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mardi 22 janvier 2008

Haïti : Vivre dans l’Artibonite, un combat au quotidien

Mardi 22 janvier 2008
3 heures. C’est le temps qu’il faut rouler depuis la capitale pour arriver dans la vallée de l’Artibonite (plus d’une centaine de Km). Une fois rendu, c’est un paysage saisissant de beauté et de charme qui s’offre au visiteur. Rizière en premier plan, étendue de végétation tropicale en deuxième et mornes en fond. Derrière ce spectacle se cache pourtant une dure réalité. Vivre ici relève d’un combat quotidien et harassant.
Témoignage
Par Cindy Drogue
P-au-P, 22 janv. 08 [AlterPresse] --- L’Artibonite est avant tout un département agricole. Certains l’appellent, ou l’appelaient devrait-on dire, le grenier d’Haiti. Le riz, principale production dans la région, se « vend mal », confie Louise Pierre, paysanne de son état, à AlterPresse. Il se vend moins cher que le riz importé.
La production rizicole a dramatiquement chuté dans l’Artibonite. Les rendements sont passés de 100 000 tonnes par an il y a dix ans (80% de la production nationale) à 76000 tonnes aujourd’hui (52% de la production nationale).
La libéralisation commerciale appliquée depuis plusieurs années par l’Etat haïtien est en train de tuer et d’asphyxier la paysannerie locale, constate AlterPresse.Le paysan haïtien se retrouve aujourd’hui en concurrence directe avec le producteur américain qui dispose d’outils modernes et de subventions.
Les petits exploitants ne disposent pas d’assez de capitaux pour investir dans la production, n’ont pas d’accès au crédit et les engrais sont trop chers. Ils sont donc obligés de vendre leur bétail ou autres biens précieux pour acheter des intrants agricoles, ou bien de louer une partie de leurs terres, ou pire encore recourir au prêts usuraires fixés à 20% l’an.
Avec des outils agricoles rudimentaires, un très faible encadrement, pas ou peu de formation, des intrants agricoles chers, les paysans haïtiens arrivent à produire péniblement 14,6% de la consommation nationale.
Une situation générale catastrophique
Le déclin de la paysannerie entraîne le déclin de la région de l’Artibonite tout entière. 125 000 paysans auraient, ces dernières années, rendu leur tablier et seraient partis chercher un horizon meilleur à Port au Prince la capitale ou en République Dominicaine voisine.
Et c’est vrai que vivre ici c’est lutter. Lutter pour manger tout d’abord. La situation d’insécurité alimentaire est effectivement vécue par le million d’habitants de la vallée. L’infime pouvoir d’achat de la majorité de la population pour accéder aux produits alimentaires de base et l’instabilité de la production alimentaire locale créent effectivement une situation alarmante.
Ce rapport entre producteur et consommateur constitue d’ailleurs « le drame de l’agriculture haïtienne » selon Josaphat Vilna, directeur de l’Organisation de Développement de l’Artibonite (ODVA).
Vivre dans l’Artibonite c’est aussi lutter pour envoyer les enfants à l’école. Dans la plupart des fratries aucun n’a cette chance. Parfois « c’est un seul enfant qui est l’heureux élu mais rarement une famille peut envoyer tous ses enfants à l’école », soupire Fleurène, élue locale de Verrettes. Quand un seul enfant est choisi, les garçons sont privilégiés, ajoute t-elle.
Question santé. Le drame aussi. Un centre de santé pour 30 000 habitants dans la région de Verrettes et un seul médecin ! De nombreuses femmes n’ont pas, par exemple, les moyens de payer les 10 000 gourdes nécessaires pour avoir le droit d’accoucher à l’Hôpital. Elles effectuent donc la plupart du temps le travail chez elle, sans aucune assistance médicale. Beaucoup en succombent, informe encore Fleurène.
Et dans la plupart des cas l’exode n’apporte pas de solution. Les personnes échouent généralement dans un des bidonvilles de la capitale et viennent grossir les rangs d’une population rongée par la pauvreté, ou bien échouent dans un « batey » ou encore chez un particulier dominicain, et sont exploités...
Des initiatives de développement malgré tout
Face à cette douloureuse réalité, des Artibonitiens se battent pour trouver des alternatives. Jeanmilus Bertrand, de la Plateforme de Développement Intégré de Désarmes (PDID) explique comment le programme d’appui à la gestion de l’environnement (PAGE) tente, par des actions de sensibilisation et d’éducation auprès des écoles et des groupements de paysans, d’améliorer la situation de la vallée.
L’ingénieur-agronome Josaphat Vilna, avec un maigre budget, met en place, lui aussi, des initiatives de développement. Comme par exemple le programme de formation des jeunes agriculteurs ou le programme de pondeuses, pour relancer la filière avicole. 50 cages et 2500 poules : le projet est petit mais le défi est grand. [cd gp apr 22/01/2008 09 :30]

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