Originaire d’Haïti, un père de famille d’Epinal tente de faire venir auprès de lui ses deux filles restées dans son pays d’origine. Mais il se heurte à un incompréhensible blocage de la part de l’ambassade de France à Port-au-Prince. «J e suis français. Dire le contraire, c’est un manque de respect à mon égard », s’offusque Guyto Joseph. D’une courtoisie sans faille et d’un tempérament affable, cet homme de 39 ans a le sourire qui se crispe lorsque l’on remet en cause sa nationalité.
Car même s’il est né à Haïti, il est français. Et plutôt deux fois qu’une. Juridiquement d’une part. Parce que sa mère est française. Moralement ensuite. Parce que la France est le pays dans lequel il a choisi d’aller vivre, lorsqu’il a quitté son île natale il y a 20 ans.
Il a d’abord rallié la Guadeloupe où sa mère était vendeuse sur les marchés. Puis, après un passage par les Etats-Unis, le temps d’une formation, il a débarqué en métropole. A Epinal. C’était en 1998. Quatorze ans plus tard, il est toujours dans la Cité des Images. Il est parfaitement inséré. Il a fondé un foyer. Il est marié et a deux enfants. Il a aussi un boulot stable. Il s’occupe de l’entretien et de la maintenance au collège Jules-Ferry.
Bref, c’est un citoyen français ordinaire. Et, comme tout citoyen français, ses enfants ont la même nationalité que lui. Cela concerne ceux qu’il a eus avec son épouse. Une adolescente de 14 ans et un petit garçon de 4 ans. Mais aussi les deux filles issues d’une précédente union, lorsqu’il était jeune, avec une Haïtienne.
L’une, Fernia, a 19 ans. L’autre, Johana, en a 18. Guyto Joseph a toujours gardé des contacts avec elles. Il est allé les voir, aussi souvent que possible, à Haïti et il leur a envoyé de l’argent dès qu’il a commencé à travailler. « J’ai toujours fait de mon mieux pour subvenir à leurs besoins », insiste-t-il.
Depuis plusieurs années, le Spinalien d’adoption essaie également de les faire venir dans l’Hexagone. En vain. Il se heurte à une situation kafkaïenne. Au départ, en 2007, il s’agissait juste de leur organiser un séjour de vacances pour qu’elles découvrent le pays de leur père. « J’ai fait plein de démarches auprès de l’ambassade de France à Haïti mais cela n’a pas marché. Je demandais un visa de tourisme mais on me l’a refusé de façon logique. Car mes filles ont en fait la double nationalité, haïtienne et française. Elles n’ont donc pas besoin d’un visa pour entrer en France. Il leur faut juste un passeport français pour pouvoir passer la douane haïtienne », explique Guyto Joseph.
En 2009, il revient à la charge. Pour que ses deux filles puissent venir suivre des études en France. Il demande donc le fameux passeport français auquel elles ont en principe droit. Il réunit tout un tas de documents permettant de l’obtenir. Il a notamment deux certificats de nationalité émanant du ministère de la Justice qui établissent qu’elles sont bel et bien françaises.
Au milieu du chaos haïtien
On lui demande d’amener tous ces documents en main propre à l’ambassade de France à Port-au-Prince. Ce qu’il fait. Il s’envole pour Haïti en juin 2010. Soit six mois après le tremblement de terre qui a dévasté l’île. A sa sortie de l’avion, il ne reconnaît plus son pays d’origine. « Il n’y avait plus rien debout. Surtout à Port-au-Prince. Surtout dans le quartier où mes deux filles habitent avec leur mère. Elles vivaient toutes les trois dans une tente, devant ce qui reste de leur maison ».
Guyto Joseph pense que l’obtention d’un passeport n’est qu’une formalité et qu’il va repartir avec ses enfants. Erreur. L’ambassade bloque. Il y a soi-disant des vérifications à faire. Au bout de 15 jours, il doit embarquer seul pour Paris. Il est obligé de laisser ses deux filles derrière lui, dans l’indescriptible chaos où a basculé Haïti après le séisme. « Je n’ai pas pu les regarder en face en partant. Il n’y a pas de mot pour décrire la souffrance que j’ai ressenti », témoigne le père de famille.
Depuis, il bombarde de lettres et de mails l’ambassade de France à Port-au-Prince. Mais rien ne bouge. « Il y a eu beaucoup de fraude par le passé, à Haïti, avec les actes d’état civiles, en particulier avec les reconnaissances d’enfants. Des vérifications sont donc indispensables. D’autant que les différents documents fournis par monsieur Joseph présentent des incohérences sur lesquelles il convient de lever le doute », justifie un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères qui a contacté l’ambassade. Sans précision, toutefois sur les « incohérences » ni sur le type de «vérifications» à effectuer. Qui plus est, cela n’explique pas du tout pourquoi la procédure traîne depuis… 2 ans.
« Tout est racket là-bas »
De quoi faire exploser la patience et les nerfs du Spinalien. D’autant qu’il affirme que ces deux filles « courent un grand danger » actuellement en Haïti. Par sa faute. Indirectement : « Là-bas, certains pensent que, comme j’habite en France, j’ai beaucoup d’argent. Mes filles sont donc victimes de jalousie et de haine. On les menace et on essaye de leur faire du mal », raconte Guyto Joseph qui évoque des agressions basées sur le vaudou, un culte qui mêle magie noire et religion. Vu d’Occident, cela peut prêter à sourire. Mais à Haïti, c’est quelque chose de très sérieux, voire de carrément dangereux.
Guyto Joseph n’est toutefois pas prêt à tout pour sortir ces filles de là : « Tout est racket là-bas. Y compris à l’ambassade de France. Si j’avais 5 000 ou 6 000 €, je suis certain que les passeports seraient vite faits. Mais je ne veux pas de ça. J’ai des droits et mes enfants aussi. Je veux les faire valoir ». Le père de famille a donc fini, il y a quelques semaines, par frapper à la porte du bureau d’un avocat, en l’occurrence Me David Collot.
Pour le juriste spinalien, il n’y a pas l’ombre d’une ambiguïté : rien ne peut empêcher les filles de son client de rallier l’Hexagone. Et il est prêt à lancer des procédures devant la justice pour faire respecter un principe simple : « Les jeunes filles sont françaises et on ne peut pas interdire à des Françaises de venir en France ». Cela paraît évident. Et pourtant…
Christophe GOBIN
http://www.vosgesmatin.fr/actualite/2012/04/06/mes-filles-courent-un-grand-danger
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
vendredi 6 avril 2012
L’appel au secours d’un franco-haïtien « Mes filles courent un grand danger »
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