Terre de pauvreté, de misère et de déliquescence politique : c'est ainsi qu'Haïti est souvent dépeinte, notamment depuis ce 12 janvier 2010, jour du séisme qui frappa avec la violence que l'on sait. Mais cette terre ne se réduit pas aux fléaux qui l'accablent.
Alors que les journalistes relataient l'événement, très vite les écrivains haïtiens se sont mobilisés pour témoigner du drame, de la solidarité à l'oeuvre, et surtout pour donner une autre image de ce pays structuré par une longue tradition artistique. Comme l'affirmait Dany Laferrière dans Le Monde du 17 janvier : "C'est la culture qui nous sauvera."
Après l'urgence de dire et de combattre les préjugés, vient celle de reconstruire, par les mots et les livres. D'où la publication de Pour Haïti (Le Serpent à plume, 176 p., 15 euros) et Haïti parmi les vivants (Actes Sud-Le Point, 200 p., 15 euros, en librairie le 14 mai), deux ouvrages caritatifs et collectifs, conçus pour garder trace de ce moment unique où les voix des écrivains se sont jointes à celles des journalistes. Des écrivains que l'on retrouvera aussi dans Haïti, une traversée littéraire, de Louis-Philippe Dalembert et Lyonel Trouillot (Presses nationales d'Haïti-CulturesFrance-Philippe Rey, 176 p., 19 euros).
Pour retracer plus de deux cents ans d'une histoire littéraire féconde et, à travers elle, "donner à entendre la complexité d'une terre, d'une culture, d'un peuple (...)", les deux romanciers haïtiens ont choisi la forme du dialogue entre un "candide" et un écrivain. Avec beaucoup d'humour, ils mettent en lumière l'histoire de ce pays où "la négritude se mit debout pour la première fois" (Aimé Césaire).
Revenant sur les temps forts de cette histoire, ils en éclairent les grandes étapes, de l'influence française des premiers temps de l'indépendance (1804) au mouvement d'émancipation commencé avec l'indigénisme. Ils analysent la place fondamentale de l'histoire dans les écrits haïtiens et étrangers (Victor Hugo, Lamartine, Alejo Carpentier, Madison Smartt Bell, etc.) et abordent la question du bilinguisme ou celle de la division entre écrivains "du dedans" et "du dehors".
Les auteurs évoquent enfin les différents courants littéraires (le réalisme merveilleux ou le spiralisme) en insistant sur l'influence déterminante de la poésie et sur la qualité de certaines oeuvres phares, telles que Ainsi parla l'Oncle, de Jean Price-Mars, Gouverneurs de la rosée, de Jacques Roumain, ou Compère Général Soleil, de Jacques Stephen Alexis.
Utile pour appréhender cette nation d'écrivains et de poètes, ce texte - accompagné d'une anthologie de textes et d'un CD avec des témoignages, notamment de René Depestre ou d'Emile Ollivier - l'est aussi par son aspect financier : le produit des ventes doit être reversé à des ONG pour la reconstruction de la Bibliothèque nationale d'Haïti.
Dans Haïti parmi les vivants, Lyonel Trouillot écrit : "Que peut faire la littérature devant les grands malheurs ? Rien. Mais surtout pas se taire. Avec nos mots, avec nos morts, nous qui sommes revenus du déluge de pierres, écrivons pour trouver une place dans le monde des vivants."
Christine Rousseau
http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/29/reconstruire-haiti-avec-des-mots_1344326_3260.html
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
dimanche 2 mai 2010
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