Branlant et crasseux, l'Hôtel de Ville de Port-au-Prince ne détonne pas avec le reste de la ville. Ordures, marchés, stations d'autobus et de motocyclettes, bouches d'égout à découvert, laveurs d'autos... sont les principaux éléments qui composent l'environnement immédiat du vieux bâtiment. Visite à l'Hôtel de ville de la capitale et ses périphéries.
Quinze marches grisâtres et dentelées de la façade ouest de la vieille bâtisse conduisent à une barrière en fers forgés blancs. Elle donne accès au premier étage de l'Hôtel de Ville de Port-au-Prince. Comme à la file indienne, des sachets d'eau en plastique, vides, jonchent la moitié des marches. Deux agents de sécurité attendent derrière la porte grillagée. Ils ouvrent. Des chants vous accueillent. Des chants d'oiseaux. Surprise ! Ce premier niveau de l'Hôtel de Ville est une volière. Plus d'une dizaine d'oiseaux y ont élu domicile. Dans les bases des lustres et autres systèmes d'éclairage, des oiseaux nichent, dorment, pondent et donnent à manger à leurs oiselets. Des employés partagent cet espace avec les ovipares. Ces derniers n'offrent pas que leurs chants. De temps à autre, sur une épaule, sur une tête, sur une chaise ou sur le paquet, ces charmantes petites bêtes y laissent leurs traces. Leur fiente.
Et dans ce foutoir, le nouveau maire de la ville, Muscadin Jean Yves Jason, n'y mettra pas les pieds. Pour preuve, même la cérémonie de son installation n'a pas eu lieu à l'intérieur, mais à l'extérieur du bâtiment.
Le maire Jason estime qu'en regard de l'état de délabrement des locaux devant abriter ses bureaux, il n'y siégera pas. Du moins, pas avant de sérieux travaux de réaménagement. « Car accepter de travailler dans un tel bordel, voudra aussi dire que l'on a aucune vision pour Port-au-Prince qui dépérit »,fait remarquer un cadre de la commission de transition de la Mairie. En attendant, le maire tient son bureau à l'hôtel Le Plazza. Une commission de transition procède pour l'instant à une évaluation des lieux. Cette dernière devra, avant la fin de la semaine prochaine, soumettre son rapport, promet Frenel Louis, membre de la commission de transition. M. Louis reconnaît que le siège devant accueillir le premier citoyen de la ville présente en effet une image effroyable.
Déplorable image de l'Hôtel de ville14h. La plupart des employés viennent de prendre leur lunch. A la salle des maires, au troisième étage, un employé dans la trentaine se promène avec une bouteille vide de jus en plastique et une boite qui contenait son déjeuner. «Ne te tracasse pas, tu ne trouveras pas de poubelles dans le bâtiment», lui recommande un haut responsable de la commission de transition. En effet, un tour d'horizon dans les différentes sections de l'Hôtel de ville nous a permis de confirmer cette absurde négation, pas une seule poubelle dans l'Hôtel de ville de Port-au-Prince. Pas même dans les bureaux. A côté de l'image déplorable que projette de l'extérieur l'Hôtel de ville, il lui manque de tout pour être même un bureau opérationnel.
Des pans de fenêtres aux bois pourris d'où pendent des portières avec des vitres cassées; des espaces vides où l'on retrouve ça et là des bureaux branlants et salis ; des pièces puant la moisie ; des escaliers en bois peu rassurants ; murs fissurés que la nouvelle couche de peinture blanche arrive très mal à cacher ; des pseudo-climatiseurs, de véritables robinets ouverts en permanence... « Ça écoeure de voir dans quel état se trouve la mairie de la capitale », crache une employée qui a connu le temps où cette bâtisse faisait la fierté des habitants de Port-au-Prince. La bâtisse se fond aujourd'hui dans son environnement. Car de l'intérieur à l'extérieur, l'anarchie est infinie.
L'environnement de la mairieL'Hôtel de ville de la capitale d'Haïti se noie dans un environnement insalubre, où l'anarchie constitue la seule forme de régulation. Toute l'explication de l'insalubrité de la ville, de ses rues-marchés, du désordre urbanistique... est clairement exprimée dans les alentours de la Mairie. Si le voisinage immédiat de la Mairie est dans cet état, que peut espérer le reste de la ville se demande-t-on?Si vous faites le tour du bâtiment, la Place d'Italie comprise, vous compterez 16 bouches d'égouts à ciel ouvert. On les retrouve à côté et au milieu de la rue parallèle à la douane de Port-au-Prince en face des fenêtres du bureau du Maire principal. Les crevasses, les piles d'ordures n'en parlons pas. En face de l'entrée principale de la Mairie, le parking municipal est transformé en un vaste « car wash ». Des laveurs d'autos, maintenant munis de leurs pompes à pression, noient, défoncent, polluent, salissent le pavée. Même sur les trottoirs bordant la Mairie, transformés en parking, des laveurs d'autos s'adonnent à leur besogne.
A l'angle des rues du Quai et Eden jusque devant l'entrée principale de la mairie (façade sud), les passants, en des endroits, doivent retrousser leur pantalon et marcher sur les talons de leurs chaussures ou sautiller d'un bout à bout à l'autre comme des enfants qui jouent à la marelle. Parallèlement à l'Hôtel de ville, en face de la European Motors, des autobus de Carrefour y établissent leur station. Mercredi dernier, vers midi, ils étaient au nombre de 4, parqués à la file indienne à attendre des passagers. Et de l'autre côté, en face de la Douane de Port-au-Prince, plus d'une trentaine de motos-taxis y établissent aussi leur base. Soulignons, en passant, que la loi haïtienne sur la circulation ne reconnaît pas cette forme de transport public. Ceux que les motards transportent comme passagers ne sont pas couverts par l'assurance de l'OAVCT, obligatoire aussi pour les motocyclettes.
La Place d'Italie, rénovée à l'occasion des 250 ans de la ville de Port-au-Prince, est aujourd'hui une peau de chagrin. Elle est tout simplement abandonnée. Certains bancs de la place servent aujourd'hui d'étals d'exposition pour les marchands de vêtements usagés. Les jets d'eau n'en crachent plus une goutte. Le bassin devant accueillir ces eaux est à sec. Les grandes cuves décoratives en béton ornant le bassin, ont été transformées en poubelles. Les véritables poubelles par contre sont converties en plateforme pour les posters des candidats à la mairie de Port-au-Prince. Mais on n'y voit que ceux des candidats qui ont raté le poste. Les photos du cartel du maire Jason n'y sont pas. Ses partisans ont choisi un autre support sur cette place, mutée en porcherie. Ils se sont jetés sur les poteaux en béton d'où l'on avait sculpté d'intéressants motifs. Avec des bombes aérosols de couleur rouge, on invitait les électeurs à voter le cartel de Jason. Spoliation de l'esthétique de ces pieux. A sa venue dans la mairie, le maire Jason devra aussi penser à réparer ce tort causé par ses partisans à ces pieux, pense-t-on.
Gaspard Doréliengasparddorelien@lenouvelliste.com
Source Le Nouvelliste sur http://www.lenouvelliste.com
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mardi 17 avril 2007
Port-au-Prince à l'image de son Hôtel de ville, à l'image du pays...Pourront-ils lever les défis?
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