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lundi 15 février 2010

Haiti : Recyclage économique

"Je n'ai rien d'autre à faire depuis quelques temps, je vis avec ce travail": perché sur un tas de ruines dans une décharge, Edmond Dimanche, 40 ans, récupère tiges de métal et briques dans les décombres du tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince le 12 janvier.
Il montre de la ferraille extraite du béton armé, des tôles et toutes sortes de matériaux plastiques, papier ou tissu enchevêtrés dans les gravats. "On les vend petite monnaie", dit-il dans un français mâtiné de créole, c'est-à-dire moins d'un dollar.
La maison d'Edmond Dimanche s'est écroulée il y a un mois et ce travail de recyclage lui permet de survivre, dans la rue. Les camions venus d'un peu toute la ville déversent la manne à mesure que les décombres sont ramassés, et un petit commerce s'est organisé.
"Je passais par là et je me suis arrêté pour acheter", explique un entrepreneur qui a garé sa camionnette devant la décharge, située près de l'aéroport de la capitale haïtienne. "On peut faire des maisons, des ponts, tout ce qu'on veut avec ça", déclare-t-il, sans vouloir donner son nom.
A "l'atelier de Mme Jimmy" aussi, on utilise cet expédient pour poursuivre un semblant d'activité. "La maison à côté s'est écroulée et les gens qui ne sont pas morts sont partis", explique Beathony Blaise, 26 ans, qui supervise une dizaine d'ouvriers dans cette cour encombrée de grilles, de meubles en fer forgé et de briques.
Alors il paie des ouvriers pour aller lui chercher les matériaux qui lui manquent depuis que le séisme a paralysé l'économie haïtienne. Ca revient moins cher mais "il y a beaucoup de travail à faire", insiste-t-il en désignant une longue tige de fer brisée en plusieurs morceaux cabossés.
Mais ensuite, comme autrefois, la tige se transforme en fenêtre, en balcon dentelé, en chaises à bascule. Et ça se sait. "On a gagné 5.000 gourdes depuis le séisme", annonce le responsable qui s'estime chanceux de survivre "quand les gens n'ont même pas de tente, pas à manger".
L'atelier "faisait 40.000 gourdes par mois avant".
Derrière, armé d'un burin, Anous Cadet s'attaque à une brique de ce béton très compact qui a causé la perte de la plupart des bâtiments et habitations de la région. Méthodiquement, il attaque le mortier - mélange de sable et d'eau qui lie les briques entre elles - et en débarrasse totalement la brique.
Il la dépose sur la pile et entame la suivante. "On va essayer de les vendre", assure Beathony Blaise, en précisant que l'usine de briques, de l'autre côté du mur, a arrêté le travail depuis le 12 janvier.
L'artisan préférerait néanmoins acheter les matériaux de base "avec de l'argent, ce serait plus facile que d'aller chercher quelque chose qui ne nous appartient pas".
Au sol, des bouts de tuyaux en plastique rigide. "On va essayer de les réparer et de les installer sur un plafond. Il va bientôt pleuvoir, on va les nettoyer, les mettre bout à bout et essayer de capter l'eau du ciel", explique-t-il. "Ca c'est pour nous, on ne va pas le vendre".
AFP

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