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jeudi 11 octobre 2007

Haïti : Les transferts ne sont pas synonymes de développement

Mercredi 10 octobre 2007
P-au-P., 10 oct. 07 [AlterPresse] --- Pendant les soixante dernières années, de nombreux haïtiens ayant pris naissance en Haïti ont migré vers l’étranger.
L’une des raisons à l’origine de cette situation, c’est l’inefficacité des modèles de développement que les dirigeants successifs du pays prétendent officiellement appliquer. Dit autrement, ces modèles explicites n’ont jamais contribué à améliorer les conditions de vie de la population.
C’est l’opinion par exemple de l’économiste Rémy Montas qui intervenait récemment à un forum organisé à Port-au-Prince par le Centre Pétion Bolivar. Cet ancien dirigeant de la Banque centrale haïtienne note que les principaux éléments propulseurs de croissance économique ont en général toujours été absents ou faibles.
Montas cite parmi ces facteurs le capital, les ressources naturelles importantes, la technologie et une main d’œuvre de plus en plus en plus qualifiée ainsi que des politiques économiques adéquates permettant de mettre en combinaison l’ensemble de ces facteurs pour propulser la croissance économique.
« Étant donné que nous n’avons jamais réussi dans ce domaine, dans un tel contexte, l’émigration a toujours été considérée comme une voie de sortie pour un très grand nombre d’individus et de ménages », renchérit l’économiste.
La carte mondiale de la migration haïtienne donne à voir que les Haïtiens sont éparpillés aux quatre coins du monde. On les retrouve dans les Amériques (Amérique du Nord, Caraïbe, Amérique centrale, Amérique du sud), mais aussi en Europe, en Asie, en Afrique et au Moyen Orient.
Neuf sur dix Haïtiens vivant à l’étranger sont recensés dans les Amériques alors que cinq sur dix le sont en Europe.
« Le revenu annuel moyen des ménages est de trente-six mille dollars américains. Les ménages pauvres, parmi les haïtiens, c’est environ dix neuf pour cent. Les ménages avec chef féminin (environ) trente-et-un pour cent. Parmi ces haïtiens, (environ) quarante pour cent sont des propriétaires de maisons. Le coût médian de propriété est de quelque cent vingt-deux mille dollars américains ».
Ces données ont été présentées par le statisticien et démographe Gabriel Bidegain à ce (même) forum du Centre Pétion Bolivar auquel participait également un autre expert dans le domaine, Jacques Hendry Rousseau.
Les transferts envoyés par les Haïtiens de l’étranger à leurs familles (en Haïti) dépassent de loin l’aide publique au développement et l’investissement externe privé.
Une récente étude de la Banque interaméricaine de développement a en effet estimé à plus d’un milliard 650 millions de dollars le montant des transferts (des haïtiens de la « diaspora ») vers Haïti.
Le professeur Jacques Hendry Rousseau relève le fait que les transferts en provenance de l’extérieur ont permis, au cours des années récentes, à des familles de survivre à « la situation de crise qui sévit au pays », de « résister, si vous voulez bien, à ce contexte de crise généralisée en tant que telle. Ça a permis à pas mal de ménages, de familles de subvenir à leurs besoins fondamentaux, c’est-à-dire de couvrir les frais de logement, d’éducation de leurs enfants, les frais d’alimentation, pour ne citer que ceux-là ».
Cependant la migration internationale ne comporte pas que des avantages. Il y a aussi le revers de la médaille. Un des effets pervers est la fuite des cerveaux (en provenance d’Haïti).
Les données telles que présentées par les statisticiens et démographes Gabriel Bidegain et Jacques Hendry Rousseau (à ce forum du Centre Pétion Bolivar) concernant les Haïtiens en Amérique du Nord font voir que, rien qu’aux Etats-Unis, 13,5% (des Haïtiens) ont le niveau de licence alors que 20% sont des managers et des professionnels.
Les deux experts ont par ailleurs souligné la politique migratoire attractive menée par certains pays occidentaux. « Des pays comme les Etats-Unis d’Amérique, la France et le Canada, en particulier le Québec à cause de la langue, ont une politique pour attirer des professionnels, notamment des médecins et des infirmières », fragilisant par ainsi le système (national) de santé.
L’administration publique et privée haïtienne en a déjà ressenti les effets pervers. Les impacts se répercuteront à coup sûr à moyen terme sur le fonctionnement des structures de la société (haïtienne). Les experts craignent à moyen terme « un effondrement des activités étatiques et même privées » dans le cas où « le pays n’arrive pas à sortir du cycle de la pauvreté et à retenir les professionnels ».
Autant dire que les transferts ne sont pas synonymes de développement. Ils peuvent seulement soulager les ménages et contribuer à réduire, un tant soit peu, la pauvreté. Mais les transferts ne sauraient remplacer les politiques publiques appropriées que les gouvernements se doivent de mettre en place. Et pour cause, les transferts ne sont pas stables (à long terme), ils ne peuvent pas être considérés comme une source intarissable.
Selon l’économiste Rémy Montas, par un effet démographique normal, les générations d’Haïtiens ou d’étrangers d’origine haïtienne auront moins d’attaches avec leurs familles d’origine et les transferts de fonds s’en trouveront réduits. Il s’agit, selon lui, d’un phénomène classique. « La première génération connaît ses parents, envoie de l’argent. La deuxième génération est venue voir sa grand-mère une fois, deux fois. Sur la troisième génération, ils ne connaissent plus de grand-mère, plus de grand-père, encore moins les cousins et cousines ». [vs gp apr 10/10/2007 21:00]
Notes : Nous nous sommes inspirés pour ce texte d’un panel auquel ont notamment participé les professeurs Rémy Montas (économiste), Gabriel Bidegain (démographe et statisticien) et Jacques Hendry Rousseau (démographe et statisticien), de documents de l’UNFPA, du CELADE-CEPAL et du RNPD.
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Cet article fait partie d’une série intitulée « Nou tout konte » et réalisée avec le concours du
Fond des Nations-Unies pour la Population (UNFPA). Dans ce cadre, des chroniques radios hebdomadaires sont également diffuées sur Radio Kiskeya suivant l’horaire ci-dessous : - Mardi, au journal de 6 :00 AM - Mercredi au journal de 7 :00 AM - Jeudi au journal de 4 :00 PM - Vendredi, peu avant le journal des sports (12 :55 PM)
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6500

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