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mercredi 20 février 2008

Descente aux enfers des pêcheurs

Trois mois après la dépression tropicale Noël, la plus mortelle depuis Jeanne en 2004, l'étang de Miragoâne déborde et devient plus profond. Ce qui rend pénible la vie de 171 pêcheurs qui n'ont pas les moyens d'attraper les poissons des grandes profondeurs. Début d'une descente aux enfers !
Après avoir bourlingué aux quatre coins de la grande nappe naturelle d'eau douce, Wisnick Poussin crie la misère des 171 membres de l'Association des pêcheurs de l'étang de Miragoâne qu'il dirige. « Jusqu'à la fin de l'année 2007, les pêcheurs qui exploitent l'étang savaient attraper quotidiennement des poissons évalué à plus de 4400 livres. Economiquement, cela nous rapportait 85 mille gourdes en moyenne. Après le passage de la dépression tropicale Noël dans la région des Nippes, un pêcheur ne peut remonter que deux livres de poissons », raconte avec nostalgie le président de l'association.
Depuis cette descente aux enfers, seuls les alevins sont à la portée des pêcheurs qui utilisent aujourd'hui encore un matériel inadapté à la réalité de l'étang. « Les treize bassins versants de la région se déversent dans l'étang de Miragoâne. La dernière trombe d'eau rend l'espace plus profond, alors que les pêcheurs utilisent les mêmes bwa fouye - embarcations de fortune - fabriquées dans la zone, se plaint Ivener Poussin, membre de l'Association des Irrigants de la deuxième Plaine (AIDP).
La montée de l'étang rend pénible la vie des pêcheurs qui n'ont pas les moyens de prendre des poissons des grandes profondeurs. »« Les diverses variétés de poissons - arve, hareng, israël - étant inaccessibles, l'Etat et les ONG doivent venir en aide aux planteurs en attendant la progression des alevins. Car la misère est fille de la nécessité », philosophe Fénix Vilceron, président de l'AIDP.

Le leader communautaire prévoit déjà une crise plus profonde si les pêcheurs ne trouvent pas une alternative pour laisser grandir les alevins. « La rareté se fait déjà sentir dans les marchés de Miragoâne et de Petit-Goâve », note un peu triste Wisnick Poussin, père de sept enfants.

Là-bas, planteurs et agriculteurs se mettent d'accord sur les causes du débordement de l'étang. « C'est la plus récente saison cyclonique qui l'a provoqué », affirme Poussin, faisant allusion à une récente polémique engagée entre des environnementalistes et le ministère de l'Environnement sur les éventuelles causes. « Le cyclone Flora, en 1963, a eu les mêmes incidences sur l'étang de Miragoâne. Les lopins de terre se trouvant dans les parages ont été inondés », soutient-il.

En attendant une expertise, les planteurs et les agriculteurs qui s'étaient réunis dans la localité de Madeleine souhaitent que les eaux de l'étang soient drainées vers les terres cultivables.
Complainte paysanneLa complainte des paysans de la deuxième plaine de Petit-Goâve ne se borne pas à la seule descente aux enfers des pêcheurs. Les agriculteurs sont aussi aux abois.
Certains se relèvent péniblement des séquelles de la dépression tropicale Noël. « Une vingtaine de maisons ont été rasées, une centaine d'autres ont été inondées par la trombe d'eau, raconte Joanis Cliford, trésorier du Mouvement des paysans de Madeleine.


L'organisation a constitué un dossier qui a été déposé dans divers ministères, dont celui de l'Environnement. Personne n'est venu à notre secours. » Un tantinet anxieux, il a déploré la dégradation des bassins versants et les changements climatiques affectant les récoltes : « les saisons sèches deviennent plus longues et plus rudes, et les pluies plus irrégulières et diluviennes. »
« Les prévisions des cultivateurs ne tiennent plus », enchaîne Jackson Coicou, le vice-président de l'AIDP, qui commence à avoir peur des changements climatiques. Haïti, a-t-il rappelé, étant le pays ayant le plus faible taux de couverture forestière de la Caraïbe, est plus que vulnérable au changement climatique mondiale. « De 1980 à aujourd'hui, sur un même lopin de terre, les récoltes diminuent de moitié, alors que nous utilisons la même pratique agricole », déplore Wisnick Poussin, un peu affolé comme les paysans qui fuient le débordement de l'étang.
La barque pour aller à l'écoleSur des embarcations de fortune, des dizaines d'écoliers venus d'Anous - une localité de la deuxième plaine de Petit-Goâve - traversent régulièrement l'étang de Miragoâne à la recherche du pain de l'instruction à Madeleine. « La construction d'une école nationale à Anous pour sortir les enfants de cette situation est plus qu'une urgence », a déclaré Dérisier Recueil, membre de l'Assemblée des sections communales (ASEC) de deuxième plaine de Petit-Goaâve. Je crains, dit-il, pour les enfants qui affrontent l'étang qui déborde et qui devient plus profond. Une journée d'école, selon M. Recueil, coûte vingt gourdes à chaque élève, rien que pour payer la barque.
Commentaires :
Un article qui à lui seul permet d’avoir une idée globale de la situation d’Haïti. Mourir de soif au bord de la fontaine…oui c’est fort possible en Haïti. Il ne suffit pas de disposer de quoi étancher la soif sinon il faut dominer les différentes étapes du processus qui consisteraient à se tourner, puiser de l’eau et porter l’eau à la bouche.
Comme le lac Azuei de la région frontalière, le trop d’eau de l’étang de Miragoane représente un vrai danger pour les populations dans un pays ou la sécheresse rend d’actualité le sujet de gouverneurs de la rosée de Jacques Roumain.
Il faut le reconnaître aujourd’hui nos ressources naturelles deviennent nos propres ennemis parce que nous ne possédons pas le savoir-faire nécessaire pour les dominer et les rendre utiles.
Il ne faut plus vouloir « se laver nu et se cacher le nombril »… Nous ne savons pas faire… il nous faut de l’aide… de la vraie assistance…

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