Haïti: Les jeunes sont désemparés. Chacun d'eux veut construire son avenir, mais c'est impossible. Puisque, à force de tâtonnements, d'hésitations et d'incohérences, les responsables de la formation supérieure ont fini par ériger des barrières pour endiguer le flot de bacheliers qui, chaque année, frappent aux portes des universités. La société haïtienne piétine, en partie parce que, dans les sphères de décision, a été privilégiée la facilité. Les solutions de facilité ont vite fait de rejeter la majorité du capital humain potentiel qui ne demandait qu'à être formé. S'est-on inquiété du sort des exclus de l'université d'Etat ? Non, cette inquiétude ne s'est pas traduite dans un changement d'orientation, un changement de cap pour leur permettre d'éprouver enfin l'agréable sensation de bénéficier d'une formation supérieure. Je suis parti en quête d'une réponse, tout au moins d'une explication, à la vive inquiétude des jeunes, qui est devenue mienne tant elle m'interpelle. Et il y a vraiment de quoi partager leur appréhension. J'ai découvert que ceux des bacheliers dont les parents arrivent avec difficulté, et même à coup de contorsions, à financer leurs études, avaient fini par intégrer les nouveaux centres d'enseignement supérieur qui ont ouvert leurs portes à Port-au-Prince ces dernières années. Précisément, pour répondre à la demande de formation des jeunes. Une demande croissante d'année en année. Ces initiatives venant de particuliers sont louables. Malgré tout, nombreux sont les bacheliers qui n'ont pas la chance de fréquenter une université privée. Volontairement, je ne mentionnerai pas ceux qui ont fait le choix de se former en République voisine ; là encore, les études sont financées par leurs parents. Une charge vraiment lourde. On y reviendra. Oui, d'année en année, de jeunes bacheliers restent inoccupés, et se retrouvent dans le désoeuvrement. La raison tient, je le répète, dans l'adoption de solutions de facilité. Point nécessaire d'exposer ici le mécanisme de sélection adopté. Cependant, il a abouti effectivement à l'exclusion de milliers de jeunes.
En ce qui concerne les étudiants qui avaient trouvé une fenêtre ouverte grâce à la décision prise par des particuliers de participer à la dotation du pays en centres de formation - même si les locaux sont exigus, et que les campus demeurent une vue de l'esprit - ils ont, pendant la catastrophe, payé le prix du sang. Le gouvernement n'a pas cherché à faire le décompte des étudiants qui ont péri, pendant le séisme, dans l'effondrement des locaux abritant leurs Facultés. A quoi bon cette comptabilité macabre ? Puisque à l'intérieur, et davantage depuis la catastrophe, tout est à faire. Les priorités ne sont pas définies. Pourquoi intégrer le sort des étudiants dans la reconstruction ?
Reconstruction au nom de laquelle le gouvernement justifie son assiduité auprès de l'international, sans arriver à lui faire délier la bourse. Comme si l'international attendait le changement de leadership pour se décider à tenir ses promesses. En attendant, il ne traîne pas les pieds sur au moins un point. Heureusement. L'aide promise à nos étudiants se matérialise. Le Brésil offre son aide; pendant 18 mois, il accueillera des étudiants dans ses universités. La France accueillera un quota. Les Etats Unis d'Amérique prendront leur part du lot. Le Canada offre sa coopération. L'initiative la plus spectaculaire est à mettre à l'actif du président dominicain Leonel Fernandez qui compte financer dans le Nord d'Haïti, l'implantation d'une université dont la capacité d'accueil sera de dix mille étudiants. Si le projet devait aboutir, à coup sûr la nécessité pour nos jeunes de traverser la frontière aux fins d'études ne se poserait plus. Mais ce qui nous fait sourciller est que la perche a été tendue par nos voisins dominicains. Comme si nos dirigeants avaient été frappés de cécité et de surdité, pour être restés inactifs pendant trop longtemps pour améliorer l'offre spatiale afin d'absorber la demande de plus en plus croissante en formation de nos jeunes. Pour nous qui traînons aux pieds le boulet du sous-développement et n'arrivons pas à trouver nos marques en vue du décollage, l'initiative dominicaine a toutefois surpris. Il n'y a pas de décollage économique sans un capital humain en quantité et naturellement bien formé. La catastrophe a fait que la République dominicaine vole maintenant à notre secours pour suppléer à la défaillance des dirigeants haïtiens vis-à-vis de la jeunesse. Se satisfaisant de l'existant précaire, ils ont été incapables d'aller à la rencontre des préoccupations légitimes des jeunes, la principale étant précisément la construction de l'avenir au-travers de leur absorption dans les centres de formation en enseignement technique et supérieur.
Comment comprendre que, même dans la lointaine Afrique, plus précisément au Sénégal, les jeunes sont prêts à s'y installer pour poursuivre des études ? La vérité tient en ce que, trop longtemps délaissés, ils saisissent désormais la première opportunité. Si je vous disais que, du temps de mes études à la Faculté de Droit, j'avais des camarades venant de la Martinique et de la Guadeloupe, me croiriez-vous ? Je vous laisse méditer sur le recul enregistré depuis.
Jean-Claude Boyer
jc2boyer@yahoo.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83802&PubDate=2010-09-21
Une fenêtre ouverte sur Haïti, le pays qui défie le monde et ses valeurs, anti-nation qui fait de la résistance et pousse les limites de la résilience. Nous incitons au débat conceptualisant Haïti dans une conjoncture mondiale difficile. Haïti, le défi, existe encore malgré tout : choléra, leaders incapables et malhonnêtes, territoires perdus gangstérisés . Pour bien agir il faut mieux comprendre: "Que tout ce qui s'écrit poursuive son chemin, va , va là ou le vent te pousse (Dr Jolivert)
mercredi 22 septembre 2010
Carte Blanche à Jean-Claude Boyer ...Le désarroi des jeunes
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