LE MONDE | 20.02.10 | 14h07 • Mis à jour le 20.02.10 | 16h21
Léger flottement dans la grande machine internationale censée accoucher d'un "nouvel Haïti", après le séisme qui a fait au moins 217 000 morts et plus de un million de sans-abri dans la région de Port-au-Prince, le 12 janvier. Un mois après la réunion des pays amis d'Haïti à Montréal, le 25 janvier, et à un mois de la conférence interministérielle des donateurs prévue au siège des Nations unies, à New York, le 31 mars, les acteurs de la reconstruction peinent à donner une image d'unité.
Première fausse note : la coordination de l'aide. Au moment même où l'Organisation des Nations unies (ONU) lançait, jeudi 18 février, le plus important appel de fonds de son histoire, 1,44 milliard de dollars destinés à l'aide d'urgence pour 2010 en Haïti, le coordinateur des Nations unies pour l'aide humanitaire, John Holmes, a dû reconnaître l'authenticité d'un e-mail dans lequel il critique sévèrement les défaillances et le manque de coordination des agences de l'ONU et des ONG destinataires de ces fonds.
Dévoilé par la revue Foreign Policy, ce courrier rappelle aux agences humanitaires qu'il reste "des besoins humanitaires énormes non satisfaits". M. Holmes demande à ses "chers collègues" "de revoir radicalement" leur approche : "Plusieurs zones doivent encore dresser une liste concise des besoins, définir des plans cohérents pour y répondre et analyser les carences, écrit-il. Cela commence à se voir et en conduit d'autres à douter de notre capacité à agir."
Deuxième accroc : le coût de la reconstruction. Alors que la mission d'évaluation des dommages menée par des experts de la Banque mondiale, des Nations unies et de l'Union européenne ne doit rendre son rapport que dans deux ou trois semaines, la Banque interaméricaine de développement (BID), principal créancier d'Haïti, a surpris en annonçant, mardi 16 février, que la facture pourrait approcher 14 milliards de dollars et "serait probablement plus élevée que ce à quoi on s'attendait ".
Le chiffre a été immédiatement rejeté par l'ensemble des donateurs : il n'est que le résultat d'une projection calculée d'après le coût des dix dernières plus grandes catastrophes naturelles... "Il faut attendre la fin de la mission d'évaluation, qui va relever les pertes humaines, matérielles et économiques, en déduire le coût des dommages, puis estimer le coût possible de la reconstruction en fonction des scénarios et des priorités définis par le gouvernement haïtien ; c'est ce qui fera foi à New York", explique Sergio Jellinek, porte-parole de la Banque mondiale pour les Caraïbes.
"La conférence de New York ne doit pas se limiter à empiler des chiffres. Il faut y réfléchir à une nouvelle stratégie de développement pour Haïti, qui ne doit pas être discutée uniquement entre bailleurs multilatéraux", défend pour sa part Pierre Duquesne, l'ambassadeur chargé de coordonner l'aide française à Haïti. Dans cet esprit, la France a convaincu ses partenaires de la nécessité d'organiser quatre conférences internationales supplémentaires pour préparer le rendez-vous du 31 mars.
Le Canada et l'Organisation des Etats américains devraient organiser une réunion de la diaspora haïtienne, l'ONU une conférence des ONG, la BID et les Etats-Unis réuniront le secteur privé. La France, elle, devrait organiser aux Antilles, vers le 23 mars, une "conférence internationale des villes et des régions du monde pour Haïti", destinée à encourager la coopération décentralisée entre les collectivités locales des pays donateurs et les municipalités haïtiennes, a annoncé Nicolas Sarkozy, jeudi 18 février, lors de son déplacement en Martinique.
Que peut-il sortir d'une telle avalanche de réunions dans un calendrier aussi serré ? "L'objectif est de nourrir la conférence de New York, où pourraient s'exprimer des représentants de chaque groupe", explique M. Duquesne.
La définition d'interlocuteurs uniques pour gérer la reconstruction, par contre, reste en suspens. Côté bailleurs, la Banque mondiale, la BID et l'ONU tentent chacun d'obtenir la maîtrise du futur fonds fiduciaire qui pourrait concentrer la gestion des milliards de dollars de la reconstruction.
Côté haïtien, le gouvernement doit décider s'il veut s'appuyer sur un ministère unique ou sur une agence de reconstruction intégrant les experts internationaux. Les bailleurs ont fait savoir qu'ils ne souhaitent pas une myriade d'interlocuteurs ministériels en fonction de la nature des projets. La seconde option serait acceptable, selon Paris, à condition que le contrôle de l'agence ne soit pas confisqué de fait par les Etats-Unis.
Pendant ce temps, en Haïti, les premières averses tropicales de la saison transforment les camps de fortune surpeuplés en bourbiers et soulignent le manque persistant de tentes et d'abris en dur.
Grégoire Allix
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/02/20/la-coordination-de-l-aide-a-haiti-reste-defaillante_1308997_3222.html#ens_id=1290927
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