Haïti: Le député de Delmas -Tabarre, Arnel Bélizaire, est dans le collimateur de la justice. Après une altercation au palais national avec le président de la République, Michel Joseph Martelly, qui a dénoncé le fait que beaucoup de repris de justice se seraient refugiés au Parlement, le commissaire du gouvernement a.i., Me Félix Léger a écrit au président de la Chambre des députés pour lui demander de mettre le parlementaire à la disposition des autorités judiciaires. Voici la teneur de la lettre du parquet :
Monsieur Sorel Jacinthe
Président de la Chambre des Députés
En ses Bureaux
Honorable Président,
Le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince vous présente ses félicitations et vous informe que Monsieur Arnel Béliziare, actuel député de la circonscription de Delmas Tabarre, membre de la 49e Législature, fait l'objet de poursuites judiciaires pour les infractions de meurtre et détention illégale d'arme automatique, non couvertes par la prescription.
Il saisit l'occasion pour vous faire remarquer que le dossier dont il s'agit est en cours devant les autorités répressives de la juridiction de Port-au-Prince, en dépit de l'évasion de l'inculpé le 19 février 2005, écroué le 14 octobre 2004 au numéro PN04-10-100 au Pénitencier national.
Le commissaire du gouvernement est déterminé à se joindre à tous les pouvoirs publics pour lutter contre l'impunité, est-ce pourquoi il vous enjoindrait de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que Monsieur Arnel Bélizaire puisse être mis à la disposition des autorités judiciaires. Le but ultime est de prévenir tout opprobre à l'institution parlementaire.
Le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince vous renouvelle, Honorable Président, ses salutations patriotiques.
cc : Me Josué PIERRE-LOUIS, Ministre de la Justice et de la Sécurité publique
Félix Léger, Mag.
Commissaire du gouvernement a.i.
Cette correspondance du commissaire du gouvernement ne cesse d'alimenter les débats sur la procédure relative à la levée de l'immunité parlementaire. Pour certains, le commissaire du gouvernement n'a pas le droit de s'adresser directement au président de la Chambre des députés, M. Sorel Jacinthe; il devrait passer par le canal de son supérieur hiérarchique, le ministre de tutelle pour faire parvenir la lettre à l'Assemblée des députés via son président ; pour d'autres, la demande de levée d'immunité parlementaire n'est soumise à aucune forme sacramentelle, aucune procédure spécifique. Tout cela, pour une question d'évasion qui est aujourd'hui au centre des débats.
Mais que dit la loi en matière d'évasion ? Elle prévoit trois types d'évasion :
1) L'évasion par simple négligence des gardiens de prison. Dans ce cas, ce sont les gardiens de prison qui sont sanctionnés sévèrement par la loi. Dans cette situation, l'évadé ne commet aucune infraction,
2) L'évasion par bris de prison. C'est le cas où l'évadé a exercé des pressions sur les gardiens des prisons, brisé des cadenas, portes ou murs de la prison ;
3) L'évasion par violence qui se produit quand l'évadé a exercé des menaces sur les gardiens ou tout autre type de violence. Dans les deux derniers cas, l'évasion est considérée pour l'évadé comme une infraction et il sera, pour ce seul point, puni de six mois à un an d'emprisonnement. C'est le seul cas ou le législateur haïtien prévoit le cumul de peines, a indiqué Me Samuel Madistin. Continuer >
L'évadé condamné pour le fait d'évasion subira cette peine immédiatement après l'expiration de celle qu'il aura encourue pour le crime ou le délit à raison duquel il était détenu, ou immédiatement après le jugement qui l'aura acquitté ou renvoyé absous dudit crime ou délit (voir art 203 du C.P. haïtien), a conclu Me Madistin.
Dans le cas d'un individu condamné, évadé et repris, c'est au tribunal qui avait prononcé sa condamnation de reconnaître son identité et lui appliquer la peine attachée par la loi à son infraction, prescrit l'article 407 du CIC. La loi ne détermine pas de procédure particulière pour l'évadé se trouvant en situation de prison préventive au moment de son évasion.
Le délit d'évasion comme tout délit correctionnel se prescrit par trois ans, à partir du dernier acte d'instruction pour poursuite. Il revient au parquet de Port-au-Prince d'établir à partir des actes d'instruction ou de poursuite réalisés que le délit d'évasion reproché à Arnel Bélizaire n'est pas encore prescrit.
Selon des informations circulant dans les couloirs du palais de Justice, la situation du député Bélizaire se présente comme suit : Arnel Bélizaire, arrêté le 14 septembre 1995 sur mandat d'un juge d'instruction, # d'écrou DM-385 - pour escroquerie et usage de faux. Il est libéré au cabinet d'instruction le 18 septembre 1995 après 4 jours de prison. Le journal ignore si l'ordonnance de clôture par rapport à ce dossier aura été rendue.
Le 14 octobre 2004, il a été de nouveau arrêté, -# d'écrou PN-040100 - pour les infractions de meurtre et détention illégale d'arme à feu automatique. Le dossier a été confié au juge d'instruction, Me Eddy Darang, aujourd'hui juge à la cour d'appel de Port-au-Prince. Personne ne sait ce qui est advenu de ce dossier.
Arnel Bélizaire s'est évadé le 19 février 2005. Arrêté le 3 juillet 2005, -# d'écrou PN- 0507020 - pour les infractions de meurtre, détention illégale d'arme à feu automatique et de vol de véhicule.
Le dossier a été confié au juge instructeur Napela Saintil. Présenté par devant la juridiction de jugement le 23 juin 2006, pour détention illégale d'arme à feu automatique, il est jugé, condamné et libéré sous le bénéfice de la loi Lespinasse, 18 mois de prison préventive, quantum de sa condamnation selon les dires de son avocat, Me Camille Leblanc.
L'actuelle doyenne du tribunal de première instance de Port-au-Prince, la juge Jocelyne Cazimir, a affirmé avoir rendu une décision condamnant Arnel Bélizaire à 18 mois de prison.
Lorsque Arnel Bélizaire a été jugé, condamné et libéré, Me Fréderic Lény était commissaire du gouvernement. Le journal l'avait approché à ce sujet, il a avoué que c'était sous son administration que le prévenu s'était présenté au tribunal pour être jugé. Cependant, il ne se rappelle pas les détails. Un juge instructeur du tribunal de première instance de Port-au-Prince, à l'époque substitut commissaire du gouvernement, a affirmé que Arnel Bélizaire a été jugé et libéré. Mais personne ne se rappelle s'il avait été arrêté après sa libération en 2006.
Tout compte fait, le parquet de Port-au-Prince devra établir, sans l'ombre d'aucun doute - sous peine d'être considéré comme outil de persécution politique - que Arnel Bélizaire :
1- n'a pas purgé entièrement sa peine ;
2- fait encore l'objet de poursuite pour des faits différents de ceux pour lesquels il a été jugé, condamné et libéré ;
3- que l'infraction d'évasion à lui reprochée n'est pas éteinte par la prescription.
Jean-Robert Fleury
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=98690&PubDate=2011-10-25
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mercredi 26 octobre 2011
Arnel Bélizaire: en a-t-il fini avec la justice?
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