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mercredi 29 août 2007

Le pain de l'instruction a mauvais goût.. Ecole République d'Argentine

Les enfants qui fréquentent l'école nationale République d'Argentine, une institution sous la responsabilité de l'État, goûtent au pain de l'instruction dans des conditions sanitaires déplorables. Et dire que le ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle prône « une école pour tous »!

L'année académique commence, encore une fois, dans un contexte difficile pour les responsables de l'école nationale République d'Argentine située à Carrefour Péan. L'institution, qui ne dispose que du faible soutien d'organisations non gouvernementales, tente, sans grand espoir, de sortir du gouffre où elle a été plongée lors de la tempête politique qui suivit le départ en catastrophe de l'ex-président Jean-Bertrand Aristide, en 2004. La ''bourrasque'' avait tout emporté dans sa démence : bancs, portes, matériel didactique, laissant derrière elle parents et enfants aux abois.

L'institution a alors été contrainte de cesser temporairement toutes ses activités académiques. « C'était l'époque de la funeste ''Opération Bagdad'' qui avait provoqué des interventions répétées des agents de la Mission des Nations-unies pour la Stabilisation d'Haïti (MINUSTAH) et de la Police nationale d'Haïti (PNH) à Carrefour Péan, naguère réputée ''zone de non-droit''. Des honnêtes gens avaient fui, sans réelle destination, pour se donner une certaine quiétude d'esprit et sauver leur peau », se rappelle le directeur Dany Léveillé. « Ce n'est que l'année dernière que les cours ont repris, malgré la situation politique et académique alarmante», déplore-t-il. Pas besoin d'un long discours du directeur pour comprendre l'immensité des besoins, car le délabrement saute aux yeux dans cette école primaire où quelque 500 enfants tentent, dans la plus grande indifférence de l'État, de goûter au pain de l'instruction. Si, à première vue, le bâtiment abritant l'institution paraît décent, son environnement physique est dégradé. Même pas une barrière à l'entrée. On entre dans la cour avant comme on entre dans un moulin. Des épaves d'automobiles y sont abandonnées. Par bandes, des cabris paissent dans l'espace broussailleux. Des recoins crasseux servent d'urinoirs aux riverains et aux passants qui ne se soucient guère de l'hygiène publique.
L'établissement souffre d'un problème criant d'assainissement. La cour intérieure en terre battue laisse présager un calvaire dans des moments de grande sécheresse. Pendant la saison pluvieuse, les enfants pataugent dans la boue. « Tout un pan de la barrière ouvrant sur la cour arrière a été emporté par des agents de la MINUSTAH, arguant qu'il méritait d'être réparé. Depuis, ils ne l'ont jamais retourné », s'inquiète M. Léveillé. A deux pas des salles de classe, des tonnes d'immondices montent la garde devant les montagnes de terre qui s'élèvent à pic, comme une catastrophe annoncée.
L'espace, très vaste, est visiblement négligé. « Cette situation d'insalubrité est due au total désengagement de l'État. Aucune mesure n'a été envisagée pour clôturer la cour de l'établissement. Les gens viennent la nuit y jeter leurs détritus. Le lendemain, on ne fait que constater, honteusement et impuissant, les dégâts », regrette le directeur. Bien qu'il reconnaisse que la fin de cette dérive n'est pas pour demain, le directeur s'active à rencontrer les responsables de la mairie afin de lancer une campagne d'assainissement avant la rentrée des classes. La saleté n'est pas le seul problème de L'école nationale République d'Argentine, loin s'en faut. Le mobilier et le matériel didactique manquent cruellement. « L'institution rouvre ses portes grâce à l'Organisation internationale de la migration (OIM) et de la CONCERN, une organisation non gouvernementale hollandaise, qui nous ont donné des bancs et des portes métalliques. Nous parvenons également à colmater certaines brèches avec la faible cotisation annuelle des élèves. L'État n'a toujours pas compris la nécessité de se manifester. Si ce n'était notre dévouement, l'institution aurait déjà fermé ses portes », affirme Dany Léveillé.

A un moment où le ministère de tutelle prône une « école pour tous », dans beaucoup d'écoles publiques le pain de l'instruction se partage dans la crasse. De quoi soulever l'indignation de maints directeurs d'école qui questionnent de plus en plus la nature de cette « école pour tous » prônée par les autorités.
Nélio Joseph

neliojoseph@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=47776&PubDate=2007-08-28

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