« Nous sommes obligés d'aller chercher du sirop à Mirebalais et à Saint-Michel de l'Attalaye pour la fabrication du clairin », explique, révolté, un guildivier de Baussan, une localité de Léogâne qui compte à elle seule pas moins d'une vingtaine de moulins et de distilleries.
Des barils plutôt vides à l'intérieur d'un moulin à Léogâne (Photo: Roberson Alphonse)
« La production de canne à sucre a chuté », poursuit-il adossé tel un soldat vaincu à un pan de mur. « Les ateliers de production de sirop et de clairin sont en voie de disparition puisque la matière première est presque que inexistante. Plusieurs ateliers ont dû fermer boutique », ajoute-t-il avec insistance comme pour tirer la sonnette d'alarme sur l'imminence de ce qu'il appelle « la débâcle de Léogâne ».
Des guildiviers au repos attendant la réparation d'une guidiverie à Baussan
(Photo: Roberson Alphonse)
Manifestement déçu, il explique d'un air tristounet que les agriculteurs abandonnent de plus en plus leurs champs, quand ils ne les vendent pas au prix fort à des « diasporas » en mal d'affirmation de réussite économique pour y construire d'énormes bâtisses en béton. « Les averses de la fin de 2007 qui ont détruit des dizaines d'hectares plantés en canne à sucre ont contribué également à la descente aux enfers de la filière dans la cité d'Anacaona », reconnaît-il sous les yeux consentant de collègues léogânais. Moins de canne, moins de siropPour fabriquer le clairin de type « Nazon » ou « Mazoute », les guildiviers sont obligés de payer les yeux de la tête pour se procurer du sirop produit à St-Michel de l'Attalaye ou à Mirebalais alors que Léogâne, il y a moins de dix ans, constituait l'un des endroits les plus importants pour la canne et ses sous-produits. « Aujourd'hui, nous trouvons difficilement le sirop et le baril nous en coûte entre 2 000 à 2 500 gourdes », confie un charbonnier assis sur une chaise en paille à côté d'une guildive en réparation à Dessources, première section communale de Léogâne. Les plantations de canne à sucre diminuent considérablement dans la plaine de Léogâne
Pourtant, la canne à sucre et ses sous-produits, bien qu'artisanaux, rapportaient autrefois beaucoup aux agriculteurs. Ils peuvent toujours leur apporter gros. Ainsi, pour seulement 25 centièmes de carreau plantés en canne à sucre, un paysan peut réaliser entre 1 500 à 2 000 dollars haïtiens. « Un carreau planté en canne, selon le type de sol et la qualité de la matière première, peut rapporter près de 8 000 dollars par récolte au paysan », explique Carl Presly Pierre, étudiant en sociologie et propriétaire de plantations de canne à sucre à Léogâne.
Baussan, localité située à Dessources, première section communale de Léogâne, comporte pas moins d'une vingtaine de moulins et de guildiveries (Photo: Roberson Alphonse)
Selon M. Pierre, même si les conditions de transformation sont archaïques, le clairin fabriqué à partir du sirop de canne de Léogâne est très apprécié à travers le pays. C'est une source importante d'entrées d'argent pour les propriétaires de moulins et de guildiveries. A Léogâne, un baril de clairin de type « Nazon » coûte en effet entre 2 000 et 2 500 dollars haïtiens.
Les Léogânais, en dépit de l'odeur du clairin qu'ils ont constamment sous le nez, sont loin d'être saouls quand ils fustigent haut et fort le laxisme des autorités à relancer la production agricole. Ils ne sont pas ivres non plus quand ils crient au secours afin de ne pas perdre leur grande richesse, leur canne cultivée depuis des temps immémoriaux, en un mot tout leur sirop...
Jean Max St Fleur
tmaxner@yahoo.fr
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