Le chef de l'État se rend ce mercredi dans l'île, une première pour un président français.
Un peu plus d'un mois après le tremblement de terre qui a fait 217.000 morts et 1,2 million de sans-abris Nicolas Sarkozy annoncera ce mercredi matin à Port-au-Prince une aide française d'un montant «extrêmement significatif», selon l'Élysée. Il s'attachera aussi à annuler une autre dette, financière celle-là, 56 millions d'euros dus à Paris par l'île dévastée.
En moins de cinq heures sur place, le chef de l'État survolera en hélicoptère, avec son homologue René Préval, les quartiers sinistrés et visitera l'hôpital de la sécurité civile française. Le chef de l'État rendra hommage aux équipes de secours françaises, extrêmement actives après le drame. Il rencontrera aussi des représentants d'ONG, ainsi que les chefs civils et militaires de la mission de l'ONU sur place (Minustah).
Après l'aide d'urgence, les principaux enjeux concernent désormais la reconstruction, dont le coût est évalué à 14 milliards de dollars par la Banque interaméricaine de développement. Elle fera l'objet, le 31 mars, à New York, d'une conférence de l'ONU, où un plan d'ensemble doit être adopté. La participation française s'inscrit dans ce cadre et suivra plusieurs «axes stratégiques», souligne t-on dans l'entourage de Nicolas Sarkozy.
Parmi ces chantiers prioritaires figure le redressement de l'État (40% des fonctionnaires ont disparu, la formation est nécessaire). Il faudra aussi mettre en œuvre une décentralisation effective : les 4/5 du territoire n'ont pas été touchés, ce qui doit inciter à ne pas reproduire la thrombose provoquée par une capitale de 2 millions d'habitants (sur une population totale de 10 millions). Paris entend aussi contribuer à la mise sur pied d'un système d'éducation, dans un pays où 70% des habitants sont officiellement analphabètes.
Des signes contre l'oubli
L'essentiel, conformément au souhait des autorités locales, sera d'aider les Haïtiens à «reprendre le contrôle de leur destin» et à «définir un projet national», selon l'entourage de Nicolas Sarkozy. Car ce sont d'abord les carences d'une nation sans État qui ont conduit le pays à se transformer en tonneau des Danaïdes, engloutissant une aide internationale massive (700 millions de dollars) sans jamais trouver la voie du développement.
Ce voyage vise aussi à «solder les comptes du passé», souligne-t-on à l'Élysée en décrivant des «relations compliquées, entre amour et récriminations, proximité et amertume». Les Haïtiens n'ont pas oublié le grand emprunt, payé rubis sur l'ongle au XIXe siècle et qui les a saignés à blanc. Ils n'ont pas oublié non plus qu'un de leurs députés, envoyé à l'Assemblée nationale par Toussaint Louverture en 1794, proposa d'ajouter «Fraternité» à la trinité républicaine. Ni oublié qu'en 1945, à la création de l'ONU, la délégation haïtienne a fait basculer le vote pour que le français devienne la deuxième langue de travail de l'Organisation. À défaut de repentance («ce n'est pas l'esprit de la visite», dit-on à l'Élysée), les Haïtiens meurtris seront attentifs aux signes.
Nicolas Sarkozy sera d'autant plus enclin à les prodiguer qu'il sait Haïti historiquement tournée vers les États-Unis. Ceux-ci l'ont occupée à deux reprises et considèrent sa stabilité comme une affaire de sécurité nationale. Deux chefs de la Maison-Blanche , Roosevelt et Clinton, s'y sont rendus dans le passé. Après le tremblement de terre, les Américains ont imposé leur leadership, au risque d'agacer leurs partenaires venus eux aussi à la rescousse, et les Haïtiens eux-mêmes. Paris a exprimé, puis fait taire ses énervements. II s'agit maintenant, pour reprendre le mot de Régis Debray, de sortir la relation avec Haïti du «clair-obscur».
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