30 Novembre 2010 Par Grotius «Les hommes sont responsables de leurs malheurs. Il n’y a pas de catastrophe naturelle chez nous, dans les pays pauvres. Les victimes du séisme en Haïti ne sont pas des morts naturelles. Les victimes du choléra n’ont plus» écrit Joseph Kuria Mutura. Jospeh est un étudiant kenyan. Il vit et travaille à Korogocho, l’un des plus grands bidonvilles du Kenya. De là-bas, Kuria Mutura a écrit aux Haïtiens…
Combien de morts ? Je veux dire quand les médias internationaux feront une addition macabre : le séisme + le choléra = ?… Nul ne le sait aujourd’hui. Les chercheurs sérieux ou les humanitaires habitués à de tels «terrains» pensent que le pic de l’épidémie n’est pas encore atteint et rappellent l’exemple du Zimbabwe, plus de 4000 décès. Le tremblement de terre est arrivé à un moment où le pays n’avait pas encore eu le temps de se remettre des violents ouragans qui en 2008 avaient fait un millier de morts et détruit les habitations d’un million de personnes.
En dépit des apparences, les événements qui ont marqué l’histoire de Haïti depuis sa découverte par Christophe Colomb – remontons aussi loin, n’entrent pas tous dans la catégorie des catastrophes naturelles. Permettez-moi, depuis la «banlieue» de Nairobi ce rappel : Haïti a été le théâtre de plusieurs révolutions et coups d’Etat qui ont paralysé le développement économique du pays et l’ont relégué au rang des pays les plus pauvres de la planète.
A la lecture des sources historiques, le contraste est frappant… Au 16ème siècle, Haïti était une île dont les richesses représentaient plus d’un quart de l’économie française. Au 17ème siècle, les esclaves vainquirent les Français et firent de l’île la première nation qui abolit la traite et l’esclavage. Les Etats-Unis ne tardèrent pas envahir l’île et une nouvelle page de l’histoire débuta.
Ce qui avait commencé en triomphe se termina en malédiction et aujourd’hui Haïti vit les séquelles de décennies de la mauvaise gestion de régimes corrompus. Les systèmes d’éducation et de santé publique sont dégradés et ne suffisent pas à répondre aux besoins d’une population croissante qui de surcroît vit dans des conditions d’insalubrité et de pollution environnementale indescriptibles.
A la lumière de ma propre expérience dans le bidonville de Korogocho, il me paraît évident que dans une telle situation le désespoir prend le dessus et que l’instinct de survie fait oublier tout scrupule. Aujourd’hui je peux lire l’accablement sur les visages des Haïtiens qui ont vu leur nation s’enfoncer dans la destruction en dépit de l’aide internationale. Venir à bout de l’épidémie de choléra est un défi quasi insurmontable parce que les populations à risque vivent dans des camps de toile, que les services sanitaires sont déficients, que l’accès à l’eau potable est très difficile.
Ces préoccupations m’obsèdent mais en même temps je repense à l’hymne national haïtien qui proclame que «Pour le drapeau, pour la patrie mourir est beau ! Notre passé nous crie: Ayez l’âme aguerrie! Mourir est beau pour le drapeau, pour la patrie.» J’approuve la déclaration de l’ex-président américain Clinton pour qui «cette catastrophe est l’occasion de corriger les fautes du passé» et je ne suis pas loin de penser qu’à travers le monde nombreux sont ceux qui sont d’accord avec cet engagement affiché. Cette situation, aussi douloureuse soit-elle, fournit l’occasion à la patrie des esclaves émancipés de prouver au monde que les crises vécues par Haïti ne sont pas le signe d’une malédiction irréversible et que la communauté internationale tout entière se doit de faire le maximum pour reconstruire la démocratie dans ce pays.
Le moment est propice pour que les Haïtiens et les Haïtiennes prennent leur destin en main et avec l’aide de Dieu reconstruisent les infrastructures médicales qui permettront de faire baisser le taux de mortalité infantile en s’assurant que tous les enfants aient accès aux vaccinations et aux soins. Il s’agit de mettre en place un système de sécurité sociale et un réseau national d’infrastructures médicales qui couvre l’ensemble du territoire national et non pas seulement la capitale. Les politiciens seront-ils à la hauteur de ces ambitions ? On peut en douter, malheureusement.
Seule l’éducation permettra que la génération montante adopte les valeurs d’intégrité et de redevabilité qui leur permettront de changer le mode de gestion du pays à l’avenir et ceci dépend en dans une large mesure de l’aide que la communauté internationale accordera à la reconstruction des écoles et des infrastructures éducatives. Il ne faut pas se voiler la face. Le Sénégal, lui, s’est engagé à accueillir 163 étudiants haïtiens pour la durée de leurs études et on ne peut qu’espérer que cette promesse sera tenue jusqu’au bout.
Les pays développés devraient en faire autant en établissant des filières de leurs établissements scolaires et universitaires dans toutes les régions d’Haïti, ce qui de mon point de vue vaut mieux que d’inviter les étudiants haïtiens à se rendre à l’étranger et à quitter – peut-être définitivement, leur pays.
Je crois pouvoir dire à nos frères haïtiens que c’est maintenant le moment qu’ils ont si longtemps attendu. Comme le Pape lui-même l’a dit (permettez à un croyant cette référence) : «Il faut que les choses changent» et seuls les Haïtiens pourront effacer ce que beaucoup estiment être une malédiction. J’ai rêvé une autre Haïti…
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mardi 30 novembre 2010
J’ai fait un rêve pour Haïti…
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