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mardi 7 février 2012

Quand Duvalier faisait taire les poètes en les assassinant

On ne fait pas rimer littérature et dictature.
Par Antoine Oury, le mardi 07 février 2012 à 15:28:52

Alors que le rejeton de François Duvalier revient dans le pays qu'il a dévasté sans être spécialement dérangé, l'écrivain Michel Séonnet rend un hommage appuyé à l'une des victimes du régime, le poète haïtien Jacques-Stephen Alexis, en mettant en ligne son ouvrage qui lui est consacré, Jacques-Stephen Alexis, ou Le voyage vers la lune de la belle amour humaine.
Je vous parle d'un temps pas si lointain, quand la famille Duvalier faisait régner une terreur despotique sur Haïti. Nombre d'Haïtiens rêveraient d'amputer cette dynastie-gangrène de l'Histoire, tant les diagnostics despotiques de Papa et Bébé Doc abîmèrent la santé de leur île.
Le règne des Duvalier commence en 1957, alors que le pays est agité par des troubles à la limite de la guerre civile. Les élections organisées par l'armée voient la victoire et l'accession au pouvoir de François Duvalier, qui remue le terreau universel et nauséabond de la pureté de la race en stimulant la haine de la population noire pour les mulâtres, ces Haïtiens dont l'un des deux parents est blanc.
Dix mois après sa victoire, Duvalier est légèrement chahuté par ses opposants et réagit en bon dictateur détestable, à grands coups de purges, d'arrestations arbitraires et de répressions. Il est aidé dans sa funeste tâche par les Tontons macoutes, une milice de fanatiques cruels.
Haïti: sa plage, ses palmiers... et ses despotes
Toutes ces réjouissances atteindront leur point d'orgue en 1964, lorsque Papa Doc se proclamera modestement « président à vie ». Le fiston, Bébé Doc aka Jean-Claude Duvalier, tentera de faire encore mieux que le père, puisqu'il régnera sans partage sur Haïti entre 71 et 86.
Dès 1957, la résistance s'organise du côté des intellectuels humanistes, à l'image de Jacques-Stephen Alexis qui publie le texte La belle amour humaine : « Tel est mon premier vœu pour 1957. Aimons et ayons confiance un peu plus en l'homme de partout, c'est-à-dire en nous-mêmes et que cela se traduise dans nos actes comme dans nos œuvres. » Le moins que l'on puisse écrire, c'est qu'il y avait du pain sur la planche avec un rigolo comme Duvalier aux commandes.
Dissident et communiste, autant d'adjectifs qu'il ne fait pas bon d'incarner pendant cette époque trouble de l'Histoire haïtienne. Jacques-Stephen Alexis n'hésita pourtant pas à les revendiquer, et créa en 59 le Parti d'Entente Populaire (PEP), proche du PC moscovite. Évidemment, un comportement aussi critique lui vaut l'exil. Alors qu'il revient d'un déplacement à Cuba en 61, il est assassiné par la milice de son ennemi dictateur.
Michel Séonnet a donc tenu à évoquer la mémoire du poète, injustement oublié comme il le fait remarquer sur son site : « Comment se faisait-il que, malgré un long parcours universitaire, des lectures nombreuses, je n'aie jusque-là jamais entendu parlé d'Alexis ? Si encore il avait été un auteur mineur. Mais à une époque où l'on s'intéressait tellement au réalisme magique des écrivains sud-américains, voilà que quelqu'un écrivait caraïbe en français et personne n'en parlait ? Trop noir, Alexis ? Trop communiste ? Il y avait quelque chose de révoltant de se dire qu'à l'assassinat politique avait succédé une sorte d'oubli littéraire ».
Et pour joindre le geste à la parole, il a mis en accès libre ici son ouvrage publié en 83 et désormais épuisé, Jacques-Stephen Alexis, ou le voyage vers la lune de la belle amour humaine, au format ePub et PDF.
Sources :Petits Points Cardinaux
Wikipedia
http://www.actualitte.com/actualite/patrimoine-education/patrimoine/quand-duvalier-faisait-taire-les-poetes-en-les-assassinant-31819.htm

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