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mercredi 23 mai 2007

Pathétique réalité : Des malades prêts à marcher des heures pour des soins gratuits

(Haïti Femmes, enfants, vieillards - ils ont marché des heures pour atteindre le dispensaire de Carrefour-Charles (sud-ouest), où soins et médicaments sont quasi-gratuits contrairement à ce qui se pratique habituellement dans le système sanitaire exsangue d'Haïti. "J'ai marché trois heures pour venir ici parce que je sais que je serai bien soigné et que je n'aurai presque rien à payer", explique encore haletant, Vincent Accius, agriculteur de 76 ans, souffrant d'une forte fièvre. Depuis août 2006, Médecins du monde (MDM) a mis en place dans ce dispensaire et dans celui plus éloigné de Lopino, également dans la région de Grande-Anse, un forfait de 25 gourdes (50 cents) pour chaque patient, comprenant les soins et les médicaments et la gratuité pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. En Haïti, le principe du Recouvrement des coûts prévaut. Prôné à la fin des années 1980 par la Banque mondiale, il implique pour le patient un paiement des consultations et des médicaments prescrits selon les pathologies. "Dans un Etat fragile comme Haïti dans lequel la majorité de la population vit dans une extrême pauvreté, le recouvrement des coûts ne fonctionne pas et nous pensons que le gouvernement haïtien et les bailleurs internationaux doivent s'engager pour fournir des soins de base gratuits à la population", souligne Bernard Arcens, coordinateur médical MDM sur la région. "Nous savons que la généralisation de la gratuité serait mieux pour les plus vulnérables mais sans aide extérieure nous n'y parviendrons pas", renchérit le directeur départemental de la santé Jean-Baptiste Jean-Joseph, fraîchement débarqué des Etats-Unis. En quelque mois, la fréquentation du dispensaire de Carrefour-Charles, situé en zone rurale, au milieu des mornes, a été multipliée par quatre. "On est débordé, on ne peut accepter que 40 personnes par jour, parfois on en renvoie jusqu'à 80 et on leur donne des tickets pour les jours suivants", explique Marie-Jeanne Felix, l'infirmière responsable. "Ca nous fait mal au coeur". Au moment de la distribution des tickets de consultation du jour, des bras se tendent, des supplications s'élèvent. Dernier ticket, dernier espoir. Il sera pour une femme enceinte ayant marché trois heures. Ginette Voltaire, 31 ans, a cheminé six heures avec son enfant de 11 ans sur les pistes défoncées menant au dispensaire, situé à 30 km de Jérémie. "J'avais un dispensaire beaucoup plus proche de mon domicile mais là-bas les médicaments sont payants et je n'ai pas les moyens", explique-t-elle. "Cela va rapidement devenir un problème", souligne Jean-Khit Dély, assistant coordinateur de MDM sur la zone. "A Carrefour-Charles, nous n'avons pas assez de ressources humaines et pas assez d'espace pour faire fonctionner plus de 40 consultations par jour", dit-il. Selon lui, "la gratuité doit être généralisée sur d'autres dispensaires, pour permettre un accès aux soins plus égalitaire et mieux réparti" dans un pays où près de la moitié des services de santé sont concentrés dans la capitale et où près de 80% de la population a d'abord recours aux médecins-feuilles (traditionnels). La saturation de Carrefour-Charles commence à décourager certains patients. "Je n'arrive pas à décrocher un ticket depuis trois jours", se lamente Darline Boussicot, dont le bébé de deux mois, Kerwill, souffre de malnutrition. "Je ne reviendrai pas", assure-t-elle, avant d'être rattrapée par le docteur Dély. Ce dernier lui promet une consultation dans la journée, en s'interrogeant: "Combien de temps allons nous pouvoir tenir?"
Source Le Nouvelliste sur
http://www.lenouvelliste.com

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