Google

dimanche 23 septembre 2007

Haïti/Rép. Dominicaine : L’exposition « Esclaves au Paradis », saluée à Montréal

Samedi 22 septembre 2007
P-au-P, 22 sept. 07 [AlterPresse] --- Plusieurs personnalités du monde culturel et artistique saluent le succès de l’exposition internationale « Esclaves au Paradis », présentée à Montréal, dans le cadre de la troisième édition du Festival international du film haïtien (Fifhm).
Réalisée par la photographe franco-péruvienne Céline Anaya Gauthier, cette exposition traite de l’esclavage contemporain des Haïtiens dans les plantations de canne à sucre en République Dominicaine.
Parmi les réactions parvenues à AlterPresse, il y a celles du père Pedro Ruquoy, qui a longtemps accompagné les braceros haitiens, de la chroniqueuse culturelle Maguy Metellus, de la directrice de la galerie Mosaikart (qui accueille l’exposition), Myrtelle Chery et de la sociologue Danielle Magloire.
Pedro Ruquoy (Texte qui a été lu avec beaucoup d’émotions lors de l’inauguration de l’exposition le 18 septembre) : « Regardez bien ces photos ! Regardez ces yeux : ils vous regardent, ils vous invitent à pénétrer dans le mystère de la souffrance. Regardez ces bouches : elles crient. Elles gueulent « C`est assez ! C`est trop ! » Regardez ces mains, ces bras, ces corps. Ils sont l`image de la misère humaine. Ces photos d`enfants, de femmes et d`hommes parlent et nous disent ce que des monstres sont capables de faire avec les pauvres êtres humains pour produire toujours plus d`argent.
Quand je regarde plusieurs de ces photos, je revis des moments intenses que j`ai eu la joie de connaître dans les bateys du sud-ouest de la Republique Dominicaine. Par exemple, cette photo de la dépouille de Saintilien sur son lit de mort chez moi dans le Batey 5. Je revis le moment ou il est arrive chez moi, maigre, sans force, désespéré. Je revis le moment ou j’ai du lui annoncer qu`il était atteint du SIDA. Et puis le long cheminement que nous avons fait ensemble jusqu’à son départ pour le pays sans chapeau. Quelques jours avant sa mort, les quelques 15 orphelins haïtiens qui vivaient chez mi on entouré Saint Hilien et puis au milieu des chants, je lui ai impose les mains pour lui donner la force de continuer son voyage. Un moment d`une dignité intense. Quelques heures après sa mort, une cinquantaine de coupeurs de canne a sucre sont venus rendre un dernier hommage a ce chauffeur de taxi qui avait quitte son pays pour pourvoir une dette. Toute la nuit ils ont chante, toute la nuit ils ont danse. Toute la nuit ils ont prie. Au petit matin, Il fallait les voir danser avec le cercueil de leur compagnon jusque le trou creuse dans la terre…
En regardant la photo de Tina dans son cercueil, je ne peux m'empêcher de la voir marcher avec son compagnon Lafimen, un vieux coupeur de canne a sucre qui est maintenant aveugle a force de couper la canne. La seule richesse de Tina était son Dieu. Quand elle est morte, les habitants du Batey 3 on entouré son cadavre de fleurs rouges. Ils étaient convaincus que Tina n’était pas morte. Elle avait tellement de foi…
Vous avez aussi cette photo de Lider en train de montrer la moitie de sa carte de coupeur de canne a sucre. Lide est un jeune haitien de la région de Port de Paix. Il avait déjà commence les études secondaires.
Mais a cause de la misère, il avait abandonné ses études pour chercher la vie en RD. Nous étions devenus des amis. Avec lui, nous avions formé un groupe de chanteurs haïtiens. C'est eux qui interprètent la plupart des chants que vous avez sur le CD.
J’avais convaincu Lukner qu’il fallait mieux pour lui retourner dans sa terre natale. Avec un groupe d'une douzaine d’autres adolescents, il avait accepte de rentrer chez lui. Pour ne pas qu’il perde la face, je lui avais donne une belle chemise et un beau pantalon. Quand il est arrive chez lui, il n`à jamais osé raconter l’enfer qu’il avait vécu. Et ses parents ont cru que ça avait bien été en Dominicanie et il a du retourner dans l'enfer pousse par les siens.
Mais vous savez, derrière toutes ces photos, je contemple le même visage : le visage du Maitre. Celui qu'on a un jour cloué sur une croix. Oui ! Sur ces photos, je vois la croix du maitre de Nazareth. Une gigantesque croix pousse sans fin dans les bateys : la croix de l`humiliation, la croix de l’esclavage, la croix du mépris, la croix du racisme, la croix de l'oppression. J'ai eu la chance, la merveilleuse chance de vivre au pied de cette croix, de sentir le cœur du Christ palpiter dans les cœurs de ces victimes. J'ai eu la joie d'accompagner ces crucifies dans leurs souffrances, dans leurs rêves, dans leur espoir. Jamais je n ai jamais été aussi heureux qu'a leurs cotés. Ces esclaves modernes débordent d'humanité. Ils respirent de dignité. Les photos que vous avez devant vous expriment aussi magnifiquement cette dignité.
Contemplez donc ces photos. Écoutez le cri des bateys. Et Aidez-nous à faire fleurir la croix des Bateys. Aidez nous a détruire l'esclavage ! Aidez-nous à faire en sorte que le sucre n'aie plus cette saveur à sueur et à sang. »

Maguy Metellus (en compagnie d’Émile Gastongay sur la photo) : « On ne peut que saluer Céline Anaya Gauthier bien bas : pour son audace, son courage, sa détermination, sa créativité et bien sûr son talent.
Des compliments vont également à la compagnie qui a su faire un travail d’une qualité incomparable dans la reproduction des images grand format.
La galerie Mosaïk’Art mérite notre gratitude pour avoir accepté de laisser transformer son espace de la sorte - il faut aller voir pour comprendre !
Et que dire de la commissaire de l’exposition qui a su utiliser les images et les éléments sonores de façon à leur donner toute leur puissance d’évocation et a eu l’excellente idée d’utiliser le foin du Québec pour quelque peu recréer les champs de canne
Et en tant que coordonnatrice du colloque, qui a su, en situant l’événement dans la sensibilisation et non la dénonciation, dans la concertation et non l’exclusion - manifestes dans le choix des membres du panel et les invitations - permettre des échanges tout compte fait sereins et temporiser un climat qui aurait pu être explosif
Parce qu’indiscutablement l’autre grand mérite de l’événement Esclaves au paradis, est sans contredit de permettre pour la toute première fois il me semble, la rencontre des communautés haïtienne et dominicaine de Montréal autour de ce sujet ô combien sensible.
Céline Anaya Gautier pourra se dire qu’elle aura su atteindre ses objectifs de susciter prise de conscience, réflexion, débats, prises de parole. Devant impérieusement déboucher sur une prise de position et des gestes concrets.
On ne pourra donc assez remercier les organisatrices et leurs partenaires de cette heureuse initiative et leur souhaitons de pouvoir aller au bout de leur ambition, qui est d’en arriver à des propositions réalisables pour un changement réel. Pour que nous n’ayons pas, dans vingt ans, à renouveler l’expérience ».
Danielle Magloire : « Une très belle exposition… Les photos son comme des affiches gigantesques et la photographe a fait vraiment des photos magnifiques…C’est très intéressant cette conception de l’exposition où on montre d’abord, avant d’entrer dans les bateys en tant que tels, l’environnement, des plantations de cannes où on voit des individus au travail…Une photo qui m’a beaucoup frappé, c’est cet Haitien-là qui montre une moitié d’une carte d’identité qui a été déchirée, alors qu’il a les papiers de la République Dominicaine. »
Myrtelle Chery : « C’est un événement qui fait écho et qui galvanise la communauté Montréalaise autour du sort des Haïtiens vivant dans les Bateys dominicains. Plusieurs signent le livre d’or et les mots qui reviennent sont : Émouvant... L’innommable... un choc pour l’âme et les yeux... Très parlante, ces photos…pour tout dire … »
Béatrice Veaugrante, directrice d’Amnistie Canada
Amnistie Canada a profité de la tenue de l’exposition pour lancer une campagne de lettres aux autorités dominicaines pour demander leur demander de :
« cesser les expulsions collectives et veiller à ce que les droits fondamentaux de tous les travailleurs migrants soient respectés en cas d’expulsion ;
mettre fin aux politiques discriminatoires qui empêchent les Dominicains d’origine haïtienne d’obtenir la nationalité dominicaine ;
adopter une politique d’immigration qui protège les droits fondamentaux, notamment en ratifiant et en mettant en œuvre la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. » [gp apr 22/09/2007 18 :00]

Aucun commentaire: