Une situation difficile se développe au bas de la rue Chareron, aux environs de l'Université Quisqueya. Des vidangeurs prennent le malin plaisir d'y déverser, la nuit, les produits de leur vidange. Le fruit de ce manège pour le moins bizarre place les personnes qui fréquentent la zone dans une position critique. Entre l'odeur des excréments et celle des ordures, étudiants, marchands, mécaniciens ne savent plus ce qu'ils respirent...
Géraldo, un mécanicien, montre du doigt des sacs écrasés sur le bord du trottoir. Dans un égout on peut voir des traces de matières fécales. L'odeur vous prend à la gorge. Plus bas, une benne à ordures est mise sur le côté, vide, des traces douteuses sur tout le rebord. Des voitures passent, les conducteurs s'efforcent de se frayer un chemin pour s'éloigner au plus vite. « Nous avons dû mettre le feu dans cette poubelle tant nous ne pouvions respirer. Et les personnes responsables ne font rien pour améliorer notre sort », se plaint Géraldo.
Un autre raconte que les vidangeurs jettent ces matières la nui, à l'abri des regards. « Le lendemain, on ne peut rien faire qu'accepter le fait accompli, puisque nous devons travailler chaque jour ici pour gagner notre pain quotidien», regrette-il, fustigeant à la même occasion le comportement de certains employés chargés de ramasser les immondices. « Ils nous ont demandé 1 250 gourdes pour les mettre plus bas. Devant notre refus, ils se sont contentés de couvrir le reste », s'indigne-t-il, plaidant pour des patrouilles policières la nuit dans la zone afin d'arrêter les personnes qui commettent ces forfaits, car «il revient à l'État de jouer son rôle et de permettre à tous les citoyens de jouir d'une bonne santé ».
Les mécaniciens parlent unanimement de l'urgence de trouver une solution à la situation. Ils estiment qu'ils sont des laissés-pour-compte. «Il fallait venir ce mardi pour voir l'ampleur de la situation. Les gens couraient pour ne pas respirer cet air nauséabond. À des dizaines de mètres, l'odeur vous suffoquait. Une situation qui a provoqué un tollé. Les employés des services publics concernés ont dû intervenir pour les ramasser », indique Gisèle, une marchande de fritures.
Les étudiants de l'université Quisqueya ne sont pas mieux logés, même si la grandeur du campus et la distance des salles de cours les mettent momentanément à l'abri. «Quand il faut entrer dans l'enceinte ou en sortir, c'est là que la situation se corse. Il faut se précipiter si l'on ne veut pas être asphyxié. Cela est inacceptable!», s'indigne Mario, jugeant inconcevable qu'en plein centre d'une capitale, de telles pratiques aient cours. Il critique les représentants de l'État, qui, selon lui, en sont les véritables responsables. Les raisons avancées sont les suivantes : pas assez de décharges publiques, surpopulation, installations sanitaires inexistantes… « Dans ces conditions, on comprend bien que ce phénomène prendra de plus en plus d'ampleur », déduit-il.
Un autre étudiant estime qu'il s'agit d'un problème structurel qui ne peut être résolu d'un seul coup. Il y a eu d'autres précédents. D'aucuns parlent de cas de vidangeurs surpris par le jour qui ont dû abandonner les défections en pleine rue ou les vider dans les premiers égouts se trouvant sur leur route. « Alors là, c'est un quartier empesté pour au moins une dizaine de jours », souligne une jeune passante.
Une situation qui inquiète encore au centre-ville, particulièrement au Portail Léogâne. Il s'agit de la canalisation à ciel ouvert, communément appelée « Bois de chêne », qui, depuis des années, sert de dépotoir pour toutes sortes d'ordures, particulièrement pour les bouteilles en plastique qui s'accumulent en nombre impressionnant. Les autorités publiques concernées semblent n'être pas du tout concernées par ce défi à l'urbanisme que les visiteurs étrangers prennent plaisir à photographier. « Et dire que, dans tous les débats sur le développement d'Haïti, on parle de relancer le tourisme », ironise un chauffeur de tap-tap rencontré à la station d'autobus attenante.
Par Jean Panel Fanfan
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