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lundi 30 août 2010

LE SOLEIL EN HAITI....«Mon ami Fidel»

Yves Therrien
Les abris dans la ville de Port-au-Prince.
Journaliste au Soleil depuis 1981, Yves Therrien raconte comment l’aide des organisations québécoises permet aux Haïtiens de reprendre leur vie en main.
Le Lundi 30 août 2010
Pendant les longues heures en attente dans les aéroports et pendant les trois vols qui me ramenaient à Québec en fin de semaine, j’ai eu le temps réfléchir à toutes les discussions sur la politique, l’État haïtien et l’état des Haïtiens de Port-au-Prince et des campagnes.
Une chanson me revenait toujours à l’esprit : Mon ami Fidel de Robert Charlebois. Étrange? Pas du tout. En revoyant les images des routes défoncées, des écoles en décrépitude, je pensais à l’avenir d’Haïti et à ce que Fidel a fait de Cuba.
En me remémorant les visages tristes et les yeux remplis de désespoir des gens vivotant sous des tentes dans les camps de réfugiés, là où il y avait des parcs, je m’inquiétais. J’avais le coeur gros.
Voir plus loin que le tas de débis.
En revenant sur les échanges avec des intellectuels, des paysans, des chauffeurs de taxi, des employés dans des magasins, les restaurants ou dans les hôtels, je sentais tout le cynisme et l’absence totale de confiance envers la classe politique locale. La plupart des Haïtiens, selon ce qu’ils nous racontent, n’ont pas confiance, ou si peu, aux élus et à tous ceux qui veulent devenir président au point de se demander ce qui pourrait remettre le pays sur les rails.
Et la chanson de Charlebois continue de me hanter. C’est la planète de “tous ensemble” ou “crève”. Des frères comme toi ça nous en prendra mille. Si nous voulons danser sur l’an deux mille! Mon ami, mon ami Fidel…»

Les seuls capables de ramener Haïti à la vie se sont les paysans. Certainement pas l’aide internationale, ni les touristes humanitaires de n’importe quelle organisation religieuse avec leur T-shirt orange fluo qui clament comme une mauvaise pub télé : Nous venons sauver Haïti, lui apporter le support, la nourriture et la rédemption. Sortez tous ces sectaires du pays avant qu’ils contaminent le sol à tous jamais par leur faux espoir et leurs faux témoignages.
Il y aurait plus de 5000 supposées ONG dans Haïti depuis le séisme et elles font probablement plus de tort que de bien. Mais il y a pire. Port-au-Prince est sans âme, sans État, sans chef d’État capable de dire : voici la voie à suivre. Le pays est quasi abandonné, sans chef charismatique, sans un homme ou une femme de poigne pour dire : Je suis avec vous et on va s’en sortir.
Le repas est servi.
Il y en a des meneurs, quelques-uns du moins, des les villages aux alentours de la capitale comme Alfred Étienne qui rêve tout haut, qui veut faire de la commune de Labrousse un village moderne pour Haïti. Et ses concitoyens le suivent. Ils croient en lui. Ou encore, David Nicolas qui veut relever le village de Baptiste par une série de mesures agricoles qui rendront les gens autonomes.
Et Elvie Maximeau qui apprend aux enfants à devenir des citoyens responsables en s’occupant d’une chèvre. Et Marc-Arthur Fils-Aimé qui se bat pour élever les consciences pour que chaque homme et chaque femme fassent valoir ses droits fondamentaux. Ou des Lydie, Anne-Vierge et Palvesoir qui passent leur vie à prendre soin des plus démunis. Et des Father Henry et des soeurs Molines qui ouvrent leurs portes toutes grandes et leur coeur aux abandonnés.
Il y a encore de l’espoir en Haïti pour quiconque sait lever les yeux un peu plus haut que les tas de débris. Il faut surtout éviter que les Blancs bien intentionnés soufflent trop fort sur la chandelle qui menace de s’éteindre en supposant que la flamme n’est pas assez forte pour éclairer tout le village.
Non, un peu d’ombre, c’est comme le silence, ça fait du bien quand on a besoin de pleurer. Demandez aux Haïtiens ce qu’ils veulent. N’imposez plus une démocratie qui ne leur ressemble pas ou une vie qui ne leur convient pas, des promesses qui les empoisonnent et les asservissent.
Faudrait-il évacuer l’île de tous ses habitants pendant 50 ans pour que la nature reprenne ses droits? Possible, mais irréaliste.
Faudrait-il un chef d’État fort, un dictateur éclairé qui aura à coeur le bien commun avant le sien? Bien des Haïtiens le pensent. Et c’est sensé. Et c’est possible.
Un des secteurs les plus amochés.
Et la chanson de Charlebois me hante toujours. Mon ami, mon ami Fidel, Pour amener le peuple au ciel, Sur les ondes d’une radio Rebelle; Il faut une samba, éternelle! Qui unit la gauche et la droite (…)Parce qu’un président, ça date, Mais un révolutionnaire: C’est fidèle (Fidel)!

Car ce ne sont pas les Sweet Micky et Wyclef Jean de ce monde qui donneront du pain à ceux qui n’en ont pas ou de l’eau à ceux qui ont soif en baissant la glace de leur limousine. Ce ne sont ni les Aristide ou les Duvalier qui marqueront l’histoire à tout jamais. Non. Ce sont les paysans qui ouvrent la porte de leur logis en disant : C’est ta maison, tu es ici chez toi. Mangeons ensemble, mon ami, le repas est déjà sur la table.
Chaque paysan, à sa manière, est un révolutionnaire: C’est fidèle (Fidel)! Et ça, j’y crois. Je l’ai vu.
NOTE: Yves Therrien est l’invité de Coopération internationale Québec qui assume les frais de transport en Haïti et en République dominicaine.
http://blogues.cyberpresse.ca/ong/2010/08/30/%C2%ABmon-ami-fidel%C2%BB/

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