Dans la lignée des pures traditions haïtiennes, les festivités du RARA, appelé à tort « carnaval rural » sont aussi incontournables et occupent une place de choix dans l’agenda social et culturel du pays. Le RARA suit chronologiquement le Carnaval et débute en quelque sorte après le mercredi des cendres. C’est à l’instar des fêtes champêtres, une activité chère et prisée par certaines régions du pays qui sont réputées d’héberger les rassemblements les plus intéressants dans ce domaine.
Les natifs de Léogane par exemple, et surtout ceux qui vivent à l’extérieur ne ratent pas souvent l’occasion de danser un bon RARA, célébration qui conditionne bien entendu et caractérise l’agencement de leurs temps et leurs vacances.
Le terme de carnaval rural utilisé tenait son origine dans le fait qua pendant un certain temps le rara s’organisait en priorité dans certaines villes de province. Mais avec l’exode des villes « d’en dehors » et la nouvelle configuration spatiale de la capitale avec ces ceinturons multiples de bidonvilles, les bandes de rara sillonnent aujourd’hui tous les quartiers de Port-au-Prince et de Pétion- Ville.
Ce premier week end juste après le carnaval représente une aubaine pour ceux-là qui ont été touché par le virus de la « seguidilla » et peuvent continuer à festoyer dans un contexte un peu différent mais qui rappelle encore les effluves de sensations expérimentées la semaine dernière.
Notre intention c’est de présenter nos expériences et nos sentiments par rapport à ces phénomènes vraiment « natif natals ». Le rara est aussi haïtien que TOUSSAINT, DESSALINES, PETION…C’est une vraie tradition haïtienne…
Nous soumettons à votre considération cet excellent article des journalistes José Luis Soto et Ronald Colbert paru dans Alterpress (http://www.alterpress.org) ou il dresse un parallèle entre les manifestations d’un même phénomène exprimées de façon similaire mais non identiques des deux côtés de l’île.
Plusieurs concepts nous titillent l’esprit quand il s’agit de parler du GAGA célébré en République Dominicaine. Nous sommes souvent tenté de dire que le gaga n’est autre que le rara haïtien transporté par les haïtiens qui ont fait le voyage de l’autre côté de l’île ; mais dans un pays ou l’antihaïtianisme primaire reste de mise il est plus acceptable et surtout plus correct d’en faire une tradition venue d’Afrique histoire de dévier et de se protéger contre les accusations d’acculturation. Nous avons constaté par exemple que les descendants haïtiens vivant à Cuba ne se considèrent pas en premier chef des afro antillais ; ils démontrent peu de retenue quand il s’agit d’identifier et de faire ressortir leurs racines haïtiennes.
Les descriptions des journalistes de la célébration du gaga ne font que présenter la persistance de pures traditions haïtiennes dans les communautés ou habitent des ressortissants haïtiens : baca, chaca, tafia,.. évoquent évidemment quelque chose aux haïtiens.
Les touristes haïtiens en visite de l’autre côté de la frontière remarqueront sans équivoque que le gaga se pratique et se cultive là ou résident en priorité les haïtiens et leurs descendants c'est-à-dire dans les villes qui abritent les grandes exploitations sucrières.
Le RARA reste un sujet peu débattu sur le web. Les références sont maigres et se limitent à des explications expéditives et des utilisations du rythme par certains artistes ou groupes d’artistes. Dans cette logique, l’article publie par les journalistes de Alter Press (http://www.alterpress.org) revêt une importance particulière. (Decky Lakyel 25/02/07)
Traditions culturelles et solidarité haïtiano-dominicaine en période pascale
José Luis Soto , Ronald Colbert
Santo Domingo / P-au-P, 24 mars. 05 [AlterPresse] --- Chaque année, à l’approche de la période pascale, Haïtiens et Dominicains continuent de maintenir une tradition enracinée dans la culture insulaire, en organisant des manifestations culturelles ambulantes, hautes en couleur, son et images, constatent des journalistes d’AlterPresse.
Ces manifestations de rues coïncident avec ce qu’il est convenu d’appeler « le début du Carême » au sein de l’église catholique romaine ou avec la période précédant la Résurrection du Christ, suivant la foi de chacune et de chacun.
En Haïti, ces festivités portent le nom de « rara », tandis qu’en République Dominicaine elles sont connues sous le nom de « gaga ». Des deux côtés, elles charrient une multitude de personnes du milieu rural qui n’hésitent pas à consentir d’énormes débours financiers pour respecter ou ne pas rater la tradition. Par exemple, les ressortissants haïtiens vivant à l’extérieur de leur pays réservent, pendant l’année, une partie de leurs ressources qu’ils transfèrent à l’occasion de la période pascale afin de marquer la tradition dans leurs localités.
Léogane, à une trentaine de kilomètres au sud de Port-au-Prince, et la région de l’Artibonite, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale haïtienne, sont les deux hauts lieux de tradition « rara », où les festivalières et festivaliers rivalisent en gamme de couleur, musique et danse.
En République Dominicaine, les festivités « gaga » se traduisent par des manifestations de fraternité et de solidarité entre les deux peuples qui partagent l’île. Les manifestations culturelles « rara » (Haïti) ou « gaga » (République Dominicaine) débutent officiellement à partir du Mercredi Les Cendres, après le Mardi Gras (le Carnaval) et durent jusqu’au dimanche de Pâques.
Cette période dite de Carême, entre la fin du Carnaval et le Dimanche pascal, annonce 40 jours de jeûne et de prière comme préparation à la semaine sainte, quand « le Fils de Dieu sera trahi puis assassiné, et postérieurement retournera à la vie pour donner de l’amour et de la solidarité à ses filles et fils, suivant la tradition de l’Eglise catholique romaine ». Voilà pourquoi les manifestations « rara » et « gaga » sont considérées par certaines personnes comme des festivités païennes.
En République Dominicaine, la tradition "gaga" est célébrée de différentes manières, bien que celle de plus grande diffusion ait ses racines dans les bateyes dominicains, formés de communautés liées à la production de la canne-à -sucre, ou dans les villes proches des bateyes, affirme l’anthropologue June C. Rosenberg qui a effectué des recherches multiples sur l’origine du gaga.
La semaine sainte est mise à profit par des centaines de touristes haïtiens pour se rendre en République Dominicaine, pour aller jouir de belles plages, de repas typiques d’époque comme de la sauce d’haricots sucrés dont la cuisson comporte du sucre, du lait, des épices et de la patate. Mais, en plus, la dégustation du « chaca », mélange cuit à base de maïs, lait et épices, est appréciée par les touristes haïtiens, femmes et hommes, qui viennent se reposer en République Dominicaine pendant la trêve.
Toutefois, la religiosité, qui se détache pendant la semaine sainte, est le centre de toutes les activités, au-delà des plages, des rivières ou des grands hôtels. En Haïti, la tradition voudrait que les originaires de la province, établis dans les villes, retournent dans leur patelin pour aller participer au rara.
En République Dominicaine, la tradition voudrait que tous les enfants, y compris celles et ceux qui sont devenus de grandes personnes, reviennent chez leurs parents pour passer des moments inoubliables avec leurs siens, même lorsqu’ils n’y vont pas pour festoyer à proprement parler.
Dans cette religiosité propre à l’île, une « magie religieuse » du Gagá (ou du Rara en Haïti), ressort dans les zones des bateyes (ou se dégage des sections communales haïtiennes) où existent des règlements (rites) de descendants africains comme à Villa Mella et dans d’autres bourgs.
C’est en Semaine Sainte que le Gagá ou le Rara parvient à son paroxysme, avec la célébration de la musique, des danses, rites et cérémonies, ses croyances en Dieu et en certains esprits, les loas, les êtres ou les saints. Tout ceci repose sur le principe de la réincarnation et l’espoir, selon lesquels les forces ou les « mystères » peuvent améliorer et renouveler la vie.
La musique du Gagá ou du Rara empreint par sa richesse de variations de tons et rythmes produits par un ensemble d’instruments, un tantinet uniques, qui démontre son origine africaine et l’expérience de l’esclavage. La musique Gagá ou Rara inclut : « deux tambours, quatre ou davantage de bambous, une trompette ou tua-tuá, des chachá ou maracas, de la coque de lambi, des instruments à vent, des instruments de percussion traditionnels, etc. ».
Jadis en Haïti, les bandes « rara » savaient jouer de l’accordéon. Mais, ces dernières années jusqu’à aujourd’hui, spécialement à Léogane et dans l’Artibonite, elles ont intégré, dans leur musique, plusieurs instruments dits modernes, comme le cornet fait de tôle métallique.
Parmi les rituels et cérémonials, on distingue l’initiation, le sacrifice, la protection, le baptême, la bénédiction et la purification. La participation de ses membres repose sur des « promesses » qui durent de trois à sept années. à€ l’intérieur, apparaît le phénomène de l’association spirituelle ou « transe » chez certaines personnes, selon les circonstances.
« Son organisation sociale est hiérarchique et complexe. Entre les postes les plus significatifs, outre le propriétaire, le chef spirituel et le président, on rencontre les plus grands et les reines, celles et ceux qui dansent contagieusement avec une grande habileté, en remplissant l’espace d’énergies et de couleurs », signale l’anthropologue Rosenberg. En outre, le Gagá ou Rara symbolise les rébellions du marronnage, la lutte des esclaves, contre le français colonialiste, qui aboutit, il y a deux cents ans, à l’Indépendance d’Haïti.
Les « Guloyas » de San Pedro de Macoràs
Les « Cocolos » remplissent les champs (domaines) et les rues de cette ville, de musique, danses, croyances, boissons et repas uniques, mélanges faits à base de farine accompagnée de hareng, de morue ou de viandes. C’est à San Pedro de Macoris (Est de la République Dominicaine) que se retrouvent les plus importantes centrales sucrières de la République Dominicaine, par conséquent le haut lieu du Gagá dominicain.
Le plus grand impact des Guloyas réside dans la musique et les danses. Comme en Haïti, où la tradition veut que les actes posés par certaines autorités pendant l’année sont passés en ridicule au moment du « rara, les danses de San Pedro de Macoris sont pleines de contenu, de récréation, de satire, d’humeur et de musique irradiée de rythme, cadence, mélodie, lyrique, rêves et nostalgies. Parmi ces danses, on compte Momise, Guloya, du Boeuf, les Zancos et d’autres, imprégnés d’une couronne de rêves qui transporte aux essences (profondeurs) des origines de ces danses, d’une couche pleine de lentilles ou de petits miroirs, où se reflètent les racines ancestrales.
Les Guloyas de l’éternité évoluent à l’intérieur des bateyes, par les sucreries et rues de San Pedro de Macoris, en faisant apparaître des étoiles, levers du jour, papillons, nostalgies et espoirs. Le Gagá est très attaché aux activités carnavalesques.
Le Gagá au centre du carnaval à Elias Pina
« Dans la Communauté de El Llano, Elias Pina, à la Frontière Sud avec Haïti, à la tombée du Jeudi Saint, d’impressionnants masques sont placés comme sentinelles de protection dans les cours de maison, suggérant des zombis ou bacas (rites traditionnels propres au vaudou). Ces sentinelles de protection sont les Masques du Diable qui, dans un autre jour avec des fouets dans les mains, des vêtements de femme, sortent des montagnes pour venir fouetter tout le monde, arrivant jusqu’aux rues d’Elias Pina ».
En mettant fin aux activités, le samedi, ces masques sont portés à la montagne, sont brûlés, tandis que leurs cendres sont dispersées pour tous les semis, comme partie symbolique d’un culte à la fertilité. Et, comme hommage à l’arrivée du printemps, les tambours et les noeuds de bambou, ainsi que les cornes de lambis viennent annoncer le Vendredi Saint au matin, avec la présence d’un Gagá « théatralisé » (dramatisé), unique et différent d’autres modalités qui se présentent dans les sucreries du pays, avec des invocations à Petite Thérèse, à la mort et à d’autres esprits.
Différemment de San Pedro de Macoràs, Elias Pina combine un repas fait de maïs (Chenchen), de fèves douces, de Chacá et de rhum fabriqué rustiquement comme le clairin, le « triculi » plus connu sous le nom de tafia parmi la Communauté haïtienne et dominicaine. Dans les festivités « gaga » ou « rara », peuvent manquer certains ingrédients, sauf le rhum, qui fait partie de la tradition même de cette manifestation culturelle des deux peuples.
Semaine Sainte, Semaine de Gagá en Samaná
Pendant toute la période, on prépare des plats culinaires propres de la date qui s’approche, tels du poisson et des crustacés (écrevisses), des végétaux, de la morue et les traditionnels haricots ou fèves imbibés de sucre.
Produit du syncrétisme culturel dominico-haïtien, Samana n’échappe pas à la célébration, durant les derniers jours de la semaine sainte, spécifiquement de jeudi à vendredi saint, du gaga dans les bateyes, un rituel de caractère religieux, qui associe éléments musicaux et danses africaines, haïtiennes et dominicaines.
Batey Bienvenidos (Santo Domingo)
En semaine Sainte, le gaga, le bon, est présent dans tous les bateyes environnant la capitale dominicaine. Il n’y a pas comme celui du Batey Bienvenidos, dans la partie Ouest de la province de Santo Domingo, où est préservée presqu’intégralement la célébration du gaga suivant une directive qui suit l’ordre hiérarchique imprimé dans l’organisation des activités pendant toutes les années antérieures.
« C’est pourquoi ici le gagá a un chef, un président et un secrétaire ». Les danseurs passent par les maisons du Batey Bienvenidos pour recevoir les apports en argent ou en repas des locataires. Cela fait partie de la pauvreté du Batey. Le même peuple organise sa célébration.
Le gagá est la preuve du marronnage, indiquant une cérémonie entre la vie et la mort. La danse est une expression de vie. La danse constitue un syncrétisme festivo-religieux, intégré par des groupes d’origine haïtienne qui organisent leurs rites à différents endroits des sucreries.
Le Gagá ou le Rara est une autre preuve de l’identité de deux peuples, nés sur une île appelée Quisqueya, avec des ombres, des modes de vie et cultures différentes, mais unis dans la perspective de se révéler comme deux peuples frères en quête de ses origines pour construire ensemble des espaces de coexistence, qui, comme le Gaga ou le Rara, les conduit par un chemin étroit, comme au temps de la moisson, jusqu’à une vallée plane et productive, où croîtront les fleurs et roses qui nouriront de joie les âmes et les cœurs des deux peuples.
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