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mardi 18 septembre 2007

Cange: les revendications des PVVIH

Encore une fois cette année, les personnes vivant avec le VIH/Sida étaient au centre des débats du 13e forum international à Cange. Ces patients ont profité de cet espace pour revendiquer leurs droits.

« Ne soyez pas étonnés si je vous dis que je suis une personne qui vit avec le Sida. Et si je suis habillée en vert c'est parce que cette couleur symbolise l'espoir. Je ne vis que grâce au support financier et moral de Zanmi Lansante. Cette institution est ma devise, mon emblème », a confié, tout feu tout flamme, Lucette Fétière, vendredi dernier, aux nombreux assistants du 13e forum annuel de Zanmi Lasante (ZL), une ONG qui travaille activement dans les oeuvres sociales à Cange dans la commune de Mirebalais.

Cange, l'une des bourgades de Mirebalais dans le Plateau Central, dont le nom résonne haut et fort dans la lutte contre le Sida, a mobilisé des institutions nationales et internationales pendant deux jours autour de la santé de la femme d'une manière générale avec une attention particulière sur la prévention materno-infantile. Les personnes vivant avec le VIH/Sida (PVVIH) ont trouvé un espace opportun pour soumettre leurs revendications aux représentants de l'Etat et aux membres des organisations internationales. Elles s'estiment lésées dans leurs droits socio-économique et culturel.

Aussi souhaitent-elles que l'Etat se penche sur plusieurs aspects des droits de l'homme, parmi lesquels le droit à un logement décent, à la santé, au travail, à l'éducation... L'intervention de Me Mario Joseph a pris en compte les multiples aspects de ces droits qui posent la base de la sécurité sociale quand l'Etat assume ses responsabilités.

La politique pour faire avancer les choses
« Sénateur Beauzile, venez vous engager dans la bataille contre le Sida! Ne restez pas à faire de la politique. Ministre Lassègue, il n'y a pas que la politique. Venez supporter les malades du Sida afin que leur vie se prolonge », a supplié Mme Fétière.
« Au contraire, il faut faire la politique », a affirmé la ministre à la Condition féminine et aux Droits des Femmes (MCFDF), Mme Marie Laurence Jocelyn Lassègue. Elle a fait savoir que la politique doit se faire autrement en Haïti dans l'intérêt de l'Etat et pour le bien-être du citoyen.
Pour que s'épanouisse cette culture du bien-être, des gens sérieux et compétents ont intérêt à s'engager, à investir les espaces de décision et de pouvoir pour que les droits qu'ils revendiquent soient une réalité, a-t-elle insisté. « Je souhaite que lorsque je retournerai à Cange, vous soyez dans la politique pour faire avancer les choses », a-t-elle ajouté.
Des accusations claquaient comme des gifles.
Des PVVIH dénonçaient les organisations qui font de la lutte contre le Sida une source d'enrichissement. Ils relançaient le débat, faisaient le procès de l'Etat. Une jeune PVVIH a même jugé qu'il y a un virus qui sape la machine étatique et l'empêche de fonctionner. « L'Etat haïtien est aussi présent à travers Zanmi Lasante », a souligné le premier sénateur du Centre, Edmond Supplice Beauzile.
Elle a soutenu l'idée selon laquelle les ONG reçoivent de l'argent de la communauté internationale qui finance indirectement le budget public. « Si le ministère du Plan interdit aux ONG de fonctionner, elles ne pourront pas intervenir dans le pays », a argué le sénateur.

Des freins au développementCependant, la directrice du Centre Robert Kennedy pour les Droits de l'Homme, Mme Monika Klara Varma, dit avoir remarqué que, sous le gouvernement d'avant le coup d'Etat, « les organisations internationales qui étaient sur le terrain pour encadrer les gens et surveiller les violations des droits de la personne n'ont fait que mettre des bâtons dans les roues de ce gouvernement ». Aussi, a-t-elle conclu que « l'international freine parfois le développement ».
Cheminant dans la même ligne de pensée que la directrice du centre Robert Kennedy, le Dr Paul Farmer, de nationalité américaine, l'un des fondateurs de l'hôpital de Cange, a condamné la politique de la communauté internationale qui consiste « à frapper Haïti d'embargo depuis son accès à l'indépendance ».
Dr Farmer s'est indigné de la dernière mesure drastique des pays amis qui a mis le pays à genoux. « C'était un embargo illégal ! Cette mesure est contraire à la charte de la Banque interaméricaine de Développement. Mais c'était le gouvernement de mon pays à l'époque qui avait ordonné de le faire », a-t-il ajouté.« De grandes institutions comme Banque mondiale et Fonds monétaire international oeuvrent pour alourdir la souffrance des pauvres. Il faut dénoncer cet état de chose », fulmine Dr Farmer tout en insistant sur la nécessité pour les Haïtiens de s'unir afin que ces grandes institutions n'abusent pas trop de leur pouvoir.
« Aussi illégal qu'ait été cet embargo, ce sont nos frères haïtiens qui ont volontairement signé ce document », a rappelé le sénateur Beauzile au Dr Farmer. En outre, elle a souligné que les coups d'Etat dictés par les étrangers sont exécutés par des Haïtiens.
Mais quand l'Haïtien prendra-t-il son destin en main afin de conduire le pays vers un développement intégré pour le bien-être de tous?, s'interroge-t-elle pour conclure.
Un mandat transversalCette recherche pour le bien-être, la ministre à la Condition féminine pense qu'elle s'inscrit dans une lutte progressive avec des gens qui assument leurs responsabilités. A l'inverse des opinions de certaines personnes qui se désolent face aux difficultés que traverse le pays dans le domaine de la santé, Mme Lassègue voit s'ouvrir des opportunités.
Aussi a-t-elle salué la décision du ministère de la Santé publique et de la Population dans son engagement à rendre gratuits les soins materno-infantiles. On observe que la mortalité maternelle est en hausse en Haïti. Les dernières données de l'Enquête de Morbidité Mortalité et Utilisation des Services (EMMUS) réalisée en Haïti tous les 5 ans révèlent clairement que la stratégie mise en oeuvre pour aborder ce problème a échoué. Avec la gratuité des services qui garantit l'accès universel aux services de santé, Mme Lassègue espère que le ministère de la Santé et ses partenaires arriveront à inverser la tendance.
Le mandat transversal du ministère à la Condition féminine permet d'aborder toutes les questions touchant les femmes. En ce sens, le ministère entend définir la politique de l'Etat en ce qui a trait aux conditions des femmes. « Le ministère a établi un plan national afin de parvenir à diminuer le taux de la mortalité maternelle. Nous avons déjà signé un protocole d'accord avec le ministère de la Santé publique. Notre ministère encourage la Santé publique à adopter une politique pour que les femmes aient accès au service médical et paramédical « gratis », a indiqué Mme Lassègue.
Elle a affirmé par ailleurs que le MCFDF développe une stratégie de partenariat avec les institutions étatiques et non gouvernementales et a informé que son ministère est doté de 10 coordinations départementales ainsi que des agents de terrain. Durant son intervention, la ministre a abordé un nombre de questions comme la féminisation et la juvénilisation du Sida, le cancer du col de l'utérus, cause de la mortalité de beaucoup de femmes de Hinche, notamment.

Elle a signalé, entre autres, le problème de la paternité responsable, le « plaçage », etc.La représentante du ministère de la Santé, le Dr Joelle Deese Von Honaker, a profité de la présence de la ministre à la Condition féminine et de la représentante du Département du Centre au parlement pour attirer leur attention sur le projet de loi concernant le VIH/Sida. Ces deux personnalités d'Etat ont fait savoir que les pouvoirs Législatif et Exécutif accorderont une suite à ce dossier qui relève de l'urgence.
Le forum de Cange a pris fin sur une note d'espoir. Main dans la main, les participants ont entonné des chants qui expriment le sentiment de gaieté qui traversait la salle.
Claude Bernard Sérant

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