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lundi 22 octobre 2007

Les petites choses qui rendent la vie difficile (2)

Une journée épuisante
Il est huit heures trente du matin. Rien que trente minutes de retard. Ce n'est pas si mal quand on a laissé sa maison seulement deux heures plus tôt. Parcourir dix kilomètres à Port-au-Prince en deux heures, c'est un record acceptable. Et le patron qui regarde sa montre comme s'il voulait dire quelque chose ! Comme si, lui aussi, il habitait en Plaine ou à Mariani. Il ne voudrait tout de même pas que l'on laisse sa maison plus tôt, quand il fait encore noir, même si, apparemment, l'insécurité a diminué. Sans compter ces chauffeurs malhonnêtes qui refusent de faire tout le parcours et qui abandonnent leurs passagers à mi-chemin. Sur pied depuis quatre heures, il est normal qu'en arrivant au boulot on ait un petit creux. Il faut donc prendre le temps de grignoter quelque chose et de se rafraîchir un peu. Qu'est qu'il y a donc d'incompréhensible à cela pour que les clients s'impatientent et commencent à se plaindre! Ce qu'il peuvent être énervants !Mais voila : on a raison, le patron, lui aussi, a raison et le client est loin d'avoir tort. Alors, tout le monde fait valoir ses droits, tout le monde s'excite et les choses vont de mal en pis jusqu'à ce que les batteries de l'inverter craquent. C'est normal puisqu'il n'y a pas eu d'électricité depuis deux jours. Et la génératrice qui est en panne!Le patron pique sa crise et tout le monde y passe : l'Etat, l'ED'H et tutti quanti... Les employés se font discrets. Personne ne veut être le souffre-douleur du boss. Alors, on se tait mais l'on sait déjà qu'il faudra travailler un peu plus tard. Et pas question de réchigner! Pendant ce temps, le client s'impatiente et sa mauvaise humeur augmente avec la température. Plus de climatiseur ou de ventilateur, et la salle n'est pas assez aérée. Entretemps, les racketteurs se démènent comme de beaux diables, profitant de la situation pour offrir leurs services. Après deux heures de vaine attente, on se rend compte que, finalement, rien ne sera fait et qu'il vaut mieux revenir demain. Avec un peu de chance, le technicien en charge aura peut-être réparé la génératrice ou encore trois ou quatre heures d'électricité auront rechargé les batteries de l'inverter.

En face, la situation est la même avec la différence que ce n'est pas un bureau de l'administration publique mais une petite entreprise mise sur pied par des jeunes qui y ont investi toutes leurs économies. Ne pouvant pas encore s'offrir une génératrice, ils n'ont d'autre choix que de regarder dormir leurs investissements pendant qu'ils doivent payer le loyer et les taxes. Et dire que l'on demande aux jeunes d'investir dans leur pays ! On commence à comprendre pourquoi tout le monde investit dans le commerce !
Midi, enfin ! C'est l'heure du lunch. Tous au petit bar d'en face, en espérant qu'il n'est pas trop rempli, sinon on risque d'attendre longtemps pour un plat du jour et un verre de jus. Et, une nouvelle fois, c'est la ruée. Cette fois, c'est vers les chaises que l'on court. Premier assis, premier servi. Et même là, des disputes éclatent. Cela se comprend. Plus on a faim, moins on est sociable.

Le ventre plein, on aimerait bien faire une petite sieste, mais il y a encore de ces emmerdeurs de clients qui patientent jusqu'au bout et demandent des renseignements, Dérangeant le « Kabicha » d'un honnête fontionnaire. Si seulement ils savaient comment la matinée a été épuisante, ils la fermeraient et s'assoiraient gentillement.
Et dire qu'après tout cela, il faut reprendre l'embouteillage et, arrivé épuisé, faire étudier les enfants à la lueur des lampes, comme il y a deux siècles. Ensuite, faute d'électricité, on ne pourra même pas se détendre devant la télé. Et, si l'on oublie d'acheter de la glace en rentrant, il faudra se contenter de boire de l'eau tiède. Et l'on dormira sans ventilateur sur un lit trempé de sueur.Puis, demain, il faudra recommencer. Dire que l'on appelle cela une vie !

Patrice-Manuel Lerebours

patricemanuel@yahoo.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=49850&PubDate=2007-10-22

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