Google

jeudi 15 novembre 2007

A Brooklyn, Dieu danse le compas

Brooklyn regorge d'églises protestantes. Beaucoup de membres de la communauté haïtienne se replient dans ces lieux de culte pour assister aux services religieux et se recréer. Church Ave porte bien son nom. Une flânerie sur cette longue voie donne une idée de la prolifération des temples qui côtoient les entreprises commerciales, les institutions financières et les résidences. « Il y a tellement d'églises ici que je me demande ce qu'elles sont. Les Haïtiens transforment n'importe quel couloir en église à Brooklyn ! », se plaint Marie Claire qui tente de les classer à la même enseigne que les banques de borlette d'Haïti.
Sur Nostrand Ave, quelques Haïtiens jouent aux dominos sur le trottoir. Ils parlent haut et fort. « De kabès ! » triomphe un joueur. Plus loin, dans une petite église, le pasteur prie pour Micia, une Haïtienne sans papiers qui a réussi à déjouer les autorités publiques américaines. « Micia se réfugie chez un autre pasteur dans un autre Etat. Dieu protège ses enfants, amen », dit le pasteur dans sa prière, devant une poignée de fidèles.
Dans les églises, les membres de la communauté haïtienne se réunissent pour rendre gloire à Dieu, se divertir et, parfois, organiser des levées de fonds pour une commune d'Haïti.
Un samedi soir comme les autres, à Queens, du côté de Springfield boulevard. Un groupe de Nordésiens organisent une collecte de fonds pour la reconstruction du marché dans la commune de Saint-Raphaël. Pour attirer plus de monde, on a aménagé une piste de danse près de la chaire du temple. Aux premières notes de compas qui surgissent des haut-parleurs, tout le monde se lance sur la piste. Pasteur et fidèles, païens et mondains se laissent entraîner par le flux des décibels, d'amples tours de reins remplaçant les prêchi-prêcha moralisateurs.A quelques pas de la chaire du pasteur, un comptoir débite des spiritueux : rhum, whisky, bière s'achètent à prix fort. L'argent, signale le barman, alimentera les fonds destinés à la construction du marché de Saint Raphaël.
Est-ce bien une église ? ai-je demandé à un monsieur posté près de l'entrée de l'édifice. « On voit bien que vous n'êtes pas d'ici. A New York, tout est une question de « bills ». Pensez-vous que c'est avec la prière que l'on paiera le loyer, l'électricité ? Cette piste de danse rapporte à l'église », dit-il.
A New York, l'argent est roi, Dieu est sourd.
Claude Bernard Sérant

serantclaudebernard@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=50606&PubDate=2007-11-15

Aucun commentaire: