Google

mardi 4 septembre 2007

Bassin Bleu, la lutte pour la survie

Bassin-Bleu, cette ville du Nord-Ouest au nom exotique, n'est plus ce qu'elle était dans un passé pas trop lointain. Cette agglomération dont la fondation remonte seulement à 1930 est en passe de disparaître après seulement 77 ans d'existence. Les Bassinbléens se battent pour sauver ce qui peut encore l'être. Mais quelles sont leurs chances quand, déjà, l'Etat a jeté l'éponge et abandonné la commune de Bassin-Bleu à son sort ?

A Bassin-Bleu, rien ne va plus. Les jeux sont déjà faits. Seuls quelques téméraires croient encore qu'ils sont capables de renverser le cours des choses et faire de leur commune le petit paradis que son nom suggère. Les responsables de la mairie, que nous avons rencontrés, n'ont pas caché que la situation est critique, pas trop loin de la catastrophe, et ce que nous avons pu constater ne fait que confirmer leurs dires.

Cette petite localité à l'aspect paisible est assez bien distribuée physiquement. Des rues assez larges et bien organisées laissent penser qu'elle a été conçue avec une certaine vision urbanistique et le choix de son emplacement indique clairement que son extension future avait été, à l'époque de sa fondation, prise en compte, car les options de développement physique de la ville sont nombreuses. L'actuelle municipalité envisage déjà de tracer de nouvelles rues et de définir les normes de construction afin d'éviter une bidonvilisation de la commune qui subit déjà les conséquences d'un inexorable exode rural.

Etat des lieux
En effet, fuyant la misère et les mauvaises conditions de vie, une bonne partie de la population des sections communales envahit les rues de Bassin Bleu qui, en aucune façon, n'est prête à les recevoir, confrontée qu'elle est déjà à des problèmes qui n'ont, jusqu'à maintenant, pas de solution.
A Bassin-Bleu, les rues ne sont pas asphaltées et le drainage n'existe pratiquement pas. Seule la rue qui passe devant la mairie a été adoquinée et dotée d'un canal d'évacuation des eaux usées et de pluie grâce à la bonne volonté d'Anthony Manigat, un citoyen de la ville qui veut continuer à croire en son avenir et qui s'implique, corps et âme pour sauver Bassin-Bleu.
Si les services de l'Etat sont généralement bien mal logées, Le commissariat de police parait, relativement, en bon état même s'il n'y a qu'un inspecteur et cinq policiers pour une population de 46458 habitants. De plus, les forces de police de la commune ne disposent que d'une motocyclette et ne peuvent compter, dans certains cas, que sur la bonne volonté des citoyens possédant un véhicule pour leurs déplacements dans le cadre de leurs services.
La mairie dispose d'un local confortable... mis à sa disposition par un citoyen de la ville. Mais pour combien de temps ? Est-il concevable qu'en l'an de grâce 2007, 203 ans après la déclaration de notre indépendance, nos dirigeants soient encore incapables de loger nos mairies en prenant leurs responsabilités et en mettant fin à la gabegie administrative et à la mainmise de certains de nos élus sur les deniers publics qu'ils confondent avec les leurs propres ? La mairie affirme disposer d'un terrain, ce que nous avons pu vérifier, pour la construction d'un complexe administratif qui pourrait loger, outre ses services, ceux de l'officier de l'état civil, de la Direction Générale des Impôts, du tribunal de paix, etc. Les fonds, eux, manquent à l'appel et les élus de la municipalité ne savent où donner de la tête.
La Téléco, ne fournissant plus de service, n'a laissé, en souvenir du bon vieux temps, qu'une enseigne et des antennes sur le toit du local qui l'abritait - propriété aussi de monsieur Manigat - de même qu'un cybercentre, aujourd'hui fermé, malheureusement pour la jeunesse bassinbléenne, inoccupée et livrée à elle-même.
A part le football, les jeunes de la région n'ont pour toute distraction qu'une salle de cinéma où ont lieu, de loin en loin, des représentations théâtrales ou artistiques. Le maire principal, Antony Louis, conscient de la situation, est, nous a-t-il confié, en pourparler avec un groupe de Bassinbléens de la diaspora pour la création d'une bibliothèque municipale.
Education
La capacité de l'Ecole Nationale de Bassin-Bleu qui dispense l'enseignement fondamental est loin d'être suffisante d'autant plus qu'elle ne peut compter sur l'apport des écoles communales qui sont dans un état exécrable.
L'école de la première section, par exemple, n'existe plus, de fait. Elle fonctionnait sous le toit d'un péristyle qu'avait généreusement offert, pour un certain temps, son responsable, un certain Josny. Temps qui, semble-t-il, est écoulé. De toute façon, les bancs ne sont plus des bancs et ce qui en reste est inutilisable. L'école de la 3e section fonctionne pratiquement sans toiture. Cette institution n'est d'ailleurs qu'un hangar en ruine divisé en ce qu'on ose péniblement appeler trois salles de classe. Une situation qui ne concerne, en principe, personne sauf les jeunes écoliers qui n'auront pas d'autre choix, cette année, que de s'adonner à la délinquance. Une façon comme une autre de se créer des activités.
Cette situation nous pousse à nous questionner sur la structure que devrait avoir une école communale. Quid de cette école communale ? n'exige-t-elle pas la mise en place, outre des salles de classe en nombre suffisant, d'espace de récréation, d'apprentissage artistique et sportif ? N'est-t-il pas obligatoire d'ouvrir à ces enfants, défavorisés à tous les niveaux, l'accès aux services d'un psychologue, d'un moniteur sportif, d'un instructeur artistique ? Pourquoi n'ont-ils pas accès à ce à quoi ils ont droit ? Si pour cela il suffit de couper les frais de service de certains « antyoutyout » qui ne font qu'embarrasser le pays par leur bêtise et leur inadéquation, pourquoi ne pas le faire? Si les communautés sont en train de prouver qu'ils peuvent prendre en charge leurs problèmes, à quoi donc servent tous ces élus qui ne font que remplir leurs poches ? Dieu nous épargne leurs services, vu leurs coûts prohibitifs !

Le lycée Jacques Stephen Alexis a le privilège d'être logé dans un local assez spacieux en béton armé, de construction récente, dans un immense espace sain et boisé. Malheureusement, à Bassin-Bleu, rien n'est parfait. La cour du lycée est laissée à l'abandon et les mauvaises herbes l'ont envahie. Par contre, la propriété est assez grande pour recevoir une bibliothèque, des terrains de jeu, une autre école fondamentale... On peut toujours rêver !Il n'existe, par ailleurs, aucune vraie école professionnelle, simplement des « degaje pa peche » qui essaient, tant bien que mal, de combler un vide inadmissible dans une commune qui compte plus de quarante mille âmes.

Santé
Le volet « santé », à Bassin-Bleu, revêt un aspect assez particulier. C'est même l'aspect le plus important que nous pouvons aborder car il permet de comprendre un peu plus clairement ce qui se passe dans cette commune ainsi que la mentalité de la population de la zone.
A cause de l'inexistence d'un réseau d'adduction d'eau potable, 70% des femmes qui fréquentent l'hôpital Bon Samaritain de Bassin-Bleu souffrent d'infections vaginales et le taux de prévalence de la malaria et de la thyphoïde est anormalement élevé. Pourtant, la commune a quatre sources qui pourraient être captées.
Pendant qu'un particulier, le même Anthony Manigat, se bat pour construire un hôpital digne de ce nom, l'hôpital Bon Samaritain, l'hôpital d'Etat, est géré, correctement, par une association de jeunes, Tchaka, qui s'occuppe de l'administration de l'institution de santé, depuis quelques temps, à la place des gestionnaires du ministère de la Santé Publique.
Pendant que le ministère ne gère, selon les dires des gestionnaires actuels, que la nomination et le salaire des médecins residents (2) nommés à Bassin-Bleu, « Tachka » s'occuppe de la gestion de l'hôpital, de son entretien, de l'approvisionnement de la pharmacie, de l'entretien du matériel, du payroll du personnel médical et administratif.
Drôle de situation, paradoxe absolu ! L'Etat a-t-il démissionné ?Bizarrement, la représentation étatique la mieux logée, la mieux lotie est celle du ministère de l'Agriculture alors que l'agriculture se meurt et que les paysans abandonnent leur terre. Où est la représentation du ministère de l'Environnement alors que les bassins versants sont en train d'être détruits, vandalisés ? Alors que le pays se meurt, les responsables des institutions concernées, les ministères de la Justice, de l'Environnement, de l'Agrculture, de l'Intérieur, se livrent une guerre d'influence qui tue la création d'une garde forestière.

Heureusement qu'à Bassin-Bleu, on a le temps et la volonté d'aller dans une autre direction. Cela prouve qu'il y a encore de l'espoir pour ce pays...

Patrice-Manuel Lerebours

Aucun commentaire: