est pas loin.
Le romancier trouve l'origine de la peur dans la famille et défend André Gide qui affirmait : « Familles, je vous hais ! » Il ne s'agit pas d'une déclaration d'homosexuel, rectifie Frankétienne. Il retrouve la peur dans les gouvernements excessivement policés, dans les systèmes éducatifs de la réussite personnelle et dans les religions de la crucifixion. Il précise aussi que la peur est entretenue par l'omniprésence des « forces d'en bas dont le caractère prédateur empêche à l'homme d'avoir la foi de marcher sur les eaux ».
Se présentant contre « l'angélisme en matière d'humaine civilisation », Frankétienne parle d'une grande énergie mystérieuse qui n'a pas de figuration et dont les hommes, pour la comprendre, la représente avec les formes humaines d'Ogoun, Bouddha, Lao-Tseu, Jésus.
Cette énergie se manifeste dans la culture qui fait la quête du bien, qui tâtonne dans l'inattendu nocturne et opère le saut de la foi par-delà les accidents, les erreurs, les souffrances et les imprévus. C'est à ce niveau, selon l'écrivain, que se situent les « mutations et métamorphoses qui renversent les valeurs et bousculent les préjugés». Le futur appartient au métissage, prophétise le conférencier.
Faisant une brève historique du spiralisme, il a cité son professeur de physique Parnel Marc (récupéré par la Nasa), René Philoctète, Guy Gouraige, Davertige, Fignolé, Sénatus et le matérialisme dialectique dans la genèse du mouvement.
Là où il n'y a pas de chaos, il n'y a pas de vie, précise le romancier. Considérant nos déboires politiques comme mineurs dans la compréhension totale du drame haïtien, Frankétienne revendique haut et fort notre condition « de dieux qui s'ignorent, perdus dans les fragments de la mécanique céleste ».
La conférence est une sorte d'exorcisme contre la paralysie des corps et des esprits. Le spiralisme peut réveiller les forces endormies chez l'Haïtien, souligne-t-il. C'est par l'imaginaire qu'on pourra vaincre nos schizophrénies, « cette folie collective qui ne dit pas son nom». Le conférencier clame : « Soyons des fous capables de chevaucher nos folies dans la lumière créatrice. » Frankétienne tente une conscientisation identitaire non plus anthropologique, mais spirituelle et scientifique. Le miracle haïtien résiderait dans l'exploration du spiralisme comme philosophie nationale de notre convulsive modernité.
Une jeune troupe de théâtre de Carrefour-Feuilles, Zantray du Soleil, a superbement joué un extrait de Foukifoura. Elle a été applaudie par la nombreuse assistance.La Bibliothèque du Soleil remercie La Fokal, le Bureau du Premier ministre, le ministère des Affaires étrangères, les Presses nationales d'Haïti, la Unibank, Le Nouvelliste qui ont donné leur support à cette importante conférence. Elle doit être reprise dans plusieurs villes du pays.Monsieur Clément Benoit II de Livres en Liberté appuie l'idée de cette tournée de l'écrivain pour la sortie de l'abîme, une maîtrise de l'envoûtement séculaire et le réveil culturel national.
Pierre Clitandre
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=56110

Aucun commentaire: