A force de faire les choses toujours de la même manière, on finit par s'attribuer une façon propre à soi de fonctionner. Dans un sens où dans l'autre, l'exercice dévient un élément identitaire.
Dernièrement, je suis heureusement tombé sur un article écrit par la blogueuse politique la plus suivie et la plus radicale des réseaux sociaux d’Haïti dans lequel, dans son style caractéristique, elle faisait un plaidoyer en faveur des partis politiques haïtiens tout en fustigeant une mesure du gouvernement provisoire qui suspendrait le financement des partis politiques.
Le financement des partis politiques en Haiti est devenu un sujet de réflexion que j'ai rangé avec bien d'autres dans le tiroir où l'on entrepose les choses qu'avec le temps, finissent par devenir secondaires avant d'être carrément oubliées dans une dynamique des priorités que nous contrôlons de moins en moins.
L'accès à ces informations officielles constitue souvent un élément dissuasif très puissant.
La lecture de cet article m'avait appris par exemple que Michel Martelly aurait modifié la loi régissant la création d'un parti en exigeant un nombre de membres égal à quarante plus un (40 +1).
On comprend donc mieux pourquoi il y a eu plus de 200 partis et regroupements politiques inscrits dans les archives du Conseil Électoral Provisoire (CEP). De la même manière et pour les mêmes raisons, on peut remercier Dieu que l'on n’ait eu à compter que 200.
Le grand public n'est pas informé sur les modalités du financement des partis politiques mais lors des dernières élections, quelques bribes de nouvelles ont circulé à ce sujet accompagnant des scandales et des discrépances musclées entre chefs de partis et candidats autour de l'utilisation des sous alloués pour financer leurs participations aux joutes électorales.
En cette occasion, j'ai su que les candidats à la présidence par exemple avaient reçu 20.000 (?) dollars américains pour financer leurs campagnes électorales. Ceci pouvant constituer la motivation de plusieurs des 56 candidats dont pour un nombre non négligeable, on ne voyait pas une seule affiche dans les rues.
Devant un tel constat et dans un contexte de ressources économiques diminuées, beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer cette pratique quelque peu pernicieuse, qui ne fait qu'entraver le processus électoral dans sa partie logistique sans apporter un plus à notre démocratie.
Ces voix ont suggéré d'autres modalités de financement calquées sur ce qui se fait ailleurs.
La blogueuse en question considère que c'est non seulement une erreur stratégique de l'exécutif que de ne plus financer les partis politiques et le fait d’assujettir ce financement au pourcentage de votes reçu lors des élections serait improductif dans la mesure ou cette option pourrait censurer un « bon parti politique » qui aurait malheureusement réalisé un score médiocre.
Le critère de « bon » ou « mauvais » parti politique reste un critère très subjectif en dehors de cet élément clé qui est le nombre de personnes se retrouvant dans les idées et la vision de société que promeut ce groupe.
Un nombre restreint d'adhérents présuppose une mauvaise réception du message véhiculé si on n'admet qu'un parti politique est une institution se donnant pour tache transformer une société moyennant une vision nette et claire de cette société récipiendaire.
Si cette adhésion ne se structure pas c'est qu'il y a un travail à effectuer pour mieux présenter le projet. Le gouvernement ne devrait pas avoir à financer directement ce travail.
L'appréciation d'un mouvement politique par un individu dépend de la vision de cet individu. Le parti démocrate est un aussi bon parti pour un démocrate que le parti républicain l'est pour un républicain.
Les courants extrémistes sont bien vus par des conservateurs qui se sentent mieux représentés à travers ce courant d'idées.
Un autre argument soulevé par la blogueuse est le risque que l’activité des partis politiques soit contrôlée par les marchands de drogues en assurant leurs financements.
Cet argument tient très peu la route en Haiti.
En effet les sommes allouées aux partis politiques sont insignifiantes par rapport au coût d'une campagne électorale bien menée. Cela veut dire qu'il sera très difficile à un leader de parti de refuser cette manne financière indispensable pour attirer des sympathisants et des militants. Faut-il admettre et reconnaître que la volonté d'exercer un monitoring sérieux sur l’activité politique n'est pas à l'ordre du jour en Haiti.
Dans l'évaluation d'un parti ou regroupement politique, j'accorde une attention certaine à ce que je considère comme la dynamique interne du mouvement. Plus particulièrement au rapport entre les membres appelés à porter au plus haut niveau décisionnel la vision du parti et le parti per se comme institution.
L’hyper mobilité des leaders pour certains ou l'attitude caméléon des aspirants pour d'autres demeure un critère suffisant pour identifier le déséquilibre entre un chef qui se place avec ses intérêts, au dessus du parti et de son projet politique qui dans la pratique a la vocation de changer la société pour apporter des réponses aux grands défis que confrontent ses membres.
La facilité avec laquelle un cadre de parti épouse, poussé dans le sens de ses intérêts personnels, la cause et l'idéologie du camp adverse est une preuve de la faiblesse de l’institution politique exploitée par des mercenaires se vendant aux plus offrants.
Nos sphères décisionnelles regorgent d'exemples de ces individus qui, au lieu de contribuer à une élévation du débat politique et à l'atteinte des objectifs y attenant, participent comme des fossoyeurs aguerris à y jeter l'opprobre et le discrédit.
Comme illustration et afin de leur garder leur place entre les pages sombres et peu glorieuses de notre histoire nous citons le cas de Monsieur Hériveaux qui est passé de sénateur influent du courant lavalas à suppôt et supporteur inconditionnel du PHTK et idolâtre du Martellisme primaire.
Cet « illustrement » sombre personnage de la vie politique haïtienne ne détient certes pas le monopole de l'instabilité, ni à lui seul les clés de ce véhicule toujours prêt à se diriger kote dlo a koule pi fre.
Au niveau du parlement, endroit par excellence du marchandising politique, pullulent ces élus porteurs de vestes multicolores en prévision de cette pratique de changer de couleur au gré des jeux et des enjeux.
On passe sans état d'âme du mouvement Unité au parti PHTK que l'on abandonne pour rejoindre la plateforme Vérité que l'on délaisse ensuite pour rejoindre les listes de Lapeh.
Cette trajectoire symbolise le parcours d'un individu dont le seul intérêt est celui de rester en poste comme député ou sénateur pour jouir des prérogatives matérielles qui font de cette fonction le premier objectif individuel national.
Ce serait une injustice flagrante et délibérée que de voir le problème comme une monnaie à face unique. C'est-à-dire de jeter la pierre à ces politiciens hyperactifs dans leurs capacités de mobilité sans inclure dans l'approche du problème les partis qui les regardent partir ou ceux qui accueillent les déserteurs qui rejoignent les rangs pour déserter à la prochaine occasion.
En effet l'individu se sentant, pour des raisons très claires, supérieur - donc placé au-dessus du mouvement politique - joue sa carte en se faisant voir comme un atout gagnant et surtout une bonne affaire pour le parti politique.
Le politicien possède tout ce dont un candidat a besoin pour gagner des élections : des hommes de main pour intimider jusqu'à l'agression physique les adversaires, une certaine popularité dans la circonscription convoitée soit par sa profession, soit par un clientélisme soutenu à base de petits projets insignifiants, des ressources financières pour acheter des votes et sans doute pour rendre heureux les cadres du parti.
Ces atouts suffisent largement pour assurer la victoire aux joutes quand ils sont favorisés par le désintéressement endémique de la société à la chose politique en général et aux élections en particulier.
Un exemple pour corroborer cette attitude qui constitue un vrai fléau, un vrai acte antipatriotique délétère au développement national c'est de se dire que celui qui a été sacré Maire de la capitale haïtienne, une mégapole surpeuplée de plus de 2.000.000 d'habitants dont la moitié serait en âge de voter (?), n'a bénéficié que du vote d'un peu plus de 20.000 personnes.
Ces mouvements d'un élu d'un parti à l'autre provoque un déplacement massif comme par effet de chute de dominos vers d'autres partis disposés à accepter pour les mêmes raisons les militants aspirants déçus.
Aujourd'hui une chose est nette et claire comme le nez au milieu de la figure, les partis politiques ne servent à rien !
On peut toujours épiloguer comme ceux qui pensent trouver, à travers des discussions interminables et des arguments peu solides, la quadrature du cercle, pour déterminer si l'arrêt des financements systématiques de tous les partis politiques ne contribuera pas à les rendre encore plus inutiles.
Cependant il est clair que la conceptualisation du parti politique chez nous n'augure pas une participation au développement du pays même avec ce système de financement sans condition.
Les conjonctures mondiales financières et économiques invitent plutôt à l'austérité et la diminution des dépenses publiques. Et ce, au niveau des nations beaucoup mieux loties que nous.
Notre actualité particulière greffant de surcroît notre crise électorale mettant en lumière notre perte honteuse de souveraineté politique, exige des sacrifices à tous les patriotes pour autofinancer les élections.
Puisqu'il faut réduire les coûts, l'arrêt jusqu'à nouvel ordre, du financement des partis politiques reste et demeure une mesure cohérente et logique.
Aux prochaines autorités de revoir le problème et surtout aux législateurs de chez nous qui s'adonnent à toute sorte de taches sauf à celle qui est inhérente et définit leurs fonctions c'est-à-dire de légiférer, de reconstituer un cadre légal conforme à nos moyens pour le financement des partis politiques.
Docteur Jonas Jolivert
03/08/2016
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mercredi 3 août 2016
PARTIS ET ORGANISATIONS POLITIQUES A LA SAUCE HAITIENNE
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