L’immixtion intempestive de la communauté internationale dans toutes les affaires de la République traduit bien l’inconséquence des dirigeants haïtiens. La comédie jouée au Palais national le jeudi 8 mars 2012 et à laquelle s’est prêtée une partie de la communauté internationale témoigne combien les institutions républicaines sont bafouées, méprisées et foulées aux pieds. Elle montre aussi que cette communauté internationale a choisi son camp.
Lors de la cérémonie d’exposition de passeports au Palais national le jeudi 8 mars 2012, la présence de la communauté internationale a été très remarquée. Tous les ténors étaient là. Il s’agissait pourtant d’une affaire interne qui devrait être traitée, selon beaucoup de citoyens, par les institutions républicaines compétentes en la matière. Tel malheureusement n’a pas été le cas. Le président Martelly, pour dissiper les doutes qui planent sur sa nationalité, a choisi de remettre ses documents de voyage à une plateforme de religieux, avec la caution de quelques diplomates étrangers.
D’après le politologue Sauveur Pierre Etienne, « la mise en scène du Palais national », sous les regards complices de l’international, a confirmé le bras de fer qui existe entre les pouvoirs exécutif et législatif. Il s’agit, à son avis, d’une crise institutionnelle qui est en train de se transformer en une crise politique aigüe. Pour Sauveur Pierre Etienne, cette situation traduit non seulement l’incapacité des élites haïtiennes à prendre en charge l’avenir politique de la nation, mais aussi et surtout leur impuissance face à l’effondrement de l’État. Ce qui, de son point de vue, a permis à l’international de s’immiscer librement dans les affaires de la République.
En ce sens, le coordonnateur général de l’Organisation du peuple en lutte (OPL) croit qu’Haïti n’est pas un État souverain. Pour lui, le pays est sous occupation internationale déguisée. Sauf que l’international n’est pas près d’assumer son rôle d’occupant, compte tenu des obligations économiques et politiques que cela entraîne. Voilà pourquoi, estime Sauveur Pierre Etienne, les grands barons de l’international « préfèrent se mettre à couvert », tout en conservant la latitude de tirer les ficelles.
Washington : le maître de la question
« Le Département d’État est impliqué jusqu’au cou dans la mise en scène du Palais national », affirme Sauveur Pierre Etienne. La main de Washington est visible dans cette affaire, s’exclame-t-il, rappelant que la République étoilée a toujours besoin d’un point d’ancrage pour asseoir sa politique. Ainsi, se fondant sur le rôle joué par le Département d’État lors des élections ayant conduit Joseph Michel Martelly au pouvoir, M. Pierre Etienne croit que la communauté internationale est très préoccupée par la situation qui prévaut actuellement en Haïti. Il assimile la démarche de l’international, notamment de Washington, à une échappatoire pour déboucher sur un accord entre les parties en présence dans le but de prévenir le pire.
D’aucuns pensent en effet que la cérémonie de présentation de passeports aurait été concoctée par les autorités américaines. Vingt-quatre heures avant la présentation du chef de l’État, un tête-à-tête aurait eu lieu entre le président Martelly et l’ancien président américain, Bill Clinton. Celui-ci se serait également entretenu avec les présidents des deux chambres du Parlement. En ce sens, nombreux sont ceux qui croient que la déclaration de l’ambassadeur américain en Haïti, M. Kenneth H. Merten, était planifiée. Jean-Robert Simonise, ancien ministre haïtien des Affaires étrangères, intervenant sur les ondes d’une radio de la capitale, croit que Monsieur Merten ne pourrait pas s’arroger le droit de faire une telle déclaration sans le consentement des plus hautes autorités du Département d’État. En fait, si pour certains l’attitude de l’ambassadeur Merten s’apparente à une sorte d’ingérence, pour d’autres, il s’agit d’un scénario élaboré par le président de la République de concert avec Washington. Un scénario qui, de l’avis de sauveur P. Etienne, est émaillé de maladresses et de confusions.
C’est en effet une situation fragile. Délicate. À en croire Sauveur Pierre Etienne, Washington n’acceptera pas de perdre la face. Or, ce dossier est soulevé dans un contexte particulier et les enjeux qui l’entourent sont de taille. C’est d’ailleurs une année électorale aux États-Unis. En ce sens, le leader de l’OPL pense que l’administration Obama doit jouer intelligemment. De ce fait, le Département d’État chercherait à classer ce dossier le plus rapidement possible. Car, selon M. Pierre Etienne, l’affaire pourrait rebondir au cours de la campagne électorale américaine comme un enjeu majeur entre les républicains et les démocrates. Dans ce même ordre d’idée, le politologue a fait référence à un tas d’autres dossiers qui passionnent la presse américaine, notamment la question de la Téléco.
Entre-temps, les palabres continuent un peu partout sur cette affaire. Le dossier évolue de façon sinusoïdale. Il s’agit d’un feuilleton à plusieurs épisodes, sur le dénouement duquel beaucoup s’interrogent. En tout cas, pour prévenir le pire, sauveur Pierre Etienne appelle toutes les forces vives de la nation à « placer les intérêts de la République au-dessus de toute mesquinerie ». Il préconise en outre la mise en place d’un gouvernement d’union national, affranchi de toute complicité de l’international.
Noclès Débréus
nonohaiti2007@yahoo.fr
Source: Le Matin
Commentaire:
Pas besoin d'être politologue ni coordonnateur de parti politique haitien pour comprendre ce qui se joue en Haïti. Ce qui n'est pas dit c'est que le monde traverse une crise économique et financière d'une telle envergure que personne ne dispose de l'argent à jeter par la fenêtre dans des élections avec des candidats qui se valent surtout par leur nullité.
Ce qui reste assez paradoxale chez nous c'est que certains journalistes ou politiciens ou penseurs ne voient l'immixtion de la Communauté Internationale quand ça les arrange. Pourtant une question simple que j'aimerais poser à ceux qui n'hésitent pas à condamner cette immixtion même quand elle est intempestive, serait de leur demander quel pourcentage du budget national est apporté par l'aide de cette communauté internationale? Qui fiance nos élections?
En Haïti même la construction de latrine en 2012 est financée par l'aide extérieure. Alors à quoi sert cette hypocrisie?
DL
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
dimanche 18 mars 2012
Quand l’international se fait complice !
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