Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mardi 14 août 2012
Haïti-Société : A quand la fin de la marginalisation du vaudou ?
Hier à 06h47 | Par Jhonson MARDY
Le vaudou, bien qu’étant une religion ancestrale, a subi et continue encore de subir une certaine incompréhension frisant l’hostilité haineuse de la part des autorités, de la population... Ainsi, jusqu’à aujourd’hui, il reste marginalisé.
Coup d’œil rétrospectif et réflexif sur le vaudou haïtien
Après l’extermination des premiers habitants de l'île d’Haïti, les colonisateurs firent venir des esclaves noirs capturés dans leur pays d’origine en Afrique en vue d’assurer la continuité de l’exploitation. Pendant la période coloniale, ils ont imposé les valeurs européennes et le catholicisme romain aux esclaves. Ces derniers furent forcés d’adorer leurs dieux africains clandestinement et de cacher leurs attachements viscéraux à la religion ancestrale (réf 1).
Arrachés, abaissés, il ne restait que la croyance comme chose commune à ces hommes. Leur liberté était restreinte mais les colons n’étaient pas en mesure de contrôler leur pensée. A chaque moment, leurs dieux étaient présents dans leur esprit, ils formaient un seul et unique corps. A cet effet, la religion devint l’élément catalyseur transformant la résistance individuelle en une résistance collective. Indubitablement, le vaudou a joué un rôle capital dans la révolte des esclaves. Ainsi se justifie l'opinion du Docteur Jean Price Mars : « Pendant les treize années de violences, de privations, de tortures, les nègres puisèrent dans leur foi aux dieux d'Afrique l'héroïsme qui leur fit affronter la mort et réaliser le miracle de 1804(réf 2).
Les leaders charismatiques comme Makandal, Hyacinthe, Boukman, Biassou conciliaient deux fonctions : l’une militaire, l’autre religieuse. Pour convaincre les esclaves, ils ont compris qu’il fallait avant tout faire partie intégrante de leur culte. Ils se sont servis des croyances pour pouvoir asseoir leur prestige. Musulman de naissance, Makandal n’inspirait pas trop confiance à ses pairs qui voyaient en lui un redoutable sorcier. C'est lui qui fut à l'origine de la célèbre cérémonie du bois Caïman (14 août 1791), donnant aux esclaves toute l'énergie qui les conduisait sur le chemin de la liberté. Il apporta le courage manquant à certains de ces guerriers en leur faisant croire que les balles des blancs ne pouvaient pas les atteindre (réf 3).
Né dans la clandestinité, le vaudou haïtien est un mélange du vaudou d’Afrique de l'Ouest et du folklore religieux chrétien. Tout au long de l’histoire d’Haïti, le vaudou ne jouissait d'aucune reconnaissance légale jusqu’à récemment. Il fut victime de persécution de toutes sortes de la part des colons qui considéraient les pratiques du vaudou comme barbares et menaçantes pour la sécurité même du système. Il est persécuté pour la plupart du temps par les personnages qui vont se succéder à la tête du nouvel Etat noir, voulant se démarquer des pratiques ancestrales, blanchir la culture haïtienne. Le vaudou s'est vu abandonné et méprisé par une bonne partie de la population. A cela s’ajoute le fait qu’au fil des années, le vaudou n’est plus utilisé à bon escient avec les pratiques de la sorcellerie comme la zombification, le loup-garou qui ont des conséquences néfastes sur la société haïtienne. En effet, rares sont ceux qui se disent « vodouisants» même si, pour bon nombre de sociologues, la plupart des Haïtiens pratiquent le vaudou à des degrés divers.
Du fait de ses origines, le vaudou haïtien est sans nul doute l’aboutissement de diverses croyances. Le vaudou intégra des éléments des religions africaines avec le culte des saints dans la religion catholique. On peut considérer la célèbre cérémonie du bois-Caïman qui conduisit à la libération des esclaves comme l’une des pratiques marquant le Vaudou haïtien. Le vaudou haïtien se caractérise par des pratiques particulières, étranges et même « mystiques » si bien qu’on peut se demander s’il s’agit d’une véritable religion ou d’une simple conception du monde. Pour ses adeptes, c’est une religion à part entière devant jouir les mêmes privilèges que les autres. Signalons toutefois qu’il n’existe aucune définition de la religion acceptée à l’unanimité Cependant, on peut identifier bon nombre d’éléments couramment invoqués parmi les nombreuses définitions données tels que : croyances, pratiques, affiliations et institutions afférentes. Au regard de ces éléments classiques de la religion, le vaudou en est-il une ?
Le vaudou est un « système complexe de connaissances qui n’a rien à voir avec les visions simplistes qui consistent soit à planter des aiguilles dans des poupées ou à transformer des innocents en zombies. C’est une forme organisée de support communautaire qui apporte une signification à l’expérience humaine en relation avec les forces naturelles et supranaturelles de l’univers. » (Réf 4). Ces derniers croient en un en « Être suprême identifié au Dieu des chrétiens et qu'ils appellent le "Bondye" en créole. Toutefois, le "Bondye" vodou ne s'immisce pas dans les affaires humaines. Il est plutôt une figure royale déléguant ses pouvoirs aux saints, esprits et "lwas". Ceux-ci agissent comme ses plénipotentiaires. » (Réf 5). Ils sont généralement assimilés aux saints de la religion catholique romaine.
La consécration juridique du Vaudou
Comme évoqué ci-dessus, le vaudou n’était pas reconnu légalement comme une religion à une date encore récente. C’est ainsi que les prêtres et adeptes du vaudou ne jouissaient d’aucune reconnaissance de la part de l’Etat. Ce qui faisait du vaudou une simple pratique clandestine au regard de la loi. Le décret-loi du 5 septembre 1935 le comptait même parmi les croyances superstitieuses prohibées. L’on comprend bien que la liberté de conscience et de religion n’était pas respectée.
Cependant, on a assisté à un éveil de conscience à partir de 1986 car la liberté de religion est l'un des aspects les plus révélateurs de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987, stipulant en son article 30 que « toutes les religions et tous les cultes sont libres. Toute personne a le droit de professer sa religion et son culte, pourvu que l'exercice de ce droit ne trouble pas l'ordre et la paix publics. » L’article 297, avant son abrogation par l’amendement controversé de la constitution, abolissait aussi « toutes les Lois, tous les Décrets-Lois, tous les Décrets restreignant arbitrairement les droits et libertés fondamentaux des citoyens» dont celui du 5 septembre 1935. L’abrogation de cet article inquiète les responsables du vodou au plus haut niveau.
En avril 2003, l’ex-président Jean-Bertrand Aristide a publié un arrêté reconnaissant le vaudou « comme religion à part entière, devant remplir sa mission sur le territoire national en conformité à la Constitution et aux lois de la République.» (Art 1.) Par cet acte, Aristide a témoigné, dans une certaine mesure, de la volonté de l’Etat de placer le vaudou sous la protection des lois et institutions du pays au même titre que toutes les autres religions. En son article 5, le décret autorise « le chef de culte vodou, responsable d’un temple ou d’un haut lieu sacré…à prêter serment par devant le doyen du Tribunal Civil de son ressort. Une fois assermentés, les Chefs de culte vodou peuvent être habilités à célébrer baptêmes, mariages et funérailles. » Dans les faits, malgré cette reconnaissance, le vaudou a toujours fait face une discrimination comme par le passé.
Le vaudou, une religion marginalisée
Au XIX siècle, le vaudou était assimilé à du barbarisme par les occidentaux. Il connaitra des heures sombres et sera diabolisé. Au moment de l’esclavage, le code noir en 1685 a introduit une méthode pour réprimer le vaudou. Cette répression ne sera jamais interrompue, car plusieurs décrets et ordonnances ont érigé le vaudou comme pratique sorcière. Des crimes de sortilège et crimes de rébellion se confondent peu à peu.
Toussaint LOUVERTURE interdît tout rassemblement nocturne dans les bourgs sous peine de punitions corporelles et de peines de prison. En réalité, c’est une mesure qui tendait beaucoup plus à prohiber le vaudou. Son successeur Jean Jacques Dessalines, lui, fît exécuter certains vodouisants pour semer la crainte en leur sein. Ainsi, il les obligea à abandonner la pratique.
Après Dessalines, le gouvernement de Boyer a adopté un code rural en 1826 qui qualifiait la pratique du vaudou de superstition. Elle sera une nouvelle fois condamnée. L’article 246 du code pénal du 11 août 1835 précise : « Est aussi qualifié attentat à la vie d’une personne, par empoisonnement, l’emploi qui sera fait contre elle de substances qui, sans donner la mort, auront produit un effet léthargique plus ou moins prolongé, de quelque manière que ces substances aient été employées et quelles qu’en aient été les suites. Si par la suite de cet état léthargique, la personne a été inhumée, l’attentat sera qualifié d’assassinat. »
Au début du 20ième siècle, le vaudou a été utilisé comme prétexte par les américains pour occuper le pays. Ils voulaient éradiquer le vaudou car selon eux, c’est le vaudou qui rendait plus difficile la lutte contre les cacos, un groupe rebelle dans le pays à cette époque. Selon les américains, tous les chefs cacos furent des prêtres vaudou.
Les politiciens ont trouvé également dans le vaudou un prétexte de choix pour diviser les haïtiens. Les intellectuels haïtiens eux-mêmes ne voulaient surtout pas qu’on les associe à ces pratiques qu’ils qualifient « d’africaines ». Le vaudou a donc servi de justification pour le système de « caste » qui prévalait en Haïti.
Soulignons le cas anecdotique de l’empereur Faustin Soulouque, grand adepte du vaudou qui fut en même temps l’un de ses principaux bourreaux, si l’on croit Alfred Malraux dans son ouvrage « le vaudou haïtien »
Quant à François Duvalier, il a « su utiliser tout l’imaginaire du vaudou pour asseoir son pouvoir. Il utilisait le côté le plus extrême du vaudou pour faire croire au peuple que son pouvoir avait quelque chose qui relevait du mystère. Il organisait de grandes cérémonies de vaudou auxquelles devait assister son gouvernement. » (Réf 6) Ainsi, le départ du Président Jean-Claude Duvalier en 1986 a entraîné de violentes persécutions à l’encontre des vodouisants.
Les rapports entre le vaudou et le christianisme ont toujours été conflictuels. L’église catholique a toujours qualifié de pratique sorcière le vaudou. Pour l’église protestante, le vaudou est toujours assimilé à de la sorcellerie.
Les adeptes du vaudou sont également victimes de persécutions en cas de malheur. C’est ainsi que lors du séisme du 12 janvier 2010, ils ont été accusés d’être à l’origine du séisme qui a dévasté le pays. Ces accusations ont viré à des violences lorsque des groupes de chrétiens évangélistes ont jeté des pierres sur les participants à une cérémonie vaudou.
Plus récemment, lors de la flambée de cholera meurtrière en Haïti, des prêtres vaudou ont été battus à coups de machette et de pierre avant d’être brûlés dans la rue. Malgré les appels des autorités, les pratiquants du vaudou ont été soit lynchés, soit tués à coup de machettes par la population qui les accuse d’être à l’origine de la propagation de la maladie en jetant des sorts ou en répandant de la poudre mystique. De son coté, le chef suprême du vaudou, Max Beauvoir, « s'est plaint de ce que la police et les autorités ne faisaient pas tout ce qu'il fallait pour empêcher les lynchages et pour punir leurs auteurs » (réf 7).
Donc du fait de ces persécutions, nombreux sont les vodouisants qui ont encore aujourd’hui une certaine réticence à affirmer leur croyance religieuse au risque d’être persécutés. Nonobstant, pour certains, c’est aléatoire de vouloir considérer le vaudou comme une minorité religieuse en Haïti, car il représente « l’identité haïtienne » par rapport à notre histoire de peuple mais dire que la plupart des Haïtiens sont vodouisants est aussi fausse.
Minorité ou majorité : cela importe peu. Mais il nous faut cultiver davantage l’esprit d’amour, de tolérance et de paix. Eduquer la population, c’est l’une des conditions sine qua non pour que le vaudou cesse d’être marginalisé. Mais dans l’imaginaire haïtien, est-il possible véritablement de faire une démarcation entre le vaudou et la sorcellerie ? C’est là que le bât blesse !
Réf 1- Source : Microsoft Africana, 2000
Réf 2 Docteur Jean Price MARS Ainsi parla l'Oncle
Réf 3- Source: http://www.haiti-reference.com/religion/vodou/vodou.html
Réf 4- Source : Microsoft Africana, 2000
Réf 5- http://www.haiti-reference.com/religion/vodou/pantheon.php
http://afriquepluriel.ruwenzori.net/vaudou.htm
Réf 6- Le vaudou haitien (imc.mbhs.edu/forlang/Haiti/Le%20vaudou%20haitien%20.doc)
Réf http://www.haiti-reference.com/religion/vodou/pantheon.php
http://www.bibliomonde.net/donnee/haiti-religions-287.html
Réf 7- http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20101223.OBS5175/haiti
Source:Bonzouti.com
http://bonzouti.com/actualite/actualite-No1455-Haiti-Societe-A-quand-la-fin-de-la-marginalisation-du-vaudou-.html
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