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mercredi 23 juin 2010

Port-au-Prince: reconstruire à tout prix

Publié le 21 juin 2010.- Bernard Demers.- La Voix de l'Est.-
Il habite sous une tente depuis la mi-février, avec sa femme et sa mère. Il y a de l'eau courante et des toilettes dans son campement, ce qui fait de lui, à certains égards, un privilégié. Deux fois privilégié en fait puisqu'il dispose d'une tente après n'avoir passé que quatre semaines sous une bâche avec des panneaux de carton, pour avoir un peu d'intimité.
Plus encore, il a un emploi, un bon emploi bien payé dans un projet international; il gagne presque 6000 $ par année, soit cinq fois plus qu'un employé au salaire minimum. Mieux encore, son employeur lui a versé une aide spéciale de 1000 $ pour qu'il puisse dégager son terrain couvert des débris de ciment de son ancienne maison puis commencer à se reconstruire.
Il se construit une maison de trois pièces, de neuf mètres par neuf mètres pour un total intérieur de 80 mètres carrés soit environ 720 pieds carrés. Il n'aura ni l'eau ni l'électricité dans la maison, bien sûr, mais tout de même une toilette extérieure et une prise d'eau pour faire la cuisine. La structure de ciment, poteaux, blocs et dalles, va demeurer visible, non pas par souci d'esthétique moderniste, mais bien parce que passer un stuc de finition sur les surfaces coûterait trop cher. On ne parle évidemment pas de peinture.

Bref, il va disposer, vers la mi-juillet, d'un espace de béton gris, avec des ouvertures grillagées et une porte en métal. Un espace qui lui permettra d'être au sec et en sécurité avec sa famille. Un espace qui pourra recevoir des lits, une table, des chaises. Un espace où il réussira à faire un branchement électrique direct et illégal sur les fils de l'EDH (électricité d'Haïti) pour pouvoir brancher une télé. Autour, dans sa petite cour, il aura une toilette et la place pour un réchaud au bois sur lequel sa femme fera la cuisine. Un espace dont vous ne voudriez probablement pas, mais qui, pour lui, est sa nouvelle maison, une maison dont il est déjà fier et où il espère suivre le dernier match du mondial de soccer, le 11 juillet prochain.
Il a pris soin de bien construire, avec beaucoup de métal dans le béton, pour que la maison ne s'écrase pas la prochaine fois. Remarquez, le 12 janvier sa maison n'est pas tombée; c'est l'immeuble d'à côté qui s'est écroulé dessus et qui l'a brisée. Contre ça il ne peut rien, seulement espérer que le voisin fera comme lui, construire solidement.
Cette nouvelle maison lui coûte cher. En plus du 1000 $ qu'il a reçu de son employeur, du 1000 $ qu'il avait économisé, il a dû emprunter 50 000 gourdes ce qui équivaut à 1400 $; au total, sa maison lui coûte sept mois de salaire, sans compter le terrain qui lui appartient déjà. Il a réussi à emprunter parce qu'il a un bon emploi, cinq fois supérieur au salaire minimum. Même là ce n'est pas la banque qui lui prête, c'est le réseau informel, les commerçants locaux.
Le séisme est une catastrophe pour la grande majorité, mais une source de richesse pour les riches. Alors, il a trouvé un prêteur qui lui a avancé 1400 $... à un taux de 25 %, garanti sur la maison.
J'ai parfois l'impression que nous pourrions être plus utiles que nous ne le sommes.
L'auteur, psychologue et ex-directeur général du cégep de Granby-Haute-Yamaska, a été candidat pour le PLC dans Shefford aux élections de 2008
http://www.cyberpresse.ca/la-voix-de-lest/201006/21/01-4291969-port-au-prince-reconstruire-a-tout-prix.php

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