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mardi 22 janvier 2008

Lettre ouverte aux autorités de l’épouse du directeur du CNE, Alex Lorquet

Affaire CNE
Le directeur du CNE incarcéré depuis le 12 novembre 2007
vendredi 18 janvier 2008,
Radio Kiskeya
Mesdames/Messieurs les Autorités,
Le lundi 12 novembre 2007, répondant à une invitation du commissaire du gouvernement, Me Claudy Gassant, mon mari, Alex Lorquet, s’est spontanément présenté au parquet afin d’aider à éclaircir cette fameuse question de vente d’équipements du Centre National des Équipements (CNE) soulevée par certains parlementaires. C’est la dernière fois, jusqu’à aujourd’hui, que ses deux fils devaient voir leur père tant adoré et le cauchemar allait commencer pour notre famille.
Ma démarche, aujourd’hui, est celle d’une femme dépassée par les événements et indignée, qui ne sait plus que répondre à ses deux garçons de 12 et 14 ans qui veulent une seule réponse qu’elle espère pouvoir trouver : Quand reverront-ils leur père ? Haïtien authentique, Alex croyait encore en ce pays, ce, à ses dépens. A ses amis qui lui demandaient de ne pas accepter ce poste, il répondait « qu’il est temps que des hommes honnêtes acceptent finalement de mettre la main à la pâte pour l’avancement de ce pays ». Il a même été jusqu’à risquer de perdre sa famille pour répondre à l’appel. Mais, quelle récompense ! Quatre chefs d’accusation : Association de malfaiteurs, Faux et Usage de faux , Dilapidation de biens publics, Prévarication.
Le Ministre des Travaux Publics, Transports et Communications (TPTC), l’ingénieur Frantz Verella, a déclaré publiquement que l’ingénieur Alex Lorquet était, selon lui, un homme honnête. Le député Steven Benoît, quoiqu’il fut un des dénonciateurs de ce scandale, a reconnu publiquement, et à plusieurs reprises, que mon mari était en prison injustement et a servi de bouc émissaire. Chose extraordinaire, et il faut lui en rendre hommage, il a même été jusqu’à déposer à décharge par-devant le Juge d’instruction. Les documents soumis au Parquet et au Juge d’instruction prouvent que si le CNE était logé à un local indépendant de celui des TPTC, le nom de l’ingénieur Alex Lorquet n’aurait jamais été mentionné dans cette sordide affaire. Ce qui signifie qu’il n’a absolument rien à voir dans la vente réputée illégale des équipements de TPTC attribués au CNE. Pour son malheur, Alex se retrouve aujourd’hui derrière les barreaux, au Pénitencier national, alors que les principaux protagonistes de cette histoire jouissent de leur liberté.
Aujourd’hui, je viens interpeller votre conscience en tant que responsables de ce pays, afin d’intervenir, chacun à votre niveau pour que, finalement, justice soit rendue à Alex Lorquet. Je m’attendais à une note de presse de la part de son Ministère de tutelle, à une pétition des employés du CNE, de ses collaborateurs directs, à une réaction quelconque de la part de M. Jude Célestin, qui a présidé la commission mise sur pied par le président René Garcia Préval, mais motus bouche cousue. Tout le monde semble vouloir s’arrêter à un support se limitant à des coups de fil de quelques minutes, avec des « ça va aller », « on est avec toi », « la loi est de ton côté ». Je ne suis pas Madame la marquise, et je réponds, « je vais mal, merci ». Je viens vous exprimer mon indignation car, de toute cette histoire, je déduis que tout le monde a peur. Peur de qui ? Peur de quoi ? Je voudrais bien le savoir. N’y a-t-il plus d’hommes dans ce pays ? Que sont-ils devenus ?
Mon mari est en prison, c’est un fait, mais moi, j’ai encore la liberté d’expression et je veux en jouir pleinement. Je suis l’incarnation même de ce qu’on appelle une simple et honnête citoyenne et j’ai épousé Alex Lorquet pour ces mêmes raisons. Alors, je ne laisserai quiconque contraindre mes fils à baisser la tête pour un crime que leur père n’a pas commis.
J’en appelle donc à la conscience de tous les fonctionnaires de l’État, afin qu’ils se rendent compte de la fragilité de leurs postes ; qu’ils réalisent aujourd’hui à quel point leur liberté est hypothétique. Car, pour les besoins d’une enquête, un Commissaire du gouvernement peut les appeler à déposer et dénoncer ce qu’ils ignorent, comme dans le cas LORQUET et les emprisonner par la suite. L’ingénieur Alex Lorquet est aujourd’hui derrière les barreaux pour avoir été honnête, pour n’avoir pas pillé comme tant d’autres, pour avoir gêné plus d’un, peut-être ? La tête altière, je fais face à cette situation, convaincue de l’innocence de mon mari. Je le suis davantage qu’il sait que je mourrais plutôt que d’être nourrie par de l’argent mal gagné.
Y–a-t-il une justice dans ce pays ? Si à ce niveau, Alex Lorquet peut subir une telle injustice au mépris de ses années de collaboration ; qu’en est-il du simple citoyen, de l’homme du peuple ? Vers qui devons-nous nous tourner ? Une demande de main levée d’écrou a été déposée par ses avocats par-devant le juge d’instruction, Me. Bernard Sainvil, depuis le 23 novembre 2007. Pourquoi ne l’a-t-il pas acheminé au Parquet jusqu’à présent comme le prescrit la loi ? Pourquoi n’y a-t-il pas souscrit, conformément à la Convention Internationale des Droits de l’Homme et au Code d’Instruction Criminelle alors que M. Lorquet offre toutes les garanties nécessaires pour obtenir cette main levée ?
Pour comble d’ironie, alors que l’année dernière il a été royalement évité, cette année, j’ai reçu une carte l’invitant à participer à la manifestation du 1er janvier aux Gonaïves et à la grande fête de fin d’année organisée au Palais National, le 2 janvier. J’avoue que j’étais touchée de tant d’attention et j’y voyais comme un signe qu’il serait avec nous pour clôturer l’année 2007. Une fois encore, j’ai été déçue et si, de votre côté, vous aviez le cœur à la fête, ainsi que tous les membres de ce gouvernement, je vous dirai que chez nous, la Noël a été purement et simplement renvoyée.
Assise face à mes deux fils, attendant le retour probable de leur père pour la fin de l’année, la dinde et le jambon que beaucoup d’entre vous ont découpés avec allégresse sont restés au congélateur. Mais, vous savez, malgré tout, nous continuons de croire en la justice. Nous continuons de croire en la justice, même quand des criminels sont remplacés au Pénitencier par des hommes honnêtes ; nous continuons de croire en la justice et c’est pourquoi nous écrivons cette lettre ouverte et que nous nous adressons aux Organismes de Droits Humains afin que justice soit rendue à Alex Lorquet.
Nous continuons de croire que vous, responsables de ce pays, avez tout intérêt à ce que la justice et la démocratie triomphent, car seule la justice peut établir la démocratie et seule la démocratie peut sauver ce pays. Nous en appelons à votre conscience d’homme et espérons que vous porterez les responsables de la détention prolongée de mon mari à rentrer en eux-mêmes et à arrêter d’abuser de leur pouvoir.
Pour conclure, je voudrais seulement mentionner que si le citoyen honnête ne peut plus avoir la certitude d’être à l’abri de la souillure et des barreaux, dans quelles mesures les valeurs morales, dont l’intégrité, peuvent-elles servir de repères à l’édification d’un État de droit et d’une société juste et démocratique ?
En espérant que la présente contribuera à rendre au plus vite sa liberté à mon mari, l’ingénieur Alex Lorquet, dans le meilleur délai et sans condition, je vous prie, Mesdames/Messieurs les Autorités, de recevoir mes salutations patriotiques.
15 janvier 2008.
Madame Alex Lorquet

Source: http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article4625
Commentaires :
Nous reproduisons cette lettre ouverte autour d’une affaire qui avait été très commentée sur « Haïti Recto Verso ». Chez nous, on nous fait subir trop souvent le silence provoqué par l’absence de suivi sur des dossiers intéressants soit en appliquant le « Kase fèy Kouvri sa » soit quand les objectifs des affaires créées de toute pièce sont atteints c’est-à-dire écarter quelqu’un de l’administration pour le remplacer par quelqu’un proche d’une tendance ou d’une aile officielle.
L’affaire CNE commençait à se perdre entre les rouages de notre mémoire soumise trop souvent à rudes épreuves comme l’a été le cas du bateau de Tiburon et autres affaires qui se sont ensevelies sous les décombres de l’oubli avec la même facilité qui engendre leurs genèses !

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