Les fans du rythme haïtien ont du garder leur souffle jusqu’au dernier moment pour émettre un ouf! de soulagement avec les premières notes jetées de sa voix mélodieuse et unique annonçant l’entrée en scène en chair et en os d’un Gracia DELVA en pleine forme.
En effet, malgré les insistances rassurantes de l’organisateur de la soirée, Monsieur Michelet Louis, président de l’association Fanatik’s club, s’élevant au-dessus des rumeurs malveillantes qui prévoyaient un coup bas « kout ba » en bonne et due forme de l’ancien vocaliste du groupe ZENGLEN de retour depuis quelques années à Haïti ou il fait la pluie et le beau temps.
Ces rumeurs lui étant parvenues à l’oreille, il a eu, selon Michelet Louis, l’obligeance d’appeler à maintes reprises pour démentir et réaffirmer sa volonté et son désir de faire danser le public marseillais.
Comme on a coutume de dire en faisant usage de la langue de Cervantes « todo es segun el color del cristal con que se mire ». En fait il existe une liste assez longue de critères à analyser afin de mettre une étiquette à ce genre d’activité.
Comme fan du KONPA, assistant pour la première fois à une présentation live de Gracia DELVA et Mass KONPA je n’hésiterais pas une seconde à affirmer que la soirée en matière de performance et de prestation du groupe a été une très belle réussite.
Telle ne sera sûrement pas l’opinion des organisateurs en évaluant les recettes face aux dépenses encourues. Ce sont là aussi des critères d’évaluation différents mais qui rentrent de façon non négligeable dans le bilan final et définitif.
J’ai voulu expressément commencer par le moins bien car c’est un élément important capable de conditionner une prestation médiocre ou équivoque d’un groupe : l’affluence réduite du public. Oui en effet il a manqué du monde.
Il faut connaître le milieu marseillais avant d’augurer un succès palpitant contre un échec cuisant d’une activité de ce genre.
Il suffit de fréquenter une ou deux fois une soirée antillaise pour se rendre compte qu’il existe un contingent d’individus composant une clientèle fixe qui sillonne l’ensemble des soirées organisées dans la région. Dans ce domaine, ils sont peu nombreux les promoteurs détenteurs d’un pouvoir de convocation leur permettant de remplir de grandes salles à chaque présentation. Ils sont connus dans le milieu et tout porte à croire que les organisateurs de la septième soirée de Compas ne font pas partie de ce circuit.
D’autres groupes de renom ont joué devant un public peu nombreux. Nous avons été surpris d’assister à une soirée animée par le Skah Shah number one en 1990 devant une salle presque vide. Le système Band a connu la même mésaventure dans les salons de l’Alhambra, après une prestation fantastique du TABOU COMBO en 1995 au Florida Palace, le public marseillais avait fait grise mine la même semaine en boudant une prestation du groupe Zin au top de son art. La mésaventure essuyée par Alan Cavé, Abélard et son groupe était d’un ridicule notoire dans la mesure ou la soirée avait eu lieu dans les salons d’un hôtel de la ville et après minuit les résidents avaient exigé "plus de silence et moins de bruit" en demandant au groupe de baisser le volume des appareils.
Il ne faut pas croire que les gens boudent les soirées organisées par les groupes haïtiens. Loin de là ; rien que l’année dernière les promoteurs ont fait leur beurre avec des soirées très réussies avec des groupes du calibre du Tabou Combo, Djakout Mizik, Zenglen, Carimi et T-Vice.
Un autre élément qui n’a pas été pris en compte lors du choix de la date pour la venue de Gracia DELVA c’est la symbolique religieuse et régionale d’un samedi saint. En fait, pendant le week-end de Pâques saupoudré du congé du lundi, plusieurs personnes choisissent de partir. Juste à côté de Marseille, à Arles c’est pendant ce week-end que se célèbre la fameuse feria. Dans une ambiance très hispanique une fête populaire à même les rues se met en place et rappelle un évènementiel carnavalesque : torromachie, bodegas, musiques, sangria, femmes, fesses nichons. La concurrence restait de taille…
Avec ce tableau aussi dépeint on serait tenté d’imaginer à tort le marasme qui pourrait accompagner la prestation des musiciens habitués à évoluer devant des foules en délire. Détrompez vous. Mass KOMPA et Gracia DELVA ont maintenu en alerte les quelques centaines de personnes qui avaient répondu présent. En dehors des qualités intrinsèques des musiciens du groupe, la soirée qui s’est étalée sur six heures sans interruption a permis de respirer un air bon enfant, sympathique et jovial.
On ne ressentait pas cette atmosphère lourde et pesante qui accompagne souvent des groupes soucieux de trop bien faire. Les gens ont pu danser, chanter, et accompagner un Gracia DELVA des grands soirs, dans une prestation digne des meilleurs one-man-shows.
La gente féminine a dégusté à plein gosier son franc et large sourire que certaines ont catalogué de "rageur" et "craquant".
Le public a aussi entonné à chœur joie ses hits datant de son passage dans les différents groupes ou il a évolué durant ces dernières années. Il a su répondre aux demandes formulées par le public en communion avec des artistes disposés à tout donner pour faire plaisir et partager le bonheur d’offrir cette portion d’Haïti.
Il n’a surtout pas oublié de diriger un clin d’œil aux plus âgés en interprétant une composition du mythique groupe le DP-Express après l’ère Ti Manno. Ceux qui ont le même âge que moi ont du ressentir le frémissement que provoque le mouvement des poils qui s’hérissent pour donner de l’élan au transfert des sensations vers d’autres époques quand Mass KONPA entama les premières notes de « Pran Plezi nou »…
Hommage aux mamans, l’état d’un pays désordonné sans devant sans derrière, des sujets plus farfelus, il fallait bien un répertoire costaud et bien constitué pour animer et faire danser une foule pendant plus de six heures sans interruption.
Ma satisfaction aurait atteint son paroxysme si j’avais osé solliciter l’interprétation de « Héros », cette chanson originale de Enrique IGLESIAS, fils de l’immortel Julio IGLESIAS en version troubadour. Le "would you dance, if I asked you to dance, Would turn and never look back, would you cry if you saw me crying..." m'aurait transporté bien au-delà du septième ciel. En effet, à la fin de la soirée, je me suis approché de Gracia DELVA pour lui serrer la main en guise de remerciement pour nous avoir apporté cette saveur et couleur du pays cher à notre cœur. Quand je lui adressé le reproche de n’avoir pas joué Héros, il s’est montré plus désolé que moi et me l’a promis pour son prochain passage.
Pour une première prise de contact avec le public de la région, je suis en droit d’affirmer que Mass KONPA et Gracia DELVA ont laissé une excellente impression qui ne laissera pas indifférents les promoteurs venus en explorateurs. Pour la musique haïtienne, Marseille de par son caractère Cosmopolite représente une porte ouverte vers d’autres horizons, vers d’autres cultures… Le chemin s’ouvre sous les pas des représentants de ce calibre de notre KONPA national…
Pendant que les médias se « bidonnent » à présenter Haïti comme le pays le plus dangereux du monde, tandis que pour certains le pays à coups de crimes et de violence s’est forgé une réputation digne d’une succursale de l’enfer ou le diable peut modifier à tout moment les sentiers du destin, ces jeunes ont choisi non seulement de vivre en Haïti mais surtout de mettre leur talent au profit de la promotion de cette nation et de sa culture.
Au-delà de cette facette de musiciens charmeurs et créateurs de rêves, Gracia DELVA à l’instar des artistes issus de cette source intarissable, muse entre les muses, d’Haïti, éternelle, invincible et universelle tu es notre HEROS …
(Marseille le 16 Avril 2007, Thom GATO)
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