Le 7 avril dernier
je suis resté à l’affut, en quête d’information concernant les activités commémoratives du 212 ème
anniversaire de la mort dans le Jura du gouverneur, général TOUSSAINT
LOUVERTURE.
Les échos dans la presse
traditionnelle étaient sombres pour ne pas dire inexistants.
Je me suis
normalement dirigé vers quelques contacts jeunes des réseaux sociaux. Là non
plus je n’ai décelé aucun enthousiasme.
Ces jeunes, sortant
d’une sorte de léthargie profonde ou encore plongés dans le sommeil prolongé de
la désorientation identitaire, ne semblaient surtout pas concerné par une
question traitant de l’anniversaire de la mort de TOUSSAINT LOUVERTURE.
A l’heure où
j’écris ces lignes, je suis incapable de dire si cette commémoration a eu lieu
ou pas. La presse faisait, en cette occasion, le débat sur l’intention du
premier ministre de modifier les paroles de l’hymne national pour le
« féminiser ».
Ce n’est certes pas
la première fois que la société haïtienne affiche cette antipathie autour de la
mémoire de celui qui est et restera le plus grand des Noirs.
Il y a quelques
années de cela, un célèbre journaliste haïtien avait écrit un papier pour
mettre en exergue et fustiger l’amnésie collective que souffraient les haïtiens
dans ce sens et face à cette réalité historique.
L’article avait
attiré mon attention. J’en fis part à une grande amie qui rechercha et me
trouva les coordonnées du travailleur de la presse qui avait poussé, ce qui
pour moi représentait, un cri du cœur sensé, sincère, légitime et réel.
Je le contactai en
le félicitant sur le contenu de son papier et l’invitai à travailler pour que
cela ne se renouvelle plus.
Ma proposition ne
sembla pas trop l’intéresser. Il était plutôt dans la dénonciation. J’ai compris
que ce sujet, il le gardait en silence pour le ressortir en cas de besoin.
L’effort pour changer et corriger la situation devait venir des autres !
Nos échanges
téléphoniques devinrent carrément agaçants.
A l’époque, motivé par
ce besoin, dans mon esprit j’avais conçu ‘idée d’un espace pour parler de
TOUSSAINT LOUVERTURE. J’avais imaginé comme il en existe des mouvements de ce
genre autour de personnalités historiques nationales, « l’Institut
Toussaint Louverture ».
Pendant quelques
mois j’ai garni les rayons de ma bibliothèque de la grande majorité des œuvres
inspirées par le précurseur. J’ai créé un site internet comme organe de
diffusion (http://www.institut-toussaint-louverture.org)
Bousculé par le
travail et une actualité haïtienne toujours
brûlante, je n’ai pas su gérer comme il faut mon idée.
Cependant, un
travail sur la descendance de TOUSSAINT LOUVERTURE retranscrit sur le site m’a
mis en contact avec un historien français très connu qui a écrit sans doute les
livres les plus objectifs sur le personnage.
Il nota de son côté
le fondement plutôt intéressant de ma démarche. Comme lui, d’autres amis
comprirent mon intérêt pour faire « revivre » TOUSSAINT
LOUVERTURE surtout dans la conscience collective haïtienne dans un
contexte ou tout le monde est unanime à accepter qu’il nous manque cruellement
des modèles.
C’est ainsi que mon
nom arriva à La Rochelle en France, port négrier, ville enrichie par la traite
et le commerce basée sur l’exploitation des esclaves.
Cette ville
travaillait en coopération avec la ville de Port-au-Prince. Dans le domaine de
l’éducation semble-t-il. De Mairie à Mairie.
Après les
résolutions politiques du pouvoir exécutif se concrétisant dans le remplacement
des maires en attendant des élections qui n’ont jamais été réalisées, la Mairie
de La Rochelle orienta sa collaboration avec une fondation créée par une
ancienne cadre de la Marie de Port-au-Prince.
La Mairie de cette
ville française va inaugurer le 20 mai prochain une statue de TOUSSAINT
LOUVERTURE comme concrétisation d’un projet conçu il y a quelques mois déjà.
J’avais été dès le
début invité à être l’un des conférenciers qui prendraient la parole en cette
occasion.
Le projet est
ambitieux et assez honorable. L’objet
est l’œuvre d’un célèbre sculpteur sénégalais, OUSMANE SOW. La statue sera
placée à l’entrée de l’hôtel Fleuriot…
J’attendais depuis
quelques jours les détails autour de cette activité pour prendre les
dispositions concernant mon travail car je ne pouvais pas rater une telle
occasion, si je veux rester cohérent avec mon idée de fédérer des gens et des
idées autour du général TOUSSAINT LOUVERTURE.
Le coup de fil
attendu arriva hier après-midi.
Un responsable
m’appela pour m’informer du déroulement des évènements :
-
le 13
mai, lors de son allocution officielle en Haïti, le Président François Hollande
annoncera l’inauguration de la statue de TOUSSAINT LOUVERTURE à La Rochelle
-
le 18
Mai, grande conférence dans un amphithéâtre universitaire avec trois autres
conférenciers : (1) un célèbre historien et auteur de plusieurs ouvrages
sur TOUSSAINT LOUVERTURE, (2) un historien béninois mandaté par le président de
sa nation pour travailler sur « la route de l’esclavage… », (3) un
historien haïtien, (4) ancien ministre de l’éducation nationale, (4) et moi…
-
le 19 mai, une séance de travail entre des
professeurs d’histoires français et haïtiens pour l’élaboration de FICHES qui
seront utilisées pour ENSEIGNER
TOUSSAINT LOUVERTURE DANS LES ECOLES EN FRANCE ET EN HAITI !!!
-
Le 20
mai, cérémonie officielle et inauguration de la statue.
Le premier souci
que me manifesta l’organisateur fut autour de la façon de me présenter dans un
programme aussi alléchant. Mon titre de Docteur en Médecine voire,
Neurochirurgien, ne faisait pas bon ménage sur liste ou se trouvent d’éminents
historiens pour parler de TOUSSAINT LOUVERTURE. On arriva à se mettre d’accord
sur un titre qui ferait intervenir mon engagement au sein de la diaspora,
initiateur de l’Institut (mort-né) Toussaint Louverture etc…
J’ai fait
comprendre à mon interlocuteur que le terrain du combat que je pense mener en
faveur de TOUSSAINT LOUVERTURE se trouve surtout en Haïti. Et que ma présence à
La Rochelle aura un sens très particulier et que je pouvais me passer de faire
partie du panel des conférenciers.
Je suis resté dans
une continuité argumentaire pour lui expliquer pourquoi je n’avais pas signé
une pétition qui circulait sur le net pour exiger que la statue soit place sur
le quai, face à la mer au lieu de la rentrée de la cour d’un hôtel particulier
converti en musée.
Un peu plus loin dans la conversation, il revint sur le programme du 19 mai en me
ressassant le fait que les fiches élaborées en France sur TOUSSAINT LOUVERTURE
étaient destinées à être utilisées en Haïti pour dire aux professeurs haïtiens
comment enseigner TOUSSAINT LOUVERTURE.
Il était très loin
de se douter que ce qu’il me présentait avec un ton de satisfaction dans sa
voix comme un exploit était ressenti dans mes entrailles comme le plus ignoble
des affronts.
Je n’hésitai pas à
lui demander pourquoi il revenait aux français de dire aux haïtiens comment il
faut présenter notre TOUSSAINT LOUVERTURE aux haïtiens ?
Le hasard fit qu’en
ce précis moment, cet homme animé de la meilleure des volontés dut interrompre
la conversation pour recevoir des visites inattendues. Il me promit de
m’appeler cet après-midi (dimanche 3 mai).
Ce qu’il n’a pas
compris, c’est qu’il venait d’ajouter encore un étage à l’immeuble de
soucis qui m’habite avec tout ce que j’entends
et je vois à propos d’Haïti.
Je me suis dit
encore cette PUTAIN DE DEPENDANCE !
Le monsieur, par le
fait de faire dons de quelques cahiers et de quelques crayons, il se croit
autorisé à s’arroger le droit de s’immiscer impunément dans les structures
profondes de notre société pour les modifier et les adultérer.
Qui pis est, à
cause de ces cahiers et de ses crayons, nos professeurs attirés par cette
tendance « blancophile » accepteront comme paroles d’évangiles que
nos jeunes s’imprègnent de la vision étrangère de ce personnage illustre de
notre histoire, une histoire écrite biaisée par leurs intérêts.
Je suis rentré chez
moi, mes enfants ont pensé que j’avais eu un accident de voiture, en observant
mon faciès démonté et déformé.
A quoi ça sert de
leur dire que :
-
les
étrangers nous envoient du riz,
-
les
étrangers financent la farce qu’ils organisent eux-mêmes pour choisir les
dirigeants qui soient capables d’allégeance avec eux
-
les
étrangers s’occupent de notre santé à travers « zanmi lasante, Partner in Health ou Medishare »
-
les
étrangers ont la haute main dans le pays
à travers une myriade d’organisations non gouvernementales
-
Les
étrangers sont protégés par une force d’occupation, le bras armé de cette
tutelle officieuse
-
Tandis
que bon nombre d’entre nous, courrons après un rôle dans cette vaste comédie
Ils me diraient
sans doute : et alors ?
Et alors !
C’est justement ce que je me dis …
Dr Jonas JOLIVERT
3 Mai 2015
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