Google

vendredi 2 juillet 2010

Haïti : Mitterrand veut aider à reconstruire la culture

En visite dans l'île dévastée, le ministre français a promis une aide pour des projets de réhabilitation du patrimoine.

Il s'attendait sans doute à tout, lui qui a tant voyagé. Mais la vision d'un Haïti détruit et pourtant encore vivant, a saisi Frédéric Mitterrand, en visite diplomatique à Port-au-Prince, dimanche et lundi. Six mois après le séisme, la situation est dantesque : entre les décombres, des millions de gens habitent toujours sous des tentes de fortune, exposées aux pluies tropicales et aux insectes. La rue grouille de petits vendeurs, d'enfants au visage grave et de jeunes errant sans aucun but. «Des esprits chagrins diront que ce n'est pas le moment de venir avec des promesses», s'est justifié le ministre de la Culture au milieu des ruines et dans la fournaise. Avant d'ajouter: «C'est en partie vrai. C'est en partie faux. La culture n'est peut-être pas un bien d'urgence, mais elle n'est pas un luxe, c'est l'âme d'un peuple.» Aucun dignitaire venu à sa rencontre ne l'a contredit, ni le ministre de la Culture haïtien, ni l'ambassadeur de France, ni même René Préval, président de la République haïtienne. «Nous, nous savons que si l'on n'offre que du pain et pas des livres, le peuple haïtien sera condamné à réclamer du pain pour l'éternité», a concédé Magali Comeau-Denis, ancienne ministre de la Culture.
Décor de film catastrophe
Lorsque l'on n'a plus rien, on manque aussi de livres, de musique et de beauté. Et on cherche à reconstruire son passé pour mieux se forger l'avenir. Le pays aurait aimé que la France l'aide à reconstruire l'ancien quartier colonial de ­Jacmel. La rue du Commerce, artère dans laquelle vivaient les riches planteurs de café français et les marchands d'épices, ressemble aujourd'hui à un décor de film catastrophe. Autrefois, c'est-à-dire avant le 12 janvier, on y trouvait encore des maisons du XIXe siècle pleines de cachet. Reconstruire à l'identique serait un geste fort. Mais la France, qui est soumise à une restriction budgétaire y compris sur ses interventions extérieures, a décliné l'offre. Elle a préféré tenir que courir, avancer des «promesses qui ne sont pas creuses ».
La première, celle de restaurer le tableau Le Serment des ancêtres, peint par Guillaume Guillon-Lethière, possède la charge symbolique la plus forte. La deuxième tient visiblement à cœur de l'homme de cinéma qu'est Mitterrand. Il s'agirait de remettre sur pied un complexe de cinéma-théâtre, le Triomphe. Longtemps très fréquenté, il fut abandonné faute de fonds il y a vingt ans. Curieusement, il n'a pas trop souffert du séisme. Il est tout simplement vétuste, avec ses fauteuils jaunis et ses écrans muets. Frédéric Mitterrand rêve d'en faire un lieu de projection et d'expression, accueillant les nombreuses troupes de théâtre et les orchestres qui, on ne sait comment, continuent de se produire dans le pays. Mais l'opération coûterait au minimum 7 millions d'euros.
Combat linguistique
Avant de partir, Frédéric Mitterrand avait fait l'assaut de ses homologues européens pour les convaincre d'abonder dans son sens, mais ces derniers traînent un peu des pieds. Car une des justifications profondes de l'aide de la France est le maintien de la francophonie. Or, ce lien est étranger aux autres pays européens. «Nous sommes dans un champ de douleur, mais les plus grandes failles sont celles de l'oubli», a glissé à Frédéric Mitterrand l'écrivain Frankétienne, 74 ans, une figure de l'île. «Dites à vos amis qu'Haïti reste encore un grand morceau de la France.»
Tandis que les Américains ont mis un pied sur l'île, un combat diplomatico-linguistique s'opère, face à une élite qui parle un français châtié et un peuple qui s'exprime largement en créole. «Le jour où Haïti basculera dans l'anglophonie, nous nous éloignerons l'un de l'autre», prédit Didier Le Bret, ambassadeur de France en Haïti.
L'écrit, facteur d'émancipation
Dans un pays où l'ordinateur est encore résiduel, mais où les écrivains sont féconds, l'écrit reste un facteur d'émancipation. Au collège Saint-Martial - qui, lui aussi, est à moitié détruit -, les responsables de la bibliothèque du Saint-Esprit ont exhumé pour la délégation française des archives haïtiennes, dont d'émouvantes lettres de Toussaint Louverture, sauvées à la grâce de Dieu. Elles sont condamnées à être stockées dans des cartons humides, livrées aux termites. La France devrait aider à numériser une partie des 25.000 ouvrages, lettres et cartes, et s'est engagée à bâtir une ère de stockage.
La Bibliothèque nationale de France a, de son côté, fait don de 30.000 ouvrages à des fins scolaires : bien que le taux de scolarité soit faible et que l'éducation soit payante, une partie des parents continuent envers et contre tout à envoyer leurs enfants à l'école - même s'il s'agit d'apprendre assis par terre. À la fin d'une visite dans un camp de déplacés, à quelques kilomètres de la capitale, Frédéric Mitterrand a usé d'une métaphore : «La culture, c'est sans doute le ciment d'une nation.» On ne saurait mieux dire.
http://www.lefigaro.fr/international/2010/06/30/01003-20100630ARTFIG00732-haiti-mitterrand-veut-aider-a-reconstruire-la-culture.php

Aucun commentaire: