La piste qui mène à la première section communale de Carrefour est un calvaire (Photo: RAJ Magazine)
Peuplée de 600.000 habitants, la commune de Carrefour est certainement, sur le plan géographique, la plus grande du département de l'Ouest. Elle comporte treize sections communales. Paradoxalement, c'est sans doute ce qui fait son malheur. La majorité de ses sections, situées dans les hauteurs, sont pratiquement coupées de la réalité sociale, économique et culturelle de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Quelques-unes d'entre elles sont même beaucoup plus près de Jacmel que de Carrefour. Pour s'y rendre, il faut marcher des heures, voire, une demi-journée, sous un soleil de plomb ou sous la pluie.
Peuplée de 600.000 habitants, la commune de Carrefour est certainement, sur le plan géographique, la plus grande du département de l'Ouest. Elle comporte treize sections communales. Paradoxalement, c'est sans doute ce qui fait son malheur. La majorité de ses sections, situées dans les hauteurs, sont pratiquement coupées de la réalité sociale, économique et culturelle de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Quelques-unes d'entre elles sont même beaucoup plus près de Jacmel que de Carrefour. Pour s'y rendre, il faut marcher des heures, voire, une demi-journée, sous un soleil de plomb ou sous la pluie.
Morne-à-Chandelle, la première section communale de Carrefour, n'échappe pas à cette triste réalité. Ses résidents doivent marcher plus de trois heures pour se rendre à la station de camionnettes située dans les parages de l'Eglise paroissiale Saint Charles. Le trajet est plus difficile au retour qu'à l'aller et prend beaucoup plus de temps. La route, ou plutôt la piste, qui mène à Morne à Chandelle est une pente raide, cahoteuse et boueuse. Les véhicules ne fréquentent presque pas la zone depuis 1985, selon Louis Jean Robert, un des membres du Casec de la zone. Seules les grosses cylindrées résistent aux innombrables nids-de-poule.
A défaut d'âne ou de cheval, certains résidents préfèrent marcher pieds nus au lieu d'abîmer leurs chaussures sur les roches.
Tout est prioritaire...
Des membres du Conseil communal de Morne-à-Chandelle (Photo: RAJ Magazine)
A l'image de plusieurs régions excentrées du pays, tout paraît prioritaire à Morne-à-Chandelle : la santé, l'école, l'eau, l'électricité, pour ne citer que ceux-là. L'eau potable fait cruellement défaut à Morne-à-Chandelle. Il n'y a aucun système d'adduction d'eau. La Centrale autonome métropolitaine d'eau potable (CAMEP), n'est pas représentée dans la zone. Les entreprises spécialisées dans la vente d'eau non plus.
A l'image de plusieurs régions excentrées du pays, tout paraît prioritaire à Morne-à-Chandelle : la santé, l'école, l'eau, l'électricité, pour ne citer que ceux-là. L'eau potable fait cruellement défaut à Morne-à-Chandelle. Il n'y a aucun système d'adduction d'eau. La Centrale autonome métropolitaine d'eau potable (CAMEP), n'est pas représentée dans la zone. Les entreprises spécialisées dans la vente d'eau non plus.
Pour s'alimenter, les habitants ont donc recours à l'eau de sources qui, souvent, est contaminée par les fosses septiques creusées n'importe où. Les plus avisés utilisent des agents purificateurs mais le font de manière exagérée. Il en résulte que les habitants sont souvent frappés de certaines maladies dues à la contamination de l'eau de consommation. « Les maladies les plus courantes enregistrées dans la localité sont généralement la malaria, la typhoïde, la diarrhée... », énumère minutieusement, Louis Jean-Robert. Des infections qui les obligent, la plupart du temps, à laisser Morne-à-Chandelle pour se rendre ailleurs en quête de traitements efficaces.En fait, à Morne-à-Chandelle, il y a seulement deux centres de santé et trois infirmières pour s'occuper des quelques 3000 habitants, selon un responsable de l'administration communale.
Quand les cas dépassent leurs compétences, les patients doivent alors se rendre dans un centre hospitalier à Carrefour ou au centre ville de Port-au-Prince. « La plupart du temps, les malades sont référés en ville », explique Constant Jules, un habitant de la zone. D'autres, à défaut d'argent, préfèrent s'adresser aux médecins traditionnels, notamment aux sages-femmes lors des accouchements. Beaucoup d'exercices pour manger le pain de l'instruction
A Morne-à-Chandelle, la population est vieillissante, les jeunes sont peu nombreux. Ceci est dû au fait que la zone ne disponse d'aucun centre de loisirs. Mais particulièrement parce que l'ambiance scolaire est pauvre. Le plus dur, c'est le long et difficile trajet que doivent parcourir quotidiennement professeurs et élèves. « Les élèves marchent de longues distances pour venir ici. Beaucoup de professeurs qui prêtent leurs services à ces écoles viennent de Mariani, de Source Corossol, de Dégan, de Waney,..», explique Dorné Genet, un représentant de l'administration communale.Les deux écoles de la section communale n'offrent pas la possibilité aux élèves d'aller au-delà de la 3e secondaire. A ce stade, les enfants mettent le cap sur d'autres écoles situées à Mariani, ou dans une autre section communale. Pour diverses raisons, la majorité ne revient plus dans la localité. « Je n'ai rien à reprocher un parent qui décide d'envoyer son enfant ailleurs », lance un sexagénaire, membre de l'administration communale. En fait, la vie n'est pas trop aisée à Morne-à-Chandelle. Il n'y a pas d'électricité ni de groupe électrogène.
Les véhicules ne fréquentent presque pas Morne à Chandelle. Heureux ceux qui possèdent un âne ou un cheval (Photo: RAJ Magazine)
« Seuls le curé de la paroisse, le révérend François Petit et Miss Adline possèdent des génératrices », lance d'un ton ironique l'ASEC Dorné Génet. Conséquemment, le secteur économique est paralysé. On n'y retrouve aucune entreprise commerciale. L'agriculture est donc la principale activité des habitants. Ces derniers cultivent le pois, le petit-mil et particulièrement les vivres et tubercules. Cette production agricole se fait à basse échelle et est destinée à l'autoconsommation. Heureusement pour les habitants, la vague d'insécurité qui prévaut dans la capitale n'a pas vraiment frappé la localité. Heureusement pour eux. « Nous n'avons pas de policiers dans la zone », déplore justement le CASEC Louis Jean-Robert. Lui et ses confrères du Casec sont les seules autorités qui gèrent les conflits entre habitants.
Les traditions ne meurent pasEn revanche, Morne-à-Chandelle est l'une des rares régions du pays qui gardent encore certaines traditions tissées des valeurs morales des générations antérieures. Là bas, demander une fille en mariage n'est pas chose facile. Le gendre doit nécessairement faire la demande aux parents de la fille qui, à leur tour, se font un devoir de rencontrer les parents du garçon pour discuter du mariage. Le jeune homme doit aussi verser une somme d'argent au père de la future mariée, question de garantir l'alliance conjugale. La cérémonie dure généralement deux jours. On organise d'abord une grande fête la veille de la cérémonie nuptiale, qui a lieu soit à la paroisse catholique de Saint-Michel ou dans une église protestante. Même s'ils sont proclamés mari et femme, tout n'est pas encore dit. A Morne-à-Chandelle, les jeunes gens portent beaucoup d'intérêt aux jeunes filles qui n'ont pas encore connu d'autres hommes dans leur vie. Si, contrairement aux attentes du jeune homme, la fille n'a pas été trouvée vierge sur le lit conjugal, les parents de celle-ci devront dédommager le marié. Le gendre achète alors un pain, communément appelée cabiche, il enlève la mie et le dépose sur la table avec une bouteille de cola. Les parents sont invités à faire, eux-mêmes, le constat. « Le pain creux (sans la mie) veut dire tout simplement '' manje gate''. Les parents vont devoir dédommager le jeune homme, la mariée, quant à elle, va payer sa duperie », raconte Constant Jules, en souriant de toutes ses dents.Morne-à-Chandelle est comme tant d'autres régions du pays une zone délaissée. Pourtant, elle a beaucoup de ressources, notamment ses mines de sable, ses roches et sa végétation. L'hospitalité, la solidarité et les valeurs morales de ses habitants donnent envie aux visiteurs d'y revenir. Mais, lorsqu'on songe au véritable calvaire que constitue la piste qui y mène, on préfère tout oublier.
Jean Max St Fleur
Jean Max St Fleur
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