Nous autres de la diaspora « européenne » nous ne bénéficions pas toujours des opportunités dont disposent nos "co-compatriotes" de Miami ou de New york. A l’exception de ceux qui résident dans certaines grandes capitales européennes comme Paris, nous nous privons ,nous autres, de ces réminiscences gustatives qui nous rappellent ces petits détails qui ont toujours fait d’Haïti un pays à part, au moins pour nous autres les haïtiens natif-natals. Nos primeurs en fruits, nos légumes, notre cuisine… comme ça nous manque !
En parlant de mangues, j’avais fini par remarqué que j’avais carrément oublié l’existence de ce fruit à cause de la qualité médiocre de la variété ici disponible dans les marchés et les rayons exposant des produits exotiques.
Sans vouloir offenser ceux qui profèrent une certaine affection, type "discrimination positive" pour ces fruits, je ne cesse de regretter de ne pas pouvoir déguster ces délices que je dévorais en vacances chez mes grands parents avec l’insouciance folle de l’imbécile heureux.
Souvent mes amis cependant supportaient mal la déception de ne pas me voir sautiller de joie quand, gentiment ils m’offraient une de ces mangues vendues ici et partout en Europe, en pensant me faire plaisir et surtout me caresser dans le sens des poils.
Pour justifier mon indifférence je leur disais que chez nous en Haïti, nous avons un nombre incalculable de variétés de mangues. Un nombre si important, que l’on pourrait hiérarchiser les critères de qualité en attribuant des étoiles comme les guides le font pour les hôtels et les grands restaurants.
Les agronomes et les techniciens haïtiens dominent probablement les noms scientifiques de chaque espèce de mangue. Quant à moi je me rappelle presque exclusivement d’un truc du genre « mangufera indica ». C’est tout ce que j’ai gardé des cours de biologie et botanique du professeur Richard Emmerand que nous avions appris à appelé COFGE (C=Classe, O=ordre, F=famille, G=Genre, E=Espèce).
Pour les déguster il n’était guère indispensable des les interpeller avec noms et prénoms. Je me rappelle de ces mangues étalées et vendues par petits lots de trois, quatre ou cinq unités. Là , il s’agissait surtout des « mango-fils », les moins chers, les plus courants ou des « mango-muscats » réputés d’être assez indigestes donc la dégustation était peu recommandée tard dans l’après midi.
Sans savoir pourquoi, certains fruits jouissent d’une renommée si mauvaise qui les a carrément écartés de la table. Il faut savoir que le fruit qui a le plus souffert de cette discrimination n’est point le mango-muscat. C’est définitivement ce fruit-symbole de l’exotisme, ce fruit-icône par excellence des plages et du soleil : oui il s’agit bien de notre ANANAS…quelle affaire hein ?
L’ananas aurait en effet, selon la tradition orale, la vertu et le pouvoir de « kembe » celui qui le mange après avoir beaucoup marché ! Dans certaines familles, les bananes (figues pour les intimes !) ne se mangent qu’au petit déjeuner du matin.
Pour revenir sur les mangues étalées et offertes en petits lots, il y avait la possibilité de bonnes affaires si les unités de mangues avaient subi au cours du transport, certains sévices corporels. Elles se voyaient rangées dans une autre catégorie : les « mango-mérilans ». Puisqu’il fallait s’en débarrasser au plus vite, il n’y avait pas d’autre solution que de les brader.
Définitivement là je parle de mangues populaires, les mangues qui occuperaient dans la hiérarchie le bas de l’échelle. En montant dans la hiérarchie je fais l’impasse sur les catégories intermédiaires (puisque je ne connais pas tous les nomsJ…mango-carottes, mango-Jeanmarie, mango-jérémie et autres), on retrouve les mangues des mangues. Les mangues cinq étoiles. Les mangues bourgeoises. Les mangues que ne dégusteraient que les rois, les princes et les membres de jetsets, les adeptes des soirées branchées parisiennes par exemple.
Je veux faire référence à trois catégories de mangues qui selon moi mériteraient cinq étoiles. L’ordre peut être bouleversé au gré des goûts de chacun. And the winner is….Mango-blanc, mango-cornes, mango-francisques.
J’aimerais bien pouvoir utiliser le langage classe typique d’une discipline qui s’appellerait mangologie pour une description fidèle des saveurs des goûts, des effets sur les papilles. Oui. Comme les œnologues avec le vin, comme pour le thé les spiritueux on aurait des mangologues pour les mangues.
Bref tous les haïtiens savent pourquoi elles sont délicieuses les trois variétés mentionnées. Pour ceux là qui ne sont hélas pas haïtiens (Personne n’est parfait !). Prenez des notes et assurez vous d’en faire la découverte lors de votre passage là-bas.
Cependant je ne savais pas que les mango-francisques ou mangues francisques, (mango madan Francis pour certains !) étaient exportées vers les USA et rapportaient des millions de dollars à Haïti et que c’était l’activité principale de Gros Morne.
IL y a deux étés, je me trouvais à New York pour un séjour coutumier pour visiter les parents. Deux jours avant mon retour en France je suis parti avec mes enfants voir des amis. Nous partîmes vers QUEENS et une de ces rues commerciales. El là…miracle…je ne croyais pas mes yeux…une superette vendant un peu de tout …des étalages… et des MANGUES FRANCISQUES rutilantes de lumière, d’aromes et de saveurs irrésistibles. Pour mes enfants qui ne comprenaient rien, ils ont eu l’impression que je venais de faire une rencontre de dixième type. Ca faisait déjà pas mal d’années que j’en n’avais pas vues, voire en manger…J’ai du en acheter une vingtaine…La suite de la promenade ne me disait rien du tout. Il me tardait de regagner la maison pour pouvoir en manger jusqu’à satiété.
Pendant les deux jours avant la fin de mon séjour, j’aurais pu toutes les déguster certes mais je voulais en ramener avec moi en France. J’ai mis de côté l’histoire de la fameuse chaîne du froid et j’ai pu en manger pendant quelques jours les unités qui ont fait le voyage avec moi.
Dernièrement Haïti a été secoué par une interdiction d’exportation de ce type de mangues vers les Etats Unis d’Amérique à cause du traitement inadéquat qui n’arrivait plus à éliminer les bestioles dangereuses. Là j’ai compris que c’était réellement une filière importante. Ce que je n’ai pas compris c’est le pourquoi du choix de ce type de mangue et pourquoi une exportation exclusive vers les USA.
En Haïti les mangues jouent un rôle important dans la stabilité et l’équilibre de la société. En effet en période de production la malnutrition diminue considérablement dans le pays.
A travers le comportement vis-à-vis des mangues on pouvait également apprécier aussi l’hospitalité et le côté bon enfant de l’haïtien d’avant la période lavalasso-chiméro-zenglendique. En fait, quelqu’un ne se faisait pas tuer si en passant sous un manguier vous vous arrêtiez pour en prendre quelques fruits murs. A un moment de la durée, lors du début des grandes difficultés du pays juste avant le départ de Jean Claude Duvalier, les habitants du plateau central commençait à devoir cueillir et faire bouillir les mangues encore vertes pour les manger surtout pour ne pas mourir de faim. A l’époque on criait au sacrilège, on se trouvait carrément hors-de-la grâce de Dieu. C’était inhumain et inadmissible. Aujourd’hui, vingt ans plus tard les haïtiens mangent des galettes et des biscuits d’argile !!!
Toujours la même phrase caractéristique : nous mourrons de soif au bord de la fontaine. Nos fruits sont aussi des mannes du ciel et nous n’en faisons aucun usage. Ces réflexions pourraient prendre la même allure juste en changeant de sujets. Au lieu de mangues on parlerait d’avocats, d’abricots, de sapotilles etc…
Peu importe, dans mes prières de tous les jours, à l’instar de Juan Luis Guerra, le célèbre musicien dominicain converti, auteur d’un hymne à la mangue « los mangos bajitos », qui chantait « ojalà que llueva café », je demande au bon Dieu qu’il y ait des mangues et des avocats toute l’année.
Docteur Jonas Jolivert
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
dimanche 16 décembre 2007
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1 commentaire:
vivan los mangos. y las piñas. y los aguacates.
bravo por el texto lleno de poesía y sobresaliente!!!
desde España, ánimo para continuar un blog tan hiper mega interesante.
gracias
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