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mardi 19 février 2008

Bombardopolis entre orgueil et désarroi

Les habitants de Bombardopolis vivent l'une des pires périodes de leur existence. Sécheresse, fuite de capitaux vers les autres communes avoisinantes, hausse des prix des produits alimentaires... les Bombardopolitains ne savent quand et comment ils parviendront à joindre les deux bouts. Ils tiennent pourtant mordicus à leur fierté : pas question de les traiter de faméliques.
« Nous sommes et resterons égaux à nous-mêmes »La disparition de la production locale, l'indisponibilité de l'eau potable, la hausse des prix des céréales et des autres produits alimentaires font de la vie des Bombardopolitains un enfer au quotidien dont, pourtant, ils refusent de parler. Fiers de leur patelin, ces gens du Far West d'Haïti ont du mal à digérer les informations fournies par le troisième sénateur du Nord-Ouest, Mélius Hyppolite, la semaine dernière, et diffusées dans les médias haïtiens et étrangers dans un contexte électoral annoncé. Selon le parlementaire, la famine aurait déjà tué sept membres de la population et que deux de ces victimes auraient été inhumées dans un même cercueil.
« Il est vrai que la vie est difficile ici, lance Maxène Faustin, un habitant du bourg. Mais, dites-moi messieurs, y a-t-il un endroit où la vie est facile dans le pays? En tout cas, si c'est ce que les autorités nous veulent, ils mettront beaucoup de temps pour l'obtenir car nous Bombardopolitains, n'avions jamais l'habitude de mendier. »Une mort controversée Le maire de la commune, Kamouest Norvélus, reconnaît, lui aussi, la misère dans laquelle vit la population. Mais il n'en croit pas non plus ses oreilles. « La vérité, c'est qu'il y avait deux vieillards, le prénommé Véritable et Anesca Escané, qui sont récemment décédés, dit le maire. Des voisins imputent la mort de l'un d'entre eux à la négligence de sa fille dont le malheur a doublement frappé à ses portes. » « En pleurant son père, sa petite fille de 15 jours, née avec un déficit pulmonaire, a trouvé la mort », dit-il. Selon lui, le sénateur Hyppolite a exagéré.

Rosita Escané, la concernée, dément ces informations qui, selon elle, lui font tant de mal. « Mon père n'est pas mort de faim, raconte-t-elle, au bord des larmes. Il était cardiaque. Il dormait seul dans sa maisonnette placée dans la même cour que la nôtre. Il refusait de nous rejoindre en dépit de notre insistance. Voilà qu'il succombe au poids de sa maladie et que moi, sa fille, porte le prix de son décès », déplore-t-elle, les bras en l'air.La nouvelle est tombée comme une traînée de poudre dans le bourg, explique Rosita. « Depuis, gémit-elle, je ne peux plus circuler dans les rues à cause des mauvaises langues. »

Gessler François, coordonnateur d'une organisation de base, raconte lui aussi, qu'il a été « stigmatisé » dans une banque à Port-de-Paix où il est allé faire une transaction. « C'est une campagne de mauvais goût qui ne profite à personne, sinon aux autorités elles-mêmes qui ont donné cette nouvelle », dit-il. « Nous avons nos problèmes, mais nous sommes et demeurons égaux à nous-mêmes », s'enorgueillit Gessler.La famine du sénateur
Si pour des habitants de Bombardopolis, la démarche du sénateur Mélius Hyppolite est motivée par la saison électorale qui pointe à l'horizon politique, pour d'autres, le départ de Care international dans la zone aurait motivé la démarche du parlementaire. « Le sénateur tente de rameuter l'opinion publique sur la nécessité de la présence de cet organisme dans la commune pour ses nombreuses réalisations et sa prise en charge remarquée d'une bonne majorité de familles dans la zone », pense l'ancien maire, Fanel Dupré.
En tout cas, selon des habitants de la zone, plusieurs ONG font déjà le pied de grue dans la commune de Bombardopolis en vue de remplacer le Care International.En raison de sa déclaration qui a porté atteinte au prestige collectif, le parlementaire candidat à sa reélection est menacé de boycott par les habitants de Bombardopolis lors des prochaines sénatoriales.Et pourtant ça va mal !

Mesguet Dupré, habitant de Grand Boulage, localité de la première section communale de Plate-forme dépendant de Bombardopolis, semble être au bord du gouffre. Les haillons qu'il porte sur son dos, son visage pâle et sa flagrante faiblesse témoignent de sa misère. Âgé d'une soixantaine d'années, ce chef de famille avec sept protégés sur le bras entre autres sa femme éborgnée depuis près de 20 ans et un petit-fils de 3 ans, doit disposer de quatre à cinq jours pour confectionner une «macoute» qu'il vend au marché du bourg entre 35 et 50 gourdes.La culture de la patate douce et du petit-mil, sa principale activité, ne peut plus être pratiquée. « On est au bord de la mort, dit-il d'un ton cassant. La pluie ne tombe pas, même les herbes résistent mal à cette sécheresse qui sévit dans le Far West depuis octobre. »
Le cyclone Noël a dévasté sur son passage toutes les plantations de pois Congo, de petit-mil, de manioc et de patate qui constituent la production agricole bombardopolitaine ; et, depuis, une goutte de pluie n'y tombe, déplorent à l'unanimité des habitants de cette commune du bas Nord-Ouest. Le pouvoir d'achat diminue considérablement avec la disparition de la production agricole à Bombardopolis et l'explosion des prix des produits de première nécessité aggrave énormément la situation des consommateurs qui se voient dans l'obligation d'acheter à 150 gourdes la marmite de riz et 130 gourdes celle de petit-mil et de maïs.
Le riz, le maïs, le petit-mil, la farine, le sucre et l'huile de cuisine deviennent carrément des denrées rares en dépit de leur présence sur le petit marché qui longe la rue de l'église Saint François.
Lima Soirélus
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=54357&PubDate=2008-02-18

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