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mardi 23 décembre 2008

La tragédie anglaisienne

Les Anglais boit jusqu'à la lie la coupe de la tragédie environnementale provoquée par des scieurs de long et ceux qui font le commerce de charbon de bois dans les hauteurs du Parc Macaya. Désormais, à la moindre averse, les eaux des rivières laissent dans leur sillage des champs dévastés et des terres lessivées.
La rivière des Anglais a laissé dans son sillage quelque deux cent hectares dévastés, plantés en banane, pois, maïs, igname après les intempéries d'août et de septembre 2008, selon Jean Lamy, un planteur d'une soixantaine d'années. Caricatural, ce membre de l'Association des Irrigants Planteurs des Anglais (AIPA) soutient que « la plaine des Anglais, jadis un grenier, est en passe de devenir un galet». Sur un peu plus de six kilomètres, jusqu'à l'embouchure, le lit de la rivière, qui prend sa source dans les mornes dénudés du Parc Macaya, s'est considérablement étendu. Les troncs de mapou, de manguiers, de cocotiers... jonchant la rivière comme des cadavres à Waterloo, témoignent de ce que nous avons vécu, rappelle le sexagénaire qui appelle à l'endiguement de la rivière, à la régulation de l'exploitation des ressources du parc et à la réalisation d'une campagne de reboisement.

Sinon, il n'y aura plus d'avenir, prévient Jean Lamy, suppléant juge de paix au milieu des années quatre vingt quand, commente-t-il, l'autorité de l'Etat était établie et respectée. Père de dix enfants, M. Lamy laisse transpirer ses craintes, son angoisse comme pour les conjurer alors que son avenir et celui de quelque 30.000 Anglaisiens s'assombrissent. «Quand un planteur perd un hectare de terre, il fait un pas de plus vers la pauvreté. C'est arithmétique. Un hectare planté en pois donne 450 marmites. On effectue deux récoltes en une année. La marmite coûte 150 gourdes », raconte-il.

Tandis qu'il croise le chemin de Mme Rodila Civil, une vielle femme, au bord de la folie, qui revient contempler ce qui reste de sa maison, Jean Lamy rappelle que le 23 octobre 2005, l'AIPA avait écrit au Premier ministre Gérard Latortue, au président Boniface Alexandre afin d'attirer leur attention sur l'amenuisement de l'espace agricole à cause de la rivière. Rien n'a été fait. Et voilà.

Outre le risque de voir les 497 hectares de plaine irrigués à Les Anglais lessivés par des eaux en furie dévalant les hauteurs de Macaya, la ville risque d'être effacée et ses habitants jetés sur les routes de l'exode vers les Cayes ou Port-au-Prince, se lamente-t-il avec dans la voix une colère non diffuse au moment où un camion bondé de charbon de bois, de planches se fraie un passage au milieu de grosses pierres de la rivière pour trouver la nouvelle sortie de la ville.

La tragédie de Macaya. Des planteurs qui se lamentent, des scieurs de long, des commerçants de charbon et des autorités publiques qui s'en balancent des conséquences de ces actions, c'est, si besoin était, une image qui illustre la problématique, la tragédie du Parc Macaya, selon Bruno Mentor, directeur exécutif d'une fondation du même nom. « Les communautés des périphéries n'ont pas conscience de ce que représente le parc. Autrement, elles se seraient impliquées dans sa protection, déplore-t-il.
Chaque année, les dommages causés par le déboisement démesuré de la forêt sont estimés à plus de 19 millions de dollars américains», selon une étude réalisée par des chercheurs de l'Université de Floride. Bruno Mentor, qui craint la destruction de villes comme les Anglais, Port-à-Piment et Chardonnières lors des saisons cyclonique à venir appelle à la mobilisation de la société civile, des communautés pour faire face à ce désastre environnemental. De 100% en 1956, la couverture végétale du parc est passée à 14,8 % en 1978 avant de tomber à 3,6 % en 1984. Une situation qui a entraîné la perte de biodiversité et d'habitat, l'érosion, l'élargissement des lits des rivières, sans compter l'inondation des zones côtières, l'ensablement de certains segments du littoral, la perte de la biodiversité marine, la destruction ou le déplacement de certaines espèces marines.
Situé dans le massif de La Hotte et s'étendant sur les mornes Formond et Macaya, le Parc Macaya est, par sa position géographique, l'un des plus importants parcs naturels du pays. Quelque sept rivières des départements du Sud et de la Grand'Anse - l'Acul, la Ravine du Sud, Les Anglais, Port-à-Piment communément appelée « Bras gauche et Bras droite », Roseaux et la Guinaudée - prennent leurs sources dans l'espace de Macaya.
Le parc, qui reçoit près de 3 000 millimètres cubes d'eau de pluie par an, alimente les deux plus importants systèmes d'irrigation de la Presqu'île du Sud : Avezac et Dubreuil. La faune et la flore du parc comprennent de nombreuses espèces rares ou endémiques, selon Bruno Mentor. Comme Jean Lamy, Bruno Mentor souhaite que le réseau des organisations impliquées dans la protection de l'environnement se renforce afin de donner le ton à la société et à l'Etat dans la campagne existentielle de réhabilitation de notre habitat. Originaire de Rendel, M. Mentor laisse apparaître ses pires craintes face au spectre d'anéantissement de nombreuses villes de la côte après avoir vu ce qui s'est passé à Les Anglais, une ville où il a encore des amis d'enfance. La tragédie...
Roberson Alphonse

Haïti Recto Verso commente
Il existe de ces déclarations de nos politiciens qui sont à disserter dans les latrines immondes tant leurs contenues sont nauséabondes et indigestes. Parmi ces réflexions se trouve justement celle sortie de la bouche de nos parlementaires autour de la question du déboisement et de l’abattage des arbres : On ne peut pas interdire aux haïtiens de couper les arbres ! Les citoyens de leur côté avancent, en connaissance de cause qu’il faudrait arrêter de couper les arbres mais ils n’ont pas d’autres ressources
Je l’ai entendue cette réflexion sortir de la bouche d’un sénateur très à la mode, faisant la une de l’actualité.
Cependant il existe une réflexion primaire à faire qui démontrerait le caractère exigu de la logique de ceux qui pensent de la sorte. En effet, ça fait des années que je lis que la couverture forestière d’Haïti était estimée à 2.5%. Les gens ont depuis continué à couper les arbres. Logiquement un arbre ne pousse pas du jour au lendemain. Cela veut dire que malgré les velléités des programmes de reboisement mal conçus, il arrivera un jour ou il n’y aura plus d’arbre… Et alors que feront ceux qui vivent du charbon de bois et donc de l’abattage des arbres.
En Haïti, un pays ou toute l’activité politique a été concentrée et définie comme la conquête absolue et surtout le maintien du pouvoir au détriment de tout projet social et républicain, se trouve prisonnier d’un nombre incalculable de cercles vicieux. La survie du pays dépend de la volonté des dirigeants de rompre ces cercles vicieux qui étendent un spectre létal à moyen terme sur ce qui reste de la nation.
Il faut des décisions impopulaires et antidémocratiques à souhait. La protection du morne l’hôpital en réclame ; la protection des habitants des bidonvilles en exige.
Il faut déclarer illégal l’abattage des arbres…point final… Et aussi trouver des solutions palliatives qui existent déjà ou qui doivent être inventées car nous n’avons plus de forêts inépuisables !

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