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jeudi 10 juin 2010

La parole donnée


Bernard Demers
La Voix de l'Est
Samedi je me suis évadé de Port-au-Prince pour passer une journée à la mer, loin du bruit et de la poussière de la ville, dans un lieu où on peut marcher sans courir le risque d'une agression. J'avais téléphoné la veille pour réserver une chambre et négocier son prix. Arrivé sur place, la réceptionniste respectait le prix, mais pas la chambre! Bref, j'ai payé une chambre ordinaire, crottes de souris comprises, au prix d'une chambre de luxe avec accès direct à la mer.
Lundi, je devais dire quelques mots lors d'une cérémonie inaugurale avec le ministre de l'Intérieur, la directrice de la protection civile, le vice-recteur de l'Université d'État, bref plein de gens sérieux. Ma secrétaire avait réservé pour moi une chambre à proximité, car la cérémonie allait se terminer après le coucher du soleil et que les consignes de sécurité font que nous ne devons pas rouler hors de la ville la nuit. À l'hôtel, surprise, on respectait la chambre, mais pas le prix! On me demandait environ 20% de plus (20% de plus de votre argent; je dirige un projet financé par la coopération canadienne).

Depuis le séisme, beaucoup de fournisseurs ici augmentent leur profit. Les hôteliers suivent le mouvement, les chambres étant plus rares, car plusieurs hôtels se sont effondrés.
Et ces fournisseurs, pour avoir votre clientèle, n'hésitent pas à vous mentir. Une fois que vous êtes coincés, que vous ne pouvez plus changer d'avis, ils violent leur parole et vous demandent plus ou vous donnent moins.
Le phénomène est largement répandu aujourd'hui en Haïti. C'est sans doute ce qui explique que personne ne semble plus faire confiance à personne. À force de mensonges, de paroles et d'engagements non respectés, on a rompu le lien de confiance. Ici, on n'achète plus une maison; même signée devant un notaire la transaction peut être fausse et vous achetez en fait une maison qui n'appartient pas au vendeur. Alors, on n'investit plus, on ne croit plus, on ne s'associe plus.
Toute société se base sur les relations entre les groupes et entre les personnes. Et toute relation se fonde sur la confiance. Quand celle-ci est ébranlée, elle l'est pour toujours. Quoi que l'on fasse, si on a triché une fois, l'autre se méfiera au moins un peu à l'avenir.
Il nous arrive à tous de tricher. Mais il est essentiel que nous tenions parole. Quand on prend un engagement même celui d'écrire un texte pour le lendemain! on le respecte. Que ce soit comme parent, comme vendeur, comme gestionnaire, comme professionnel, le bon état de notre société dépend de chacun de nous et de notre volonté de respecter nos engagements. Quand un fraudeur comme Vincent Lacroix vole des épargnants, il ne fait pas que les voler; il détruit leur confiance et celle de milliers d'autres personnes qui planifient leur retraite. Il faut donc, pour compenser les ravages commis par un seul fraudeur, des milliers de personnes honnêtes. C'est vous, dans vos actions de tous les jours, qui faites que notre société existe, se tient et prospère. C'est la somme de vos consciences individuelles qui font que les titres de propriété, l'argent, le travail, la famille gardent leur sens et leur valeur. Sans vos consciences, sans votre respect de la parole donnée, rien n'est possible pour les humains.
Surtout, il faut que ceux et celles qui nous représentent respectent leur parole, suivent leur engagement. Nous avons tous le droit à l'erreur, nous avons tous des comportements privés qui peuvent être ridicules ou discutables. Mais nos particularités et nos faiblesses ne doivent pas porter sur la parole donnée. Car alors il ne s'agit plus seulement de mensonge ou de tricherie, il s'agit de la rupture du lien fondamental qui nous unit les uns aux autres: la confiance.
L'auteur, psychologue et ex-directeur général du cégep de Granby-Haute-Yamaska, a été candidat pour le PLC dans Shefford aux élections de 2008
http://www.cyberpresse.ca/la-voix-de-lest/201006/10/01-4288640-la-parole-donnee.php

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