Dimanche 18 novembre 2007
Par Nancy Roc
Soumis à AlterPresse le 17 novembre 2007
Gary Victor est aujourd’hui le romancier le plus lu en Haïti. Agronome de formation, il est un écrivain hors pair et également scénariste pour la radio, le cinéma et la télévision. Il a reçu en 2001 la médaille de l’Ordre de chevalier du mérite de la République française pour la valeur de son œuvre publiée en français en Haïti. « À l’angle des rues parallèles » a obtenu le prix de fiction du livre insulaire à Ouessant en 2003. Son roman « Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin », réflexion sans complaisance sur la société haïtienne a obtenu le Prix RFO en 2004. L’année dernière, il a participé au Salon du Livre à Paris en y présentant son roman policier, « Les cloches de la Brésilienne ». Cette année, c’est Montréal qui l’accueille en invité spécial de la maison d’édition Mémoire d’Encrier pour le Salon du Livre de Montréal qui se déroule du 14 au 19 novembre. Son dernier recueil de nouvelles, « 13 nouvelles vaudou » se lit d’un trait comme tous ses livres. Nous avons profité de son passage pour lui poser 10 questions :
1 / Après votre passage au Salon du Livre à Paris en 2006 où vous avez présenté « les Cloches de la Brésilienne », un véritable polar, vous voilà au Salon du Livre de Montréal avec « 13 nouvelles vaudou ». Comment arrivez-vous si aisément à surfer d’un style d’écriture à un autre ?
Je crois que cette facilité que j’ai à surfer, comme vous dites, d’un style d’écriture à l’autre vient de ma grande liberté d’esprit. Je ne suis pas comme ces littéraires qui hiérarchisent les genres jusqu’à dire que ce genre n’est pas de la littérature, celui-ci l’est. Je me plais non pas dans le genre en tant que tel mais dans la situation que je crée. Alors, cette situation et les personnages qui vivent cette situation, je les travaille librement au gré de mon inspiration. J’en donne le traitement que je veux sans me dire que ça c’est de la littérature, ça, ça ne l’est pas. J’ai toujours voulu être un créateur libre. D’ailleurs, je vis ma vie comme mon écriture. Librement. On me connaît comme cela. Sans attache.
2/ Dans votre nouveau recueil de nouvelles, vous plongez le lecteur dans l’imaginaire vaudou haïtien, un de vos thèmes préférés. Pourquoi cette fascination pour cette religion et son imaginaire ?
Je ne suis pas fasciné par cette religion. Loin de là. Ce qui me fascine c’est la manière dont cette religion imprègne l’esprit des gens, même de ceux qui ne la pratiquent pas où qui veulent tout simplement s’en démarquer. Ce qui m’intéresse, ici, c’est tout ce que le vaudou charrie comme mythes, comme légendes, comme culture. Notre société, qu’on le veuille ou non, est empêtrée dans des mentalités qui ont beaucoup à voir avec le vaudou. Alors comment parler de son vécu dans ce pays, comment parler du vécu en Haïti sans être intéressé par ce pan important de notre culture ?
3/ Le chiffre 13 est-il un clin d’œil à votre lectorat occidental ?
Je ne pense pas que ce tout ce qui est lié au chiffre 13 est uniquement du domaine de la culture occidentale. Dans de nombreuses traditions ésotériques, on retrouve le 13 comme un chiffre auquel seraient liées des énergies positives ou négatives. Mais je ne peux pas nier qu’il y a un clin d’œil au lectorat occidental. Il faut quand même jeter des passerelles entre les imaginaires.
4/ les « 13 nouvelles vaudou » se laisse dévorer ou déguster. Toutefois, on a l’impression que cet ouvrage a été pour vous très (sinon trop) facile à écrire. Est-ce que je me trompe ?
Je voulais pour ces treize nouvelles une écriture limpide, simple. C’est peut-être pour cela qu’on peut avoir l’impression que cet ouvrage a été pour moi facile à écrire. Et pourtant certaines nouvelles, dans leur conception, m’ont donné beaucoup de mal, La Langue particulièrement et aussi Pilon. Même l’écriture simple peut être d’une très grande difficulté.
5/ Toutes vos œuvres prouvent votre imagination débordante. D’où vous vient cette inspiration ?
Haïti est lieu où tout est possible, où tout devient possible. C’est surtout un lieu ou l’imaginaire se vit comme une donnée objective. Il suffit d’être à l’écoute pour avoir une mine inépuisable pour son inspiration.
6/ Vous avez eu à dire que « vous ne vous prenez pas au sérieux comme écrivain » ; pourtant vous êtes le plus lu et le plus aimé en Haïti. Comment restez-vous aussi humble dans un pays où les gens accordent tant d’importance à l’apparence ?
Parce que, peut-être, je saisis l’essence des choses. Quand on a même le soupçon de l’essence des choses, on ne peut que rester humble. Il faut dire aussi que l’écriture est perçue pour beaucoup comme un espace de pouvoir. Moi, j’ai toujours eu une aversion pour tout ce qui est pouvoir. Alors…
7/ Vous êtes vous familiarisé avec la littérature québécoise ? Qu’y trouvez-vous ?
Je ne vais pas vous mentir en disant que je suis familier avec la littérature québécoise. Je m’y mets. Il y a des auteurs qui font un travail remarquable. Mais je ne fais maintenant que les découvrir.
8/ Qu’est-ce que vous trouvez à Montréal que vous ne trouvez pas ailleurs ?
Difficile à dire. Montréal a une atmosphère particulière. Mais je ne peux vraiment pas la décrire.
9/ Vous avez écrit que « S’applaudir, c’est se rappeler qu’on existe en dehors du moule, en dehors d’un collectif en putréfaction. ». Est-ce que, à ce tournant de votre vie, vous applaudissez votre parcours ?
Mon parcours littéraire, parfois. Pour me donner le courage d’aller plus loin. On vit dans une société où on n’encourage pas l’effort, la créativité. Il faut constamment trouver en soi des raisons de persévérer dans la qualité.
10/ Votre prochain livre doit déjà être en route. Pouvez-vous nous en parler ?
Mon prochain livre, je l’ai terminé durant ma résidence d’écriture à Montpellier cette année. C’est un roman qui est une réflexion sur les rapports entre le créateur et sa création. C’est un roman aussi où je traite la question de la fonction de l’oubli de notre l’histoire.
« Treize nouvelles vaudou » explore l’imaginaire dans ses mystérieux labyrinthes. Une manière propre à l’écrivain Victor de sillonner le vaudou avec humour, force et passion. Puisant dans son quotidien les armes pour mieux voir la réalité, l’auteur nous livre ces nouvelles discrètes et subtiles, éclatant la frontière entre le visible et l’invisible. Les dieux et les hommes se mêlent à la même histoire loufoque qui s’appelle VIVRE. « Gary est un sorcier du récit, du suspense et de la retenue. Son livre est vraiment un régal. » Felicia Mihali (Terra Nova, Octobre 2007)« Imagination, vision et talent… La vie s’arrête en lisant Gary Victor. Et tant pis pour le quotidien. Découvrez ces Treize nouvelles vaudou ! » Edwidge Danticat
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6641
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
lundi 19 novembre 2007
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