A la suite de l’inondation quasi générale d’Haïti provoquée par le passage de quatre cyclones en un mois, un désastre naturel s’est abattu sur le pays : 500 personnes mortes , des villes côtières submergées dont Gonaïves à plus de 4 mètres d’eau par endroit., Les dégâts économiques sont énormes . Plusieurs ponts sont détruits isolant les neuf départements les uns des autres. A l’ile de la tortue 75% des bateaux en rade ont été détruits rapporte le maire de cette commune. « Les premières estimations des dégâts dans l’agriculture seraient d’environ 23 millions 515 mille dollars américains. Il ne serait pas étonnant que les pertes soient nettement plus élevées qu’elles ne le sont ici, puisque les données sont très incomplètes pour cinq départements (Ouest, Nippes, Nord’Est, Nord-ouest et Sud). (CNSA Haïti) »
Tout d’un coup tout le monde parle de reboisement des bassins versants comme d’une solution miracle. Qu’en est il en réalité ?
Le pays compte 30 bassins versants totalisant 2.177.500has. Le ruissellement de l’eau de pluie chargée de terre dans les bassins versants est le facteur principal responsable de toutes ces avalanches d’eau à l’origine des désastres naturels devenus annuels. On parle de 16.000 tonnes de terre à l’année qui laissent les mornes .Ces évènements liés aux changements climatiques se produiront chaque année parce que Haïti est située sur le chemin des cyclones qui se forment annuellement dans l’atlantique et dans les petites Antilles.
Les bassins versants sont dénudés, escarpés, et se prêtent aux mêmes phénomènes de dégradation. Tout le monde parle de ruée vers le reboisement alors que le reboisement, fut il bien pensé, n’apportera aucune solution immédiate parce qu’il faut un minimum de cinq années avant qu’un arbre fruitier devienne fonctionnel. Le facteur sur lequel il faut jouer dans l’immédiat est le ruissellement, qui coulant sur des pentes abruptes voit sa force de destruction décuplée comme 4 fois la racine carrée de la pente
- Il faut réduire le degré de ruissellement dans les bassins versants
- Il faut faciliter l’absorption de l’eau de pluie afin d’en emmagasiner d’avantage dans le sol
- Il faut réduire les pertes de sol au dessous du niveau ou elles provoquent le ravinement
- Il faut indirectement maintenir en place la couche arable d’où les plantes tirent leur nourriture.
- Il faut reboiser le pays en essence fruitière et forestière capable de par leur production de masse de changer l’économie vivrière de montagne en économie de vergers
Il s’agira d’abord de combattre l’érosion par ruissellement et l’érosion par déversement.
Comme l’érosion charrie des matériaux grossiers, ces sédiments viennent rehausser les lits des rivières qui ne peuvent plus contenir le volume d’eau boueuse transportée. Lorsque les drains, les lits des rivières deviennent tellement ensedimentés comme par exemple la rivière Rouyonne, l’excès d’eau se déverse dans les villes situées à la cote la plus basse du bassin versant qui est celle du niveau de la mer.
Dans la notion de bassins versants d’une rivière, l’eau qui a inondée par exemple, la ville de Leogane , provient de la Rivière Rouyonne qui elle-même reçoit les eaux de la rivière des Orangers, les eaux de la rivière de la Gosseline , les eaux de la rivière Momance et les eaux de la rivière Gormier. Plusieurs ravines qui jettent leurs eaux dans ces rivières proviennent de ravins plus petits au bas de la ligne de crête des mornes qui intègrent le bassin versant.
Dans la gestion des villes côtières que des bassins versants critiques surplombent les interventions de choix prioritaires sont celles qui peuvent collecter les eaux de ruissellement pour les canaliser directement vers la mer ou vers un autre exutoire naturel évitant l’inondation des villes et les dégâts connexes. Ces interventions quoique prioritaires sont considérées comme des palliatifs parce qu’elles ne s’attaquent pas aux vraies causes du problème.
Parmi ces interventions prioritaires on trouve :
- Le reprofilage des rives des rivières
- Le Curage des rivières
- Le Curage des ponts
- Le Déblaiement des embouchures
- Le Colmatage de brèches dans les rivières
- Le Curage des drains de la ville
Parmi les interventions de seconde priorité pour réduire le ruissellement mais essentielles pour s’attaquer aux causes de l’érosion on trouve :
- La correction des ravines primaires, secondaires et tertiaires
- Les terrassements d’absorption, les seuils de Pierre, le clayonnage, les bandes enherbées
- L’Etablissement des banquettes de dérivation
- La construction des exutoires
- Les plantations d’arbres à des fins industrielles.
- La culture vivrière conversationniste
Ces propositions techniques ne sont pas toutes indiquées, leur choix dépend de l’écologie des différentes zones et des différents écosystèmes retrouvés au niveau du bassin versant. Seuls les spécialistes pourraient avoir le dernier mot, après que les politiques aient donné les orientations.
Les interventions ci-dessus relèvent en particulier des ministères de l’Agriculture et des Travaux Publics.
Qu’attendons-nous de la politique des autres ministères ?
En dehors des interventions d’urgence qui rétablissent la paix sociale de la société traumatisée on attend les actions cohérentes suivantes au niveau de chacun des ministères suivants :
Ministère de l’Agriculture
- Conception sectorielle technique
- mise en œuvre des projets de gestion des bassins versants les plus critiques et de gestion de la parcelle où l’agriculteur fait l’agriculture vivrière.
- Vulgarisation, recherche et crédit à la production
Ministère Planification
- Préparation des plans d’intervention,
- Préparation d’un plan directeur d’aménagement de bassins versant précisant les interventions à faire par chaque ministère dans un projet de bassins versants.
- Réglementation des ONG opérant dans le pays
Ministère des Finances
- Financement prioritaire des projets de Bassins Versants,
- Déblocage rapide des fonds permettant de gérer durablement les Bassins Versants
Ministère du commerce
- Réglementation du commerce de bois, des produits dérivés.
- Subvention des réchauds améliorés et à gaz propane.
- Subvention Kérosène
- Création d’emploi par la mise en place d’unités de transformation des produits agricoles écotourisme, artisanat
Ministère TPTC
- Lancement de projet de protection de bassins versants conditionnant les barrages hydroélectriques, les réservoirs d’eau potable
- Construction des routes dans l’aire de chaque projet de bassin versant en cours
Ministère Environnement.
- C’est un ministère transversal, il faut le retirer dans les interventions de terrain et d’exécution de projet.
- Qu’il se consacre dans la conception des normes et de principes régissant la gestion des bassins versants et dans l’éducation environnementale
Ministère Education nationale
- Intégration de la gestion des bassins versants dans le curriculum des écoles et des programmes d’alphabétisation.
- Construction école primaire dans chaque projet de gestion de bassin versant
Ministère Santé Publique
- Lancement de projets de Gestion de bassins versants des villes et des sociétés vulnérables
- Construction des dispensaires hôpitaux dans chaque projet de bassin versant.
Ministère justice et sécurité publique
- Etablir des tribunaux de paix dans toutes les sections communales se trouvant dans les bassins versants
- Faire respecter les lois en rapport avec la gestion des bassins versants
- Etendre la PNH dans toutes les sections communales
- Prendre la tutelle de l’INARA pour régler la tenure foncière et les conflits terriens
Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales
- Allocation de l’argent des Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales aux Casecs et aux Mairies pour faire la supervision et le suivi de tout projet de bassin versant opérant dans leur territoire
Communauté internationale
- Souplesse et compréhension dans les accords de prêt, dans la gestion des prêts et des dons accordés à l’Etat haïtien.
- Gestion des fonds par l’Etat Haïtien Supervision de la gestion de fonds par les nations Unies
Durée des projets de gestion d’un bassin versant
Comme montré plus haut, Haïti compte 2.177.500 hectares de bassins versants caractérisés par une multitude d’écosystèmes totalisant 1.200.000 exploitations agricoles. Le coût de contrôle physique du ruissellement dans ces exploitations dépasse les 40.000 gourdes à l’hectare. Les travaux d’entretien annuel de ces structures coutent 4 à 5000 gourdes l’année. Le coût de production d’une parcelle vivrière comme élément de motivation pour encourager le reboisement avoisine 40.000 gourdes pour les cultures les moins couteuses. Enfin le reboisement par la plantation d’arbres 110 à 300 à l’ha, selon l’espèce va remplacer dans l’espace d’une décennie l’économie vivrière dans les bassins versants. Il faut prévoir un minimum de huit années pour la durée d’un projet de bassin versant appelé à devenir une activité durable.
Quel serait le coût d’un tel projet ?
A l’échelle du pays et ramené aux 2.177.500 has de bassins versants du pays, il est économiquement inconcevable de penser à la protection et à la conservation de cette superficie qui pourtant est incontournable. Il faut trouver une stratégie qui redonne confiance à la population dans ces dirigeants et qui crée une motivation qui la fait supporter avec son courage les 75% des dépenses. Cette stratégie passe par la mise en place d’un état fort responsable institutionnalisé et respectueux des objectifs de développement durable. On ne peut pas mettre en œuvre 31 projets de bassins versants couvrant 2.177.500 ha, mais on peut mettre sous démonstration 1/10 de cette superficie au prorata des 31 bassins versants et en respectant les priorités à la base de ces choix. Ceci reviendrait à exécuter 31 projets de gestion de bassins versants couvrant chacun 7024 has en moyenne. Dans chacune de ces aires le projet de société dont rêvent les politiciens pour le pays serait exécuté comme conçu et servirait de modèle de référence à la population pour qu’elle apporte sa participation à l’élargissement progressif du projet modèle dans le reste de la superficie de chaque bassin versant..Ceci dit, je demanderais au gouvernement de Mme Pierre Louis de s’armer de son mâle courage pour expliquer à la communauté internationale le bien fondé de la démarche qui ne viserait pas l’exclusion des ONGs mais l’intégration des ONGs qui viendraient opérer sous la tutelle des collectivités territoriales. Ceci est un rêve, mais si on ne rêve pas, on ne peut pas trouver les solutions alternatives viables parce que nos dirigeants actuels sont pris dans le labyrinthe du figé et du snobisme économique.
L’affaiblissement de l’état et l’ONGénisation du paysage politique haïtien à partir de 1990 ont débouché sur la formation d’une administration publique dont les hauts responsables sont d’anciens cadre d’ONGs qui placés en position de gestionnaire des biens de l’Etat mettent les lois organiques des institutions en veilleuse et dirigent les boites de l’Etat comme leurs biens privés. Ils en profitent pour torpiller le pays et pour négocier avec l’internationale des contrats ONG dont ils deviendront les directeurs aussitôt que l’exécutif les aura envoyés en position de réserve de la république en attendant qu’ils reviennent encore aux affaires.
L’administration publique est devenue un lieu de placement d’hommes liges en service et au service qui canalisent l’action gouvernementale dans le sens de la communauté internationale et des ONGs. Alors que les ONGs sont des structures temporaires qui exécutent des taches urgentes et ponctuelles, depuis 1990 elles sont devenues de structures permanentes par lesquelles transite toute l’aide publique au développement .Voilà l’histoire des plans comme , le PURE I, le PURE II, le CCI et aujourd’hui le DNSCRP qui ont détruit l’administration publique haïtienne et conduit le pays à ce Cul de jatte.
Agronome Michel William
http://www.agren-com.org
Nous avons été inclus par hasard dans un de ces interminables mailing lists qui pour une fois nous a permis d’obtenir le fruit d’une réflexion cohérente sur un problème crucial pour Haïti.
Les idées semblent s’emboiter en suivant une certaine logique. Et c’est si bien articulé que ce n’est pas étonnant que le secteur officiel ne sente aucun gène à bouder un tel travail. On a envie de dire que c’est trop bien conçu pour intéresser le gouvernement haïtien.
Nous ne possédons certes la moindre expertise pour juger de la valeur de ce document mais nous ne voyons aucun inconvénient à participer à sa divulgation de façon à inviter au débat.
Que celui qui trouve incorrectes les approches dégagées par l’auteur lance la première critique !
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
lundi 22 septembre 2008
PAROLES D'EXPERTS....Gestion des bassins versants/ Pas de folie dans le reboisement
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