Vendredi 9 novembre 2007
par Djems Olivier
Le pardon et la promesse sont deux éléments de solution, proposés par le chercheur Jean-Marie Théodat pour réparer les torts causés par le régime de Rafael Leonidas Trujillo en massacrant, en 1937, environ 20,000 Haïtiens à la frontière haïtiano-dominicaine.
P-au-P, 9 nov. 07 [AlterPresse] --- Par rapport au massacre de 1937, « je me suis prononcé en faveur du pardon et de la promesse », déclare Jean-Marie Théodat, maître de conférences à l’Université Panthéon Sorbonne et directeur adjoint du laboratoire de recherches Prodig/Cnrs.
Membre du comité Mémoires 1937, Théodat place la question du massacre dans « une conjoncture qui a sensiblement changé », en intervenant mercredi soir (7 novembre 2007), à un panel organisé de concert avec le Laboratoire des relations haïtiano-dominicaines (Larehdo), auquel a assisté l’agence en ligne AlterPresse.
Vers les années 1980, peu avant la chute de la dictature des Duvalier en 1986, Haïti n’était pas vraiment consciente des enjeux de la présence aujourd’hui de plusieurs milliers d’Haïtiens de l’autre côté de la frontière.
Paradoxalement, estime le chercheur, la question dominicaine en Haïti est relativement nouvelle, il ne s’agit pas d’une question simple, mais d’une question taboue. Jean-Marie Théodat évoque, en ce sens, une dynamique de confrontation sous-jacente à l’histoire des deux pays qui se partagent l’île.
Cette confrontation, à son avis, ne conduira, aucun des deux pays, nulle part. Pour s’en sortir, l’universitaire propose aux deux peuples de se lancer dans une dynamique de pardon et de promesse.
Face à cette alternative, Théodat pense que « nous avons deux choix » : la vengeance, une sorte de règlement de compte, qu’il a catégoriquement rejetée, et une action politique qui consiste en une dynamique de pardon et de promesse.
Avec plus de 17 millions d’âmes, La République Dominicaine et Haïti sont condamnées à vivre ensemble, selon le chercheur tout en rappelant que « nous sommes deux peuples voisins (…) nous avons un passé qui est souvent conflictuel ».
Théodat précise que le pardon, mentionné dans son intervention, est la condition essentielle de la mémoire. Tout en demandant « pardon au peuple dominicain » pour les torts que lui auraient causés les anciens dirigeants haïtiens, Théodat considère que le peuple dominicain devrait faire autant.
Le conférencier se montre également reconnaissant envers certains intellectuels dominicains, comme Ruben Silié, qui ont souvent défendu la cause haïtienne.
Tout en relevant le caractère religieux de la problématique du pardon, préconisée par Jean-Marie Théodat, Guy Alexandre (ancien ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine) invite les Haïtiens à éviter de rentrer dans une dynamique de ressentiment vis-à-vis des Dominicains.
Alexandre signale de très bons moments dans l’histoire des relations entre Haïti et la République, notamment l’aide donnée aux Dominicains sous le gouvernement de Fabre Nicolas Geffrard (Haïti, 1860) pour la reconquête de leur indépendance face à l’Espagne.
L’année 1965 est extrêmement importante dans l’histoire des deux pays, quand les Dominicains ont bénéficié du soutien des Haïtiens dans leur résistance patriotique contre l’occupation américaine.
Durant cette même période, les militants anti-duvaliéristes d’Haïti ont eux aussi bénéficié du support des démocrates et révolutionnaires dominicains, selon Guy Alexandre.
Il a également mentionné la période du coup d’Etat militaire de 1991 ayant conduit à l’exil le président Jean-Bertrand Aristide. Durant cette période, les Dominicains ont, sur plusieurs formes, manifesté leur solidarité envers Haïti pour le retour à l’ordre constitutionnel.
Au sens strict du terme, Guy Alexandre croit qu’ « il n’y a pas à se demander pardon », parce que les deux peuples ne sont aucunement responsables des mauvaises actions posées par leur gouvernement respectif.
Docteur en Histoire, Michel Hector articule, pour sa part, son point de vue sur trois moments historiques liés, selon lui, à la problématique haïtiano-dominicaine. Il fait état de la consolidation de l’indépendance des deux pays avec notamment la chute de Faustin Soulouque en 1859, du développement d’une économie de plantation qui, en quelque sorte, allait ponctuer les relations entre les deux pays.
Michel Hector signale aussi, à partir de 1937, le renforcement d’éléments idéologiques anti-haïtiens. L’année 1986 permettait de poser, à proprement parler, la problématique haïtiano-dominicaine d’une toute autre manière.
Parler de pardon, pour Michel Hector, c’est parler de mémoire, d’oubli et d’histoire. Parler de pardon, c’est, selon lui, parler d’engagement qui doit être porté sur le futur. « Le pardon implique une résolution de vivre autrement dans le futur », dit -il.
A cette demande de pardon, Michel Hector ajoute un bémol : il n’est pas d’accord pour responsabiliser uniquement le dictateur Trujillo, mais également les autorités haïtiennes d’alors.
« L’Etat haïtien doit demander pardon au peuple haïtien pour n’avoir pas créé de meilleures conditions de vie dans le pays », soutient l’Historien.
Tout le débat du mercredi 7 novembre 2007, animé par Sabine Manigat du Journal Le Matin, a tourné autour de la problématique du pardon, lancée par le comité Mémoires de 1937.
L’Historien haïtien Roger Petit-Frère estime, quant à lui, qu’un peuple (le peuple dominicain) ne devrait pas être rendu responsable des fautes de son gouvernement. Il rejoint en ce sens l’ambassadeur Guy Alexandre.
Rachel Doucet, une autre membre du comité Mémoire 1937, pense, pour sa part, qu’il faut poser le problème au niveau des deux États, même si cela doit être également posé de manière individuelle.
En tout cas, en 2000, de jeunes chrétiens dominicains étaient venus manifester leur solidarité envers le peuple haïtien en traversant la frontière pour se rendre à pieds, pendant environ 10 jours, de Santo Domingo au Champ de Mars, à Port-au-Prince (400 kilomètres), rappelle Lisane André du Groupe d’appui aux réfugiés et rapatriés (Garr). Lisane André a été corroborée dans ses propos par le père catholique romain William Smarth. [do rc apr 09/11/2007 13 : 13]
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6603
Notre avis :
Une approche logique et valable de nos historiens et chercheurs. La conjoncture actuelle réclame et impose des positions caractérisées par la modération que par l’envie de livrer bataille.
Comme dirait l’autre nous risquons de ne pas avoir les moyens de notre politique avec la merde nous arrivant jusqu’au coup.
La question que l’on se pose c’est de savoir pourquoi le massacre de Trujillo de 1937 revient à l’ordre du jour maintenant 50 ans après. Le silence qui a recouvert ce massacre était-il justifié ou serait-ce encore l’effet anniversaire qui a raviver le feu des consciences endormies ?
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
samedi 10 novembre 2007
Haïti/Rép. Dominicaine : Faut-il se demander pardon pour oublier le massacre de 1937 ?
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