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samedi 21 août 2010

L'oeuvre littéraire de Frankétienne : Un Kaléidoscope époustouflant

Quatre ans après avoir été honoré à titre de « Trésor National Vivant », deux mois après avoir été nommé « Artiste UNESCO pour la paix », les inconditionnels de « Livres en Folie » accueilleront, une fois de plus, l'oeuvre littéraire de celui, a qui l'année 2010 a été consacré, Frankétienne. L'écrivain aux oeuvres qui, à la fois, façonnent notre pensée et parviennent à déranger notre intelligence demeure un Kaléidoscope Epoustouflant. Haïti: Par Arisma Jean Antoine
Toute l'oeuvre littéraire de Frankétienne, d'une parfaite unité intérieure , exhale un humanisme puissant où l'émotion devant l'existence et le frisson dans la nature s'unissent en une symbiose de grande noblesse spirituelle. De « H'eros-chimères » en passant par « l'Oiseau Schizophone », qui a mis en évidence la notion de schizophonie permettant de traiter les mots comme des particules d'énergie sensuelle en perpétuel mouvement à l'intérieur du texte, mettant en relief le doute, le fantasme, la dimension baroque et l'urgence des mots jusqu'à « Galaxie Chaos-Babel », la trajectoire mène vers une création intense, dense et pathétique.
L'auteur, intégré dans l'histoire universelle, scrute sereinement le temps. Bien qu'en ayant une conscience aiguë de la fugacité et de la relativité, l'écrivain est presque toujours le même, imprévisible, énigmatique, complexe, nourri de paradoxes. Dans les huit mouvements de l'Oiseau Schizophone on retrouve la fraîcheur intarissable d'une imagination débordante, à la fois intense et immense . « Diluvienne », ouvrage écrit en mémoire du journaliste-poète Jacques Roche, assassiné dans des conditions inhumaines, est doté d'un réalisme psychologique qui va droit à l'essence humaine.
Frankétienne est ce rare écrivain qui, à l'échelle planétaire, voyage constamment en first class à travers les méandres des mots inconnus. On comprend pourquoi ses travaux littéraires constituent une source d'enrichissement donnant lieu à l'élaboration de diverses thèses doctorales à l'étranger. Il est l'un des pionniers de la littérature créolophone. Son livre « Dezafi », premier roman écrit en langue créole a été salué dès sa publication en 1975 par les critiques nationaux et internationaux comme un ouvrage majeur qui aura marqué la littérature d'expression créole à coté de l'ouvrage de Félix Morisseau-Leroy intitulé : « Djakout » publié en 1953 et qui, de son coté, a permis la naissance de la poétique créole.
Il est clair que l'infini et l'éternité représentent pour Frankétienne des dimensions fondamentales ; et le chaos, sa demeure. D'où son trait dominant, l'équilibre face au hasard quand il y a nécessité.
De l'oeuvre littéraire de Frankétienne, panorama aux innombrables perspectives, se dégagent une multitude de figures poétique, métaphysique, chaotique, iconographique, onirique, philosophique, vaudouesque, psychanalytique et spiraliste. Elle est, d'une part, le résultat d'un dur labeur, axé sur plus de 50 ans de travail assidu tout en refusant les sentiers battus de la guimauve mondaine et, d'autre part, d'une candeur qui a su, après la publication de plus d'une quarantaine d'ouvrages, être à la fois inventive, créatrice et maitresse d'elle-même.
Partageant l'idée selon laquelle toute littérature est dotée d'une force, imprégnée par un génie d'une époque donnée, nous arrivons à la conclusion que Frank Etienne, de part sa figure emblématique, représente, à lui seul, un génial mégalomane. Sa perception de la littérature va au-delà de la littérature du terroir.
Peut-on trouver d'autres mots pour mieux cerner ce géant de la littérature, ce fou littéraire. Cet homme pour qui, le chômage littéraire, quoique âgé de 74 ans, semble n'être pas pour demain. « Quand je cesserai d'écrire, il faudra que je parte », a-t-il lui-même affirmé. Frankétienne serait-il la nouvelle légende du domaine de la création littéraire ? Une légende à résonance mondiale. Une légende pour son peuple, pour toutes les générations à venir, une légende pour la littérature universelle.
Dans l'univers de ce génial mégalomane, on est dans une sorte d'atmosphère chaotique qui s'organise peu à peu dans la vision encore trouble, non accessible au premier degré. A mon humble avis, c'est probablement cette raison qui empêche certains lecteurs, quoique avisés, et même des critiques littéraires de renom d'approcher son oeuvre massive et époustouflante sans heurts. C'est d'ailleurs la spécificité esthétique de la facture de l'écrivain qui n'imprègne pas aisément. Mais, le nobélisable Frankétienne exhorte à le rejoindre dans cet espace de fulgurances aveuglantes. Son espace. Ce lieu. Son non-lieu tissé d'énergie et de folie délirantes.
Avec « Mots d'Ailes en Infini d'Abîme », publié sous l'égide des Editions Presses Nationales, Frankétienne n'a fait que réaffirmer qu'il est un écrivain merveilleusement doué aux trouvailles épatantes en matière lexicale et linguistique. « Testamentaire » et « Visa pour la lumière », ses deux dernières parutions constituent le témoignage d'un écrivain au sommet de son art qui a su marauder la syntaxe française, la complexité d'une culture souvent inacceptée par les siens.
« Melovivi ou Le piège », sa dernière création théâtrale en date, écrite deux mois avant la tragédie du 12 janvier 2010, porte la sève prophétique d'un événement majeur jamais enregistré dans l'histoire des catastrophes naturelles qu'a connues l'ile Hispaniola. Le récipiendaire du prix « Mapou d'Or» 2008, décerné par la Fondation pour la Reconnaissance des OEuvres Majeures (FOROM), pourtant combat la déprime ; il entend nous inviter au périple dans les avenues des espérances jusqu'ici jamais atteintes. Prémonitoire, reste l'oeuvre qui annonce l'avènement de l'aube nouvelle! L'ère à venir.
Frankétienne, un exceptionnel créateur, un kaléidoscope mirobolant qui nous introduit au coeur d'un rêve lucide à la fois dans le temps et hors du temps, dans un espace indéfini où les hommes et les dieux se côtoient à l'infini des clartés et des ombres.
Arisma Jean Antoine
arismaj@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=79905&PubDate=2010-08-20

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