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samedi 29 septembre 2007

Figures de la critique haïtienne Ernest Douyon

La présence du loup (1885 - 1951)
par Pierre-Raymond Dumas
Nous savions peu de lui qui a enseigné les lettres et la philosophie au lycée Philippe Guerrier des Cayes (1905 - 1914) et le droit constitutionnel, le droit pénal et le droit international privé à l'Ecole libre de droit des Cayes, mais il nous ravissait d'apprendre qu'il avait collaboré aux revues et journaux Haïti Littéraire et Sociale, Les Variétés, La Lanterne, Le Nouvelliste, Le Matin, La Phalange et Le Temps Revue. C'était un poète alerte et ses textes reflètent une vitalité d'extraverti mais derrière les poses intimistes, il y avait une grande sensibilité pour les problèmes collectifs. Mais comment ne pas douter, quand aujourd'hui le souvenir est si vague, presqu'inexistant ?Mais venons-en à l'essentiel.Bénéficiaire d'une solide éducation, bouleversant d'intelligence, Ernest Douyon, né à Port-au-Prince le 8 décembre 1885, qui exprime la mobilité et l'effervescence de son temps, a une âme de tribun. Qui se souvient de ce bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Cayes? Pas grand monde.

Plus que toute autre forme d'activité intellectuelle, la critique a trop à voir avec l'air du temps pour que ses artisans survivent dans la mémoire des générations futures. Interrogation anxieuse : la critique serait-elle moins vivace quand l'histoire se grippe et se convulse ? A défaut de se trouver, notre mordu de l'éphémère qui a l'air tantôt d'un intellectuel talentueux, tantôt d'un pigiste débonnaire, a réussi dans son travail journalistique a au moins coucher avec son temps. Une langue soignée, scintillante, toujours aux aguets, indifférente à la musique langagière. C'était le temps du coupe-papier en ivoire, du peigne espagnol et des abat-jour à volants.
Je trouve que la phrase (cadencée et aiguisée) d'Ernest Douyon en se tenant aussi loin de la paraphrase oiseuse que du jargon académique, est toute haïtienne, j'entends haïtienne du XIXe siècle, car on écrit plus clairement, plus intensément aujourd'hui. Son cas n'était pas du tout celui d'un homme qui fuit le succès et les mondanités et s'isole dans un tour d'ivoire ; au contraire, président de la Ligue haïtienne des Droits de l'Homme et du Citoyen (section des Cayes), il regardait le monde en face, avec des yeux et des dents avides. Le vertige de l'immersion dans les débats d'idées est toujours, chez lui, un pari contre le cours du monde et les fracas de l'Histoire. Et ce n'est pas parce qu'un chroniqueur est oublié, presque sacrifié sur l'auteur de la bibliographie officielle, qu'il faut lui en vouloir: Vision, Premier des Noirs et La Statue de
Dessalines, La Guadeloupe (1905), Vers le réveil et L'année d'Oswald Durand (1906). Journaliste, avocat, enseignant, Ernest Douyon, oui, mais passionné de littérature au point de trahir sa caste en laissant entrevoir qu'il la préfère à toute chose. Avec une verve éblouissante. Une passion qui fut son tourment. Loin d'être un paresseux prédisposé à l'oubli, il fut pleinement un citoyen de son siècle.Mais ce serait effleurer la surface de la vie de Ernest Douyon que d'en appeler ici à ses poses, à son indifférence affichée à la renommée, à son dédain de la gloire et à sa prédilection pour les annotations rapides et le principe de cohérence vitale. On ne peut pas raconter le style de Ernest Douyon qui fut tour à tour Secrétaire d'Etat de la Justice et des Travaux publics (1930), Secrétaire d'Etat des Finances (1931 - 1932), Président de la Cour de Cassation (1932 - 1942, 1946). Ce serait comme tenter d'expliquer des doutes ou des silences. Et j'y ai trouvé, là-dedans, c'était exemplaire, j'y ai trouvé, n'est-ce pas, la transmission du flambeau, dans une perspective qui est encore nécessaire aujourd'hui et que beaucoup d'hommes et de femmes devraient considérer comme une ligne de vie fondamentale pour renouveler l'ensemble social, qui mène au progrès intérieur de l'être.
Pierre-Raymond Dumase-

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http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=45872&PubDate=2007-09-28

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