Embouteillages, surpopulation, absence de plan d'urbanisation, constructions anarchiques, dégradation de l'environnement sont les problèmes auxquels fait face la commune de Carrefour. La bidonvillisation de cet ancien lieu de villégiature s'effectue à un rythme alarmant.
Samedi 14 avril, 6 heures P.M. Edith, employée à la SONAPI, s'apprête, après une journée de travail, à regagner sa demeure à Carrefour. Elle a toutes les peines du monde à trouver un tap-tap. « C'est une situation intenable. Tous les après-midi, c'est pareil, je dois attendre environ une heure avant de trouver un tap-tap », fulmine-t-elle.
Après tout ce temps passé à attendre au niveau de la grand-rue, arrive enfin un tap-tap assurant le trajet Carrefour/Centre-ville. Elle doit pratiquement se battre avec d'autres passagers pour se procurer une place à bord, car il n'y en a pas pour tout le monde. En plus, à cause des embouteillages, ce qui aurait dû être un trajet de 15 minutes peut durer jusqu'à une heure.
Sans grande activité économique, Carrefour est comme un dortoir. Les rares usines qui existaient dans le temps ont successivement fermé boutique. Un flux de travailleurs part le matin à destination du centre-ville de Port-au-Prince pour retourner l'après-midi. Une seule route conduit à cette commune qui relie la capitale à quatre départements géographiques du pays (Nippes, Sud, Sud-Est et Grand'Anse). La route des rails qui devrait servir à décongestionner cette banlieue est encore en chantier. Ajouté à l'indiscipline des conducteurs qui contribue à aggraver la situation.
Cependant, les embouteillages monstres ne sont pas les seuls problèmes de cette commune. L'absence d'un plan d'urbanisme, la surpopulation et la crise du logement que connaît la capitale haïtienne en général n'ont pas épargné cette commune. Les constructions anarchiques sortent de terre à un rythme inquiétant, ce qui contribue à enlaidir cet ancien lieu de villégiature.
Edith habite à Carrefour depuis environ deux ans. Les violences qui ont secoué Cité Soleil ces dernières années l'ont forcée à aller s'établir dans le quartier de Bertin. Autrefois recouverte d'arbres, ce quartier est aujourd'hui transformé en bidonville entraînant une accélération du processus de déboisement. Edith et ses deux enfants, ainsi que les milliers de familles qui y habitent, ne sont pas à l'abri de glissement de terrain durant les saisons pluvieuses.
Le morne l'Hôpital n'est pas la seule victime de ces constructions anarchiques. Des taudis sont également bâtis sur les monts des quartiers de Sapotille et de Mariani. Les zones côtières ne sont pas mieux loties. Le littoral est en grande partie recouvert de taudis.
En effet, à Fontamara, tout près de la place publique, des maisonnettes sont construites le long de la côte. Qui pis est, ces logements sont érigés sur des déblais et des immondices déchargés par des camions du ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC). Ce qui représente un véritable danger pour les occupants, qui sont exposés aux risques accrus d'inondations.
Ce triste constat est identique au niveau du quartier d'Arcachon. La plage autrefois appelée « Cocoyer », parce qu'elle regorgeait de cocotiers et étant très fréquentée par les jeunes durant les périodes de grandes vacances, est devenue un bidonville. Des bicoques ont remplacé les arbres.
Selon des données de l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI), la population carrefouroise était de 392.986 habitants en 2003. Selon les dernières estimations, il y aurait 528005 âmes en 2007. Et malgré sa croissance accélérée, il n'existe qu'un commissariat et un sous-commissariat de police pour l'ensemble de cette commune.
Le problème des résidus solides
Le problème de gestion des résidus solides reste entier dans la commune. Les rues sont jonchées de fatras. Des tas d'immondices sont empilés n'importe où, ce qui constitue un véritable danger pour la population. Des établissements scolaires ne sont pas épargnés. Un point de décharge est établi aux abords du lycée Louis Joseph Janvier. Idem pour le Juvénat Collège du Sacré-Coeur où des détritus sont habituellement entassés en face de la section primaire avant que les camions viennent, après plusieurs jours, les enlever. Une situation qui constitue une menace pour la santé des élèves en quête du pain de l'instruction.
Par ailleurs, des plages situées dans les quartiers de Bizoton, de Côte- Plage, d'Arcachon sont remplies de fatras. Il est douloureux de constater que des particuliers et des riverains déversent sans aucune gêne des déchets sur le rivage. Les canaux d'évacuation des eaux pluviales et les ravines sont également obstrués par des immondices. Durant les averses, l'eau et les détritus envahissent les rues et surprennent à certains endroits des familles à leur domicile.
Au niveau des marchés publics, l'insalubrité constitue un réel problème de santé publique. Le marché Duvalier en est un exemple éloquent. Construit à la fin des années 60 ce marché est dans un état de délabrement total. Des tonnelles fabriquées avec des matériaux de fortune font office de toiture. De plus, des marchés se développent partout, surtout aux abords des routes. Des vendeurs installés non loin des amas de déchets offrent parfois des produits comestibles à des acheteurs.
Rivière FroideLa Rivière Froide n'existe presque plus. En amont, des travailleurs extraient du sable, des graviers et des roches le long des berges. Des chemins sont frayés dans le lit même de la rivière pour permettre la circulation des engins devant transporter ces matériaux trouvés sur place. En aval, des camions du MTPC viennent déverser les déblais provenant des travaux qui se font dans la commune.
Des maisons sont également construites le long des berges de cette rivière. La vie des occupants de ces maisons est constamment en danger. D'ailleurs à la moindre averse, des gens meurent, enterrés sous la boue.Somme toute, les défis qui attendent les nouveaux maires sont de taille. Ces derniers doivent trouver la meilleure solution aux différents problèmes auxquels fait face la commune. Soulignons que Yvon Jérôme avait remporté les élections municipales sous la bannière de la Fusion des Sociaux-Démocrates. Il est assisté des maires adjoints Orélus Savaris et Jean Rousseau Moïse.
Carrefour a été élevée au rang de commune par le décret du 15 novembre 1982. Sa superficie est estimée à près de 190km2. Ses différentes sections communales sont : Bizoton,Thor, Rivière-Froide, Corail Thor, Morne Chandelle, Platon Dufresney,Taillefer, Procy, Coupeau, Laval, Berly et Malanga.
Alain Gaillard
gtilain@yahoo.fr
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=42272&PubDate=2007-04-18
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Un Commentaire
Après Port-au-Prince, Le Cap-Haïtien, Delmas et maintenant Carrefour, les journalistes du Nouvelliste nous place face à notre réalité afin de réveiller chez nous une logique de responsabilité et la nécessité de l’engagement. Les reportages ressemblent à peu de choses près à des bilan après de violentes et sérieuses catastrophes naturelles.
Oui Haïti, malgré sa situation géographique en plein trajet des cyclones a été soumis durant son histoire à des catastrophes naturelles téléguidées et commanditées par nos dirigeants. Les dernières en dates s’appellent Duvalier, Aristide, avec dans leurs sillons les tontons makout et les chimères qui ajoutent abcès sur clous !
Les tableaux dépeints ne peuvent inviter à l’optimisme, pis encore l’ampleur des défis à relever fait carrément peur. Situation d ‘autant plus déconcertante quand la réalité nous force à constater qu’avec notre démocratie nos élus souvent n’ont aucune expertise permettant d’augurer une bonne prise en charge des grands soucis des villes et des habitants. La capacité de convoquer des chimères pour lancer des pierres et intimider ne sauraient suffire à rendre simplement vivable une ville ou une commune.
L’histoire récente nous ramène à la mémoire d’illustres magistrats dont les prototypes les plus caricaturaux restent ceux d’un certain Erilus et Manno Charlemagne.
Suivons cette chronique de défaite annoncée !
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
vendredi 20 avril 2007
CARREFOUR: Une équation difficile à résoudre
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