La problématique de la filière café en Haïti a soulevé des débats, vendredi dernier, à l'Hôtel le Plaza Champ de Mars entre producteurs, exportateurs, torréfacteurs et techniciens agricoles. Le produit local est en chute libre. Tout le monde s'en plaint, les responsables aussi.
« Un hectare de terre qui nous rapportait autrefois 3 000 livres de café par année ne fournit aujourd'hui que 400 livres. Le sac d'engrais qui se vendait à 125 gourdes est passé à 1250 gourdes », raconte avec peine Samuel Desruisseaux, un producteur de café de la commune de Thiotte qui intervenait, vendredi, à la conférence sur la problématique de la filière café en Haïti. Les assises ont été convoquées par l'Association nationale des agro-professionnels haïtiens (ANDAH) et la Coordination campagne de sensibilisation pour le café haïtien. Le sexagénaire, visiblement affaibli par la fatigue des champs et les détours de la production, se plaint du manque d'attention des autorités sur la filière café. Il dénonce et critique le déséquilibre flagrant entre les dépenses consenties dans la production du café et le prix de vente, souvent informel. « Les producteurs dépensent beaucoup trop pour préparer le café alors qu'ils en tirent très peu de profit », s'insurge M. Desruisseaux.
Le coût des travauxEn saison de récolte, producteurs de café et coopératives oeuvrant dans la filière embauchent, selon le besoin, des dizaines d'employés à qui ils confient les opérations de cueillette, de dépulpage, de nettoyage et de triage. « Le processus peut durer plus de 22 jours, selon l'époque et la quantité de ressources humaines disponibles à cet effet », raconte un producteur. Pour ce faire, il faut les moyens financiers adéquats. Et c'est là le casse-tête de beaucoup de producteurs : pouvoir payer à chaque employé entre 75 à 150 gourdes par jour. « Une livre de café se vend entre 5 et 15 gourdes. Pourtant, on doit payer entre 75 et 125 gourdes par jour à chaque paysan pour les opérations de préparation du café », se lamente M. Desruisseaux.Sur la table des intervenants, le producteur de la commune de Thiotte n'est pas le seul à se plaindre de la situation critique de la filière café en Haïti. L'exportateur national, Normand Wiener, se désole de la chute libre de cette denrée locale. « De 1984 à nos jours, les exportations ont chuté de 450 000 sacs à 2430 sacs de 70 kilogrammes », dit-il. Ce déclin diminue systématiquement les possibilités d'emplois à la Maison Weiner. « Autrefois, on embauchait près de 1400 trieuses. Aujourd'hui, on engage seulement entre 50 et 70 trieuses »
La déchéance du café local serait une conséquence du manque de torréfacteurs industriels dans le pays, selon Jean Marc Ewald, directeur de production et de qualité à l'entreprise Rebo S.A. Actuellement, il n'en existe que trois : Marabout, Selecto et Rebo S.A. Sur l'ensemble de la production nationale annuelle, la part industrielle représente seulement 5.71 %. « Et pourtant, la torréfaction industrielle pourrait faciliter une importante recette fiscale pour le pays », soutient Ewald.
Le café local quoique apprécié tant sur le marché local qu'international génère de moins en moins de profits pour le pays. Dans son intervention, l'agronome Behal Joseph a souligné qu'en 1990 les exportations en café ont rapporté 15 300 000 dollars américains contre seulement 4 684 801 dollars américains en 2006. De quoi soulever le mécontentement de certains producteurs littéralement suspendus aux lèvres des intervenants. « Que comptent faire les autorités pour relancer la production de café à Baradères, à Beaumont, à Paillant, dans le département des Nippes... ? » a demandé, d'un air révolté, un participant à l'agronome Joseph. « Jusques à quand va-t-on avoir accès au crédit agricole ? », se demande un membre d'une coopérative caféière de la commune de Carice, les yeux rivés sur le représentant de l'Institut du café haïtien (INCAH). Il n'aura aucune réponse satisfaisante. L'Institut de café haitien dont la mission est de veiller sur la filière tout en développant des stratégies économiques pour relancer le café ne peut même pas subvenir à ses besoins administratifs, selon Fito Mérisier, membre de cet organisme. « L'Institut du café haïtien (INCAH) créé en 2003 se trouve dans une situation critique. Le conseil d'administration n'a pas les moyens financiers pour fonctionner. Il n'y a pas de synergie entre les employés, le budget alloué à l'organisme est très faible », dit-il.
Si l'INCAH a raté sa mission de structuration et de valorisation de la filière café sur le marché local, le label ''Haïtian blue'' ne rassure pas trop la promotion du produit local. Dans un rapport publié sur la filière en 2005, on note que le ''Haitian blue'', en dépit de sa reconnaissance internationale depuis 2001, n'améliore pas la situation des producteurs de café parce qu'il n'est pas produit en quantité suffisante (3 500 sur les 400 000 sacs de la production annuelle).
Le café haïtien a, certes, de grands atouts et intéresse toujours les étrangers. Mais ne faut-il pas absolument une prise en charge des autorités concernées pour relancer la filière, pour ne pas perdre ce délicieux produit local?
Jean Max St Fleur
tmaxner@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=54662&PubDate=2008-02-25
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mardi 26 février 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire