Haïti : élections dans un laboratoire de catastrophes humanitaires
04/12/2010
Dimanche 28 novembre, la population haïtienne a été convoquée aux urnes pour élire ses parlementaires et un Président. Un « exercice démocratique » pour tout Etat digne de ce nom. Des élections qui s'inscrivent dans la tradition politique haïtienne : l'oubli des revendications populaires.
Qu'on se rappelle que cela fait la septième élection présidentielle depuis la constitution de 1987 dont l'esprit des constituants était de mettre des garde-fous contre toute velléité dictatoriale. En ce sens, on peut comprendre pourquoi un président haïtien ne peut pas briguer plus de deux mandats consécutifs, l'idée étant de finir avec la présidence à vie, comme cela avait été le cas avec la dictature trentenaire des Duvalier.
Dans le cas d'Haïti, ce n'est pas la durée du mandat des dirigeants qui compte. Il convient de regarder d'autres paramètres si on veut croire que l'essence des pouvoirs publics est avant tout de garantir des conditions de vie meilleures à toute la population. Ou du moins, cela devrait être son but ultime.
Le début de l'année 2010
Le 12 janvier 2010, vers 17 heures, Haïti est frappée par un violent séisme faisant plus de 300 000 morts et près de 2 millions de sans-abri. Sans se soucier des conditions de vie de ces millions de gens, dix mois après, l'administration Préval-Bellerive convoque la population aux urnes le 28 novembre.
Tout au cours de cette campagne électorale, les candidats ne ratent pas l'occasion de promettre un abri aux sinistrés du tremblement de terre. Les conditions de vie de la population deviennent un enjeu électoral, certains allant même jusqu'à se faire photographier avec l'image des camps de sinistrés comme fond d'affiche électorale.
On peut comprendre que, si on croit aux promesses, l'avenir promet d'être radieux. Car on est au temps des promesses. Mais les occasions ne manquent pas pour renouveler celles-ci.
Epidémie de choléra
Les catastrophes n'arrêtent pas de s'accumuler tout au long de l'année. A la mi-octobre, Haïti est en proie à une épidémie de choléra. Celle-ci ne met pas beaucoup de temps pour gagner du terrain puisque le terrain était déjà propice à la propagation de n'importe quelle épidémie.
Entre-temps, la force onusienne envoyée dans le pays depuis 2004 est accusée d'être à l'origine de l'épidémie. Un reportage d'Al Jazeera et Associated Press révèle que les agents de l'ONU du contingent népalais basé dans la zone de Mirebalais auraient déversé leurs déchets dans la rivière Meille qui est un affluent du fleuve de l'Artibonite, contaminant ainsi des milliers de gens (les derniers chiffres s'élèvent à 1 817 morts et plus de 90 000 cas de contamination).
Cette situation a déclenché des manifestations en série contre la force onusienne dont la population réclame le départ depuis son installation
Quoi qu'on dise sur l'origine de cette épidémie, on doit reconnaître qu'elle gagne du terrain parce qu'Haïti est un Etat affaibli ayant un système sanitaire précaire.
Des élections exceptionnelles
Ces élections se sont déroulées dans un contexte de ras-le-bol contre le pouvoir en place. Les électeurs rendent le président de la République et son équipe responsables de leurs malheurs. Surtout, ils veulent punir le pouvoir en place pour sa mauvaise gestion de la catastrophe du tremblement de terre et de leur inefficacité dans la prévention de l'épidémie de choléra.
En ce sens, ils ont voté contre le candidat du parti présidentiel dont le conseil électoral veut tout faire pour favoriser son élection.
Exceptionnellement, on peut remarquer quelques faits anodins au cours de cette campagne électorale. Avec l'américanisation de la vie politique haïtienne, les débats télévisés deviennent de plus en plus un espace propice pour que les candidats présentent leur « programme ». Mais aucun journaliste n'a pris la peine de révéler le passé de ces prétendants à la magistrature suprême de l'Etat.
Pourtant, tous les favoris de ces élections ont d'une manière ou d'une autre contribué à faire d'Haïti ce laboratoire de catastrophes humanitaires. Aucun n'a expliqué par quels moyens satisfaire les revendications de la population, par quels moyens Haïti pourrait cesser d'être une République des ONG, et surtout pour quand est prévu le départ des forces onusiennes d'Haïti.
L'essentiel pour le pouvoir en place est d'organiser des élections sans penser à ces victimes du séisme du 12 janvier et en minimisant l'ampleur de l'épidémie du choléra. Ce scrutin a été un vote de révolte contre cet état de fait.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire