Haïti
(11-01-2012)
«Il faut cesser de faire des abris temporaires et construire de vraies maisons pour les Haïtiens», déclare Patrick Coulombel, Président de la Fondation Architectes de l’Urgence. Le 10 janvier 2012, il a tenu conférence sur la reconstruction en Haïti deux ans après le séisme, au Pavillon de l'Arsenal à Paris. Communiqué.
Le 12 janvier 2010, le terrible séisme d’Haïti faisait 200.000 morts, affectait 2 millions de personnes, détruisait 60% des infrastructures administratives et économiques, 80% des écoles. Des dizaines de milliers d’habitations étaient détruites ou sévèrement endommagées ainsi que 50% des hôpitaux.
Deux ans plus tard, l’International Organization for Migration estime à 550.000 le nombre d’haïtiens réfugiés dans des camps qui sont en train de devenir leur nouvelle résidence...
Pourtant, il y a dix-huit mois déjà, Patrick Coulombel, président de la fondation Architectes de l’Urgence, lançait un cri d’alarme devant des signes évidents d’inefficacité des structures internationales. Il rentre tout juste d’un nouveau voyage sur place. Le bilan est effroyable.
«C’est bien simple, deux ans après le séisme, il n’y a presque pas de construction d’habitat permanent, c’est inacceptable ! Le gouvernement haïtien et UN Habitat sont pourtant bien dans la logique de stopper les abris temporaires et de construire durable, mais seuls les programmes de renforcement de maisons sont actuellement financés et encore, difficilement, alors qu’il est nécessaire de construire en masse», assure Patrick Coulombel.
«De notre côté , tout ce que nous, FAU, avons pu entreprendre en 'Urbanisation d’urgence' a permis de faire du renforcement dans les quartiers informels en introduisant sans concession les règles de réduction des risques. Mais nous avons les pires difficultés à obtenir les financements pour ces programmes», ajoute-t-il.
Pour quelles raisons ?
Patrick Coulombel : La stratégie adoptée n’est pas la bonne. On est en train de pérenniser une situation précaire et de réintroduire du bidonville au lieu de favoriser la construction permanente. Je m’oppose fortement à ce type d’intervention, ce n’est pas une bonne solution car il est possible de construire des maisons pérennes, ce n’est qu’une question de volonté.
Je rappelle que ces fameux 'abris' sont en réalité des 'cabanes' d’une vingtaine de mètres carrés. Ils sont majoritairement faits en ossature bois habillés de contreplaqué et d’une couverture en tôles ondulées. Ils n’ont pas vocation à durer ; d’autant moins que les Haïtiens vivaient déjà auparavant dans des maisons de mauvaise qualité, certes, mais en maçonnerie, en dur. Il est anormal que deux ans après le séisme, on en soit encore à proposer des abris.
Il y a un an, les responsables des Nations Unies en Haïti nous expliquaient qu’il fallait attendre l’élection du prochain Président haïtien et la mise en place de son gouvernement pour avoir un acteur légitime du coté de l’Etat avant de débuter la reconstruction.
Force est de constater que, malgré la légitimité du gouvernement actuel et les positions claires prises par le Président de la République haïtienne, l’avis des autorités n’est pas - ou très peu - pris en compte dans le processus de reconstruction.
Certains acteurs évoquent le problème du foncier. C’est un problème qui ne justifie pas l’inaction. Il peut se régler. De plus, ce problème est le même, qu’il s’agisse d’abris ou de logements permanents.
Au plan financier, je dois préciser que le coût d’un abri d’une vingtaine de mètres carré est de 3.360 euros en moyenne (soit 4.386$), selon les chiffres de l’Interim Haïti Recovery Commission basés sur les 114.000 abris déjà réalisés. Le prix d’une maison en maçonnerie avec des renforts parasismiques est d’environ 4.000 euros pour une surface équivalente, soit 20% de plus. Hors, cette maison a des possibilités d’extension, ce qui ne peut être le cas d’un abri.
Enfin - et c’est très grave - l’importation d’abris à monter sur place en Haïti est commercialement intéressant pour les vendeurs, mais cela n’aide pas Haïti à créer du savoir-faire constructif. Cela ne favorise pas non plus la mise en place de filières économiques de matériaux de construction. La grande majorité des fonds est dépensée ailleurs qu’en Haïti, c’est un scandale !
Quel est le bilan de la FAU (détails des réalisations et de la manière, des financements etc.) depuis 2010 ?
Voilà ce que nous avons pu faire avec des moyens très modestes :
* 3.360 maisons évaluées dans le cadre de diagnostics détaillés en vue de leur réparation ;
* 1 mur d'enceinte de l’hôpital psychiatrique reconstruit ;
* 10 quartiers diagnostiqués, soit 10.800 maisons et autant de familles visitées dans le cadre des projets d’urbanisme d’urgence ;
* 15 bâtiments communautaires réhabilités ;
* 1.378 familles relogées ;
* 10 dispensaires de santé réhabilités, soit 574.500 personnes ayant à nouveau accès à des soins dans des conditions sures et adaptées ;
* 520 maçons et charpentiers et 7 ingénieurs formés sur nos chantiers.
En cours et à venir :
* 2 centres de santé en cours de réhabilitation ;
* 1 école et 1 orphelinat en cours de construction ;
* 2 programmes d’urbanisme d’urgence en cours avec diagnostics de 4 quartiers ;
* 620 logements seront réparés dans le même process que sur 2010 et 2011 ;
* Réalisation d’un prototype pour réalisations à venir de constructions neuves.
L’argent vous a manqué - et vous manque toujours - et pourtant il y a de l’argent...
Effectivement, c’est peut-être un peu comme la richesse dans le monde, la répartition est très inégale dans le monde humanitaire aussi. J’avoue que je comprends mal que des fonds importants, en partie dédiés à la reconstruction, soient attribués à des non-spécialistes de la construction.
On imaginerait très mal de voir des architectes soigner des gens, les opérer... Par contre, personne n’est gêné que des agences généralistes de l’humanitaire fasse de la construction ici en Haïti.
Qu’a fait la Fondation de France avec l’argent des Français, puisque c’est la FDF qui a obtenu la majorité des fonds grâce, notamment, à une forte campagne menée par les médias du service public ?
Nous n’avons reçu aucun financement de la Fondation de France. Les programmes de réhabilitation ou de reconstruction de logements, d’écoles ou d’hôpitaux que la Fondation Architectes de l’urgence a proposé à la FDF (même en cofinancement) ont été refusés.
Le nouveau président haïtien estime qu’on a trop pratiqué l’assistance nourriture et soins en Haïti et pas assez travaillé à la reconstruction. Que pensez-vous de cette réflexion ?
Je suis incontestablement d’accord avec lui sur le fait que l’on n’a pas assez travaillé pour la reconstruction dans ce pays.
L’état haïtien n’a-t-il pas sa part de responsabilités dans cette répartition ?
Non, je ne pense pas. C’est l’argent qui décide, plus exactement ceux qui payent ; l’état haïtien ne contrôle pas grand-chose là-dessus.
Comment voyez-vous l’avenir d’Haïti ?
Je vois mal comment l’argent dépensé dans les abris va pouvoir refaire surface dans la construction permanente ; l’erreur de stratégie est majeure.
Le bouleversement malheureux qu’a provoqué le séisme aurait du permettre d’impulser une vraie reconstruction massive tellement nécessaire à ce pays.
Combien de temps la FAU interviendra t-elle sur place ?
LA FAU y est jusque fin 2012, mais ce sera probablement beaucoup plus long pour les Haïtiens.
Pour en savoir plus : http://www.archi-urgent.com/
http://www.lecourrierdelarchitecte.com/article_2689
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire