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vendredi 11 janvier 2008

Jean Fils-Aimé et le vodou

Le pasteur Jean Fils-Aimé vient de publier un livre intitulé « Vodou, je me souviens » aux Editions Dabar à Montréal. Ce livre plaide en faveur du vodou.
Constitué de huit chapitres, ce livre parle de manière générale du vodou et présente en substance l'histoire de l'Eglise catholique romaine. Il aborde également des termes-clés tels que la foi, la culture et l'inculturation.


Selon Jean Fils-Aimé, «le vodou est le mode d'être de l'Haïtien». Ainsi, écrit-il à la page 107 : « En vérité, la danse est omniprésente dans la vie haïtienne. En temps de joie comme en temps de peine, elle semble être le mode d'expression privilégié de l'âme haïtienne.»
Il affirme dans son ouvrage que le vodou a aidé beaucoup plus à l'avancement de la cause des Haïtiens que le christianisme. Il s'est donc référé aux moments-clés de la lutte du peuple haïtien (esclavage, marronnage, Bois Caïman, guerre de l'indépendance, occupation américaine, etc.) pour étayer sa thèse. Avec un luxe de détails, Jean Fils-Aimé montre l'importance du vodou dans la culture haïtienne. Il fait du vodou une arme de résistance, une thérapie populaire.
En termes d'arguments, il avance que beaucoup d'hommes politiques et de religieux ont toujours été des alliés du vodou, et ceci de manière voilée. D'après M. Fils-Aimé, il n'y a pas de culture ou de religion qui ne recèle pas sa part de mal. «Dans le judaïsme, la cabale juive, c'est de la magie, l'Islam a son soufisme. Le christianisme connaît ses messes noires et les psaumes imprécatoires.»
Il soutient aussi que le vodou est une religion qui prône l'amour et la charité.
Ce livre est un véritable plaidoyer pour la culture et l'identité haïtiennes. Il pourra, peut être, ouvrir la voie vers de nouveaux débats théologique et ethnologique. Aux dires de Dany Laferrière, il est fort possible que l'ouvrage du Dr Jean Fils-Aimé devienne «un best-seller au Québec».
(1) FILS-AIME (Jean), Vodou, je me souviens. Le combat d'une culture pour sa survie, Editions Dabar, Montréal, 2007, 250 pages.
Jean Fils-Aimé est docteur en théologie (PH D.) de l'université de Montréal. Il est spécialiste des questions de foi et de culture. Il détient une maîtrise (M.A) de l'université MC Gill en histoire médiévale. Son mémoire a porté sur la réforme protestante et la Contre-réforme catholique du XVIe siècle.


Dominique Domerçant

Succes33@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=52746&PubDate=2008-01-09
Notre commentaire :
J’ai du mal à croire qu’un tel livre puisse être écrit par un « Pasteur ». N’y aurait-il pas une erreur de frappe !( Pasteur vaudouisant sans doute ?)
Chaque fois que nous nous trouvons face à une réflexion quelconque sur le vodou nous constatons que définitivement nous ne savons pas dans quelle marque conceptuelle définir ce que nous appellerons tout simplement cette « pratique ». Nous nous demandons aussi si le concept culture vaudou ne cache pas justement cette sensation de gêne de ceux-là même qui voudraient la défendre et la replacer sur un piédestal.
Pour faire les yeux doux aux vodouisants se déclarant aussi catholiques, l’ancien président d’Haïti avait fait du vaudou une religion à part entière voulant signifier par ce cadeau qu’avant cette décision le vaudou-religion n’existait pas.
Vaudou-culture, vodou-pratique, vodou-folklore devraient être tant de termes de réflexions en quête d’un consensus pour faire définitivement le point sur la question.

4 commentaires:

johda a dit…

Jean Fils-Aimé
Défend l’idée de la possibilité et/ou de la nécessité d’articuler un devenir-vaudou de l’évangile et un devenir-évangile du vaudou. On peut réduire l’évangile à un noyau qui désamorcerait ses velléités culturelles hégémoniques. Parallèlement ,le vaudou haïtien dispose déjà de croyances et de pratiques similaires ou semblables à l’évangile .Si je comprends bien, il y a un évangile vaudouisable pour le vaudouisant et un vaudou christianisable pour le chrétien. Ma question :si cette transformation résulte de l’identité des termes compris alors l’évangile n’apporterait rien au vaudou ni le vaudou à l’évangile;si elle résulte d’une interprétation alors Fils-Aimé doit nommer le lieu (transcendant par rapport au vaudou et à l’évangile) d’où une telle interprétation tient son fondement. Dans le premier cas, il n’y a pas vraiment de fusion, mais dédoublement, répétition, excroissance;dans le second il y a un risque de nivellement ,de corruption, d’altération posée par la violence d’un tiers(le vaudou fusionné pourrait ne rien garder du vaudou véritable;de même que l’évangile).Dans le premier cas il n’y a pas fusion, dans le deuxième cas il y a fusion mais problème quant à(l’identité de) ce qu’on a fusionné.
Comment rendre compte de cette antinomie ?Pourquoi le projet d’un devenir-vaudou de l’évangile et d’un devenir-évangile du vaudou butte t-il sur cette difficulté?
1)Fils-Aimé(comme tout penseur engagé dans une démarche dialectique)doit s’opposer à toute définition essentialiste tant du vaudou que de l’évangile. Ainsi à la question « qu’est-ce que le vaudou haïtien »la seule réponse qui lui soit permise(à la suite de Caron, Fontus …)c’est « le ciment de la culture haïtienne ».Il ne lui est pas possible d’élaborer une définition plus précise;de circonscrire le vaudou dans un concept plus restrictif. Il doit le garder ouvert à toute détermination, disponible pour toute rencontre ultérieure. Même chose pour l’évangile. Au-delà d’un vague « mort et résurrection de Jésus-Christ »aucune précision quant à la nature de l’évangile. L’entreprise dialectique ne lui laisse guère le choix :s’il veut procéder à une rencontre des deux il doit laisser l’un comme l’autre ouvert, indéterminé, disponible. Mais cela revient à dire aussi les garder comme des ombres fugitives, des squelettes sans vie, des fantômes irréels. Autrement dit, ce qu’il peut gagner dans la dialectique (s’il la réussit)il le perd dans l’analytique :son vaudou-évangile sera d’autant plus net que son vaudou ou son évangile sera vague, étendu, expansif, confus presque. A cette nécessaire imprécision et confusion quant à la nature des termes de sa dialectique s’ajoute un second inconvénient tout aussi incontournable.
2)Fils-Aimé(de même que tout dialecticien)doit minimiser le rôle d’une instance tierce sans laquelle pourtant ce devenir vaudou de l’évangile ou ce devenir évangile du vaudou ne saurait advenir. Il mentionne timidement que ce sont les missionnés eux-mêmes qui décideront de la part de l’évangile capable d’être exportée à leur culture. Pas plus. Pourtant c’est déjà assez pour entrevoir ou la possibilité d’une fin de non recevoir culturelle au soit-disant « mort et résurrection de j-c »ou celle d’une méprise de ce noyau par les missionnés(méprise il faut le rappeler qui est finale et sans appel puisqu’il n’y a pas d’essence à priori de l’évangile). Le destin problématique des deux possibilités laisse soupçonner l’opération d’une « main invisible »qui agit à titre de police régulatrice et donne un coup de pouce à l’avènement de la synthèse. Fils-Aimé doit nommer cette police secrète sans laquelle il ne nous reste que la magie des lwas ou le saint-esprit pour concocter par enchantement ce Christ noir. Surtout que nous la soupçonnons d’être présente autant dans la décision originaire des missionnés que dans le maintien ultérieur des acquis de celle-ci. Donc minimisation des agents extérieurs au complexe vaudou-évangile par qui une telle synthèse peut advenir. Par conséquent troisième inconvénient structurel :
3)Le modèle missiologique de Fils-Aimé (et des adeptes de l’enculturation)est on ne peut plus improbable :le missionnaire présente l’évangile(i.e. la mort et résurrection du Christ)à l’autochtone, ce dernier regarde si celle-ci à une quelconque pertinence pour sa culture ,s’il peut répondre à l’affirmative alors il devra l’investir chrétiennement dans les paramètres qui sont ceux autorisés par sa culture. Imaginons un scénario pour illustrer les prétentions des enculturationnistes :le missionnaire proclame « Jésus est l’agneau de Dieu immolé pour les péchés du monde » ,le hic c’est que notre autochtone n’a jamais vu d’agneaux de toute sa vie. Selon les enculturationnistes, il devrait pouvoir remplacer « agneaux »par « porcs »ou tout autre objet connu de lui dont la fonction s’approcherait de la pratique sacrificatoire hébraïque. Évidemment le même exercice s’applique pour tout le reste de la phrase (« Dieu » « péchés » « monde »).Qu’en est-il d’une culture polythéiste ou paganiste(plusieurs dieux) qui ne connaît pas la notion de la faute et qui ne croit qu’en l’individu? Où va-t-elle trouver le sol pour « enculturer »l’évangile?Pourquoi est-ce si extravaguant de penser que certaines cultures sont tout simplement opaques à l’évangile?N’est-ce pas une pétition de principe de postuler que toute culture est capax evangelii .
Malgré toutes les protestations de l’école enculturationniste, elle semble toujours tributaire de ce parallélisme naïf qui faisait le lot des contextualistes et adaptionnistes culturels. Il suffirait de connaître le contenu d’une culture pour pouvoir traduire ou adapter celui-ci à une autre culture .Il est vrai que ceci peut aider une église à choisir des tam-tam plutôt que la lyre mais c’est complètement inutile pour décider au préalable s’il faut oui ou non avoir des instruments de musique dans la maison de Dieu .Autrement dit aussi longtemps que le passage en est un d’adaptation, il ne fait pas problème;à preuve les missionnaires n’ont fait que ça jusqu’ici;ce qui est moins certain c’est le message même, cette fameuse « mort et résurrection »elle-même. Peut-on la recevoir en dehors des cadres historiques de l’occident chrétien sans rien sacrifier de sa culture, sans rien renoncer à son outillage mental, sans rien soustraire à la tradition ancestrale, sans court-circuiter les traces de la mémoire collective?Une réponse à l’affirmative ne va pas de soi. Fils-Aimé peut pousser le message chrétien jusqu’à sa plus petite expression il en restera toujours quelque chose de culturé, et de culturant, d’irréductiblement hébraïque, d’opaque, qui ne passe pas de lui-même dans une autre culture sans un petit coup de pouce (du missionnaire ou du missionné).C’est cette violence qui n’est pas prise en compte par les tenants de l’enculturation. Il ne leur vient jamais à l’esprit que leur prétendue valorisation de la culture locale par le christianisme puisse ne pas aller plus loin qu’un vœu pieu ou une pétition de principe et que pour le reste, ils restent des adaptionnistes ou des contextualistes, i.e. des accommodateurs de la forme.
4) Ensuite, on peut demander à Fils-Aimé si la compatibilité du vaudou à l’évangile est la résultante de facteurs historiques ou si c’est une compatibilité originelle, anhistorique et principielle. Dans le premier cas le missionné est livré à lui-même ,il ne lui reste qu’à espérer que ses pratiques finiront un jour peut-être par libérer leurs propriétés émancipatrices, dans le second le vaudou devient en soi une pratique évangélique, plus on est vaudouisant plus on est chrétien!Fatalité de l’histoire d’un coté, fatalité du dogme de l’autre. Le missionné est offert soit aux forces aveugles du temps, soit à la bonne grâce des principes .Dans les deux cas il ne possède aucun critère qui lui soit propre lui permettant de juger par lui-même de la compatibilité de ses pratiques évangéliques d’avec sa culture. Son agir risque d’être paralysé devant le chaos infini des possibles ,pauvres jouets livrés à un principe aveugle ou une histoire fatale. Dans le premier cas on ne peut voir qu’après coup qu’une pratique évangélique était compatible avec le vaudou;dans le second toute pratique évangélique en vaut une autre, il ne fait même pas de sens de poser la question de la compatibilité du vaudou et de l’évangile, les deux étant présumés semblables ou identiques. Une autre formulation de la première alternative pourrait être la suivante :avant que le vaudou ait été un facteur de réveil de la conscience nationale le christianisme pouvait raisonnablement ne pas s’inquiéter des conséquences anti-vaudou de ses croyances et de ses pratiques mais depuis l’éveil de la mouvance indigéniste dans les consciences haïtiennes tout christianisme haïtien doit se préoccuper des incidences de l’évangile sur le vaudou. On pourrait reprocher à cette image du christianisme son opportunisme, son évolutivisme intéressé, bien d’autres choses encore, mais certainement pas sa cécité historique. Il est évident qu’il s’agirait là d’un christianisme bien implanté dans le devenir culturel de sa société. Je crois que Fils-Aimé serait déjà moins sévère avec le protestantisme haïtien actuel si ce dernier garantissait ce seuil minimal de proximité avec le vaudou et la culture en général. Ce qui ne veut pas dire pour autant que cette conception soit sans difficulté. Tout d’abord un tel déterminisme historique confine l’évangile à une position permanente de réaction à l’égard de la culture;le chrétien sera toujours à la traîne du vaudouisant; celui-là ne sera jamais l’instigateur d’aucun élan émancipateur dans sa société. S’il est vrai qu’il rejoindra le vaudouisant dans sa lutte identitaire après coup,le chrétien dans une telle conception de la première alternative ne pourra s’empêcher pour autant la juste étiquette d’opportuniste, et peut-être pire, d’homme de peu de conviction, de conformiste amorphe. Pourtant c’est ce conservatisme qui est de mise dans plusieurs milieux ecclésiastiques, et peut-être dans d’autres sphères sociales. Seul le travail du temps fait que plusieurs institutions rejoignent les transformations culturelles opérées seules par d’autres secteurs d’une société donnée. Au début un noyau infime peut se retrouver à l’avant-garde d’une nouvelle mouvance pour toute sorte de raison propre à lui. C’est seulement après, fort d’une pédagogie éprouvée dans le temps que cette transformation obtienne la bénédiction de la société entière. Il peut s’agir d’années mais il peut s’agir de siècles tout aussi. Cette pratique est courante donc. Ce qui est particulier à l’image du conservatisme de la première alternative c’est qu’il le pose comme intrinsèque à l’évangile, il devient un trait permanent de son être, son destin est d’être réactionnaire. Là s’arrête toute similarité avec les autres conservatismes. Il élève le conservatisme en dogme. Il revendique le statu quo

Doc Jopi a dit…

Cher lecteur….
Haïti Recto Verso s’est réjoui grandement du fait que vous ayez choisi cet espace pour partager vos considérations sur les arguments soulevés par Monsieur Jean Fils-Aimé dans son livre traitant du vodou.
Nous aurions souhaité certes que l’auteur du livre puisse répondre à vos questions et permettre à nos lecteurs de partager ces considérations qui contribueront largement à la compréhension pour une acceptation ordonnée et la valorisation du Vodou haïtien.
Dans ce but, nous voudrions réactualiser le sujet en introduisant un lien facilement consultable.

Encore une fois merci de nous convier à la table de vos idées.

snel076 a dit…

J'ai entendu parler du pasteur Jean Fils-Aime depuis tantot 4 ans. J'ai suivi de pres les debats sur ce livre. J'apprecie le bravoure du pasteur Fils-Aime. J'ai hate de lire ce livre afin de pouvoir compredre la mativation du docteur Fils-Aime. Je crois que les chretiens evangeliques doivent connaitre le vodou pour pouvoir mieux asseoir leur foi religieuse.

Anonyme a dit…

J’applaudi vaillamment toute personne qui a la justesse de voix pour défendre le vaudou. La chrétienté haïtienne est une extension du vaudou, son dernier né, son contemporain.
Justement, ce commentaire qui suit approprie ma réflexion de ce matin. En quête d’une identité spirituelle et culturelle, je trouve qu'il est impératif que les pratiquants chrétiens d'origine haïtienne re /connaissent le vaudou comme un héritage identitaire qui est à la base de ce qu'ils sont comme chrétiens. La pratique spirituelle haïtienne est unique et très riche en soi. Son secret, c'est sa façon d'intégrer, la diversité des pratiques. Pour Haïti, tout au moins, le crédit pour ce secret revient aux )vaudouisants. Partant de la dynamique de cette pratique spirituelle d'origine africaine qui de par sa nature, a sus incarner les autres pratiques qui célèbrent la divinité de Dieu. Reconnaître cette réalité vivante, c'est reconnaître l'immensité de la contribution haïtienne au monde. Le nom Haïti n'existerait plus sans l'effort du peuple haïtien dans le vaudou.