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mercredi 10 octobre 2007

30 SEPTEMBRE 1991 – 30 SEPTEMBRE 2007 / Il y a 16 ans, le coup d’État du général Raoul Cédras

Par Jacques Desrosiers
jadesro@lematinhaiti.com
Marie Laurence Jocelyn Lassègue, à l’époque ministre de l’Information et de la Coordination, a encore en mémoire ce groupe de huit jeunes qui exprimaient leurs inquiétudes, sur la cour de l’Hôpital SaintFrançois de Sales, trois semaines avant le coup d’État militaire de 1991. Ces jeunes pressentaient que quelque chose allait se passer, sans pouvoir l’exprimer clairement. Tandis que le président JeanBertrand Aristide participait à la 46e Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (Onu) à New York, des rumeurs circulaient en Haïti sur le projet de l’assassiner. Des rumeurs dont la ministre était informée, mais auxquelles elle ne croyait pas vraiment. Ayant cependant à l’esprit le coup d’État raté, du 6 au 7 janvier 1991, de Roger Lafontant, elle a pris l’initiative, dès le 25 septembre, d’organiser des « veillées patriotiques » qui rassemblaient des partisans d’Aristide devant les principales prisons du pays. Le jour du retour du président de la République, soit le 27 septembre, un grand spectacle a été organisé et l’itinéraire, de l’Aéroport au Palais national, modifié. Question de déjouer « le projet » dont les rumeurs devenaient de plus en plus persistantes.
Le 29 septembre au soir, Mme Lassègue a indiqué avoir reçu un appel du directeur général d’alors de la Radio nationale d’Haïti, Michel Favard, l’informant qu’un coup d’État se préparait. Cette information a été aussitôt transmise au président Jean Bertrand Aristide.
Peu de temps après, Marie Laurence Jocelyn Lassègue apprit la nouvelle de l’arrestation de Michel Favard. Elle entreprit alors d’informer les médias de cette arrestation et de la situation dans la capitale. Initiative réprimandée par le chef de l’État, Jean-Bertrand Aristide. La ministre souligne que les nouvelles qui lui parvenaient de la rue, rapportées par des partisans crédibles, étaient inquiétantes. Encore une fois, elle informa le président de la situation. Ne pouvant entrer en contact avec le Premier ministre de l’époque, René Préval, Mme Lassègue décida d’assumer ses responsabilités de ministre de l’Information, en continuant d’alerter les médias. L’ancienne ministre de l’Information explique avoir multiplié des appels au capitaine Fritz Pierre-Louis membre de la sécurité présidentielle. Elle dit avoir en mémoire sa dernière conversation avec le capitaine Pierre-Louis, au cours de laquelle elle a cru entendre quelqu’un déclarer : « Ou pap tande-l ankò ! » (Vous ne l’entendrez plus !). (Plus tard, elle apprendra la mort de l’officier). Elle continua d’informer la population par la voie des ondes. Ses nombreux appels incitèrent l’ambassadeur français alors en mission en Haïti, Jean Raphaël Dufour, à voler au secours du président à Tabarre.

Selon Marie-Laurence Jocelyn Lassègue, le gouvernement, à part les rumeurs, ne disposait d’aucune information créditant la thèse d’un quelconque coup d’État. Elle garde encore le souvenir des interrogations que soulevèrent au niveau de l’équipe gouvernementale les tournées du général Raoul Cédras dans les différentes garnisons militaires. « Jusqu’au dernier moment, le président ne croyait pas à un coup d’État. Il était persuadé de la loyauté du général Cédras et du mariage avec l’armée ».
Mme Lassègue s’insurge contre le chiffre avancé sur le nombre des victimes pendant toute la période du coup d’État de 1991. Selon elle et d’après les rapports qu’elle dit avoir reçus, il y a eu environ 3000 victimes durant les tout premiers jours. Ce chiffre, selon elle, a augmenté sensiblement au fil de la répression militaire.
Selon les explications de Marie Laurence Jocelyn Lassègue au micro du journal Le Matin, les motifs du coup d’État se trouveraient dans la politique du pouvoir de l’époque, pareille, a-t-elle dit, à celle appliquée par le pouvoir actuel : lutte contre la contrebande, la corruption et la drogue. Cependant, elle note l’immaturité des secteurs concernés qui avaient soutenu l’armée, sentant leurs intérêts menacés. Aujourd’hui, les mentalités ont changé et le sens de cette lutte est compris par tous, estime-t-elle.
Questionnée sur l’incarcération d’anciens collaborateurs de Jean-Bertrand Aristide dans des prisons aux États-Unis pour implication dans le trafic de la drogue, Marie Laurence Jocelyn Lassègue établit une différence entre l’équipe de 1991 et celle de 2001. « 1991, c’était la rigueur, l’intégrité, l’honnêteté ». Elle a qualifié de regrettable que pendant la période du coup d’État certains proches d’Aristide tant à l’intérieur qu’à l’extérieur aient renoncé à leurs convictions premières.
La 45e législature a fait ce qui était nécessaire
L’ex-sénateur Déjean Bélizaire juge que la « 45e législature a fait ce qui était nécessaire pour empêcher cette tragédie ». Par tragédie, il fait référence au débarquement des troupes étrangères sur le sol national, le 19 septembre 1994. Président de l’Assemblée nationale à l’époque du coup d’État de 1991, Déjean Bélizaire dédouane le Parlement de toute implication dans le coup. Il explique que les accusations de connivence portées contre le Parlement sont dues à la décision d’appliquer l’article 149 de la Constitution.
Déjean Bélizaire estime que le coup d’État de septembre 1991 n’était pas surprenant pour un avisé. Il soutient que le président Jean Bertrand Aristide allait de « violation en violation de la Constitution, piétinait les institutions ».
L’ancien président de l’Assemblée nationale souligne que le Sénat était privé de ses prérogatives constitutionnelles comme participer à la désignation des membres de la Cour de cassation. L’ancien sénateur Déjean Bélizaire rappelle également la séance d’interpellation en date du 13 août 1991 du Premier ministre de l’époque, René Préval, par la Chambre des députés. Menaçants, des partisans de l’Exécutif s’étaient massés devant le Palais législatif et des députés avaient connu un mauvais quart d’heure.
Déjean Bélizaire signale, qu’avant le coup, il y avait beaucoup de remous au niveau de l’institution militaire. « Le président était comme un sapeur-pompier qui allait éteindre des incendies presque un peu partout. Il y avait des débuts de mouvement dans certaines garnisons ». L’ancien sénateur Déjean Bélizaire souligne comme autre dérive constitutionnelle l’incendie des locaux de certains partis politiques. « Il y avait une situation qui laissait prévoir que quelque chose allait se passer dans le pays ».
« J’ai constaté le coup de force », déclare l’ancien président de l’Assemblée nationale. Déjean Bélizaire précise qu’il n’était pas à Port-au-Prince le jour du coup, il se trouvait à Petite Rivière de l’Artibonite, sa ville natale, pour fêter la Saint-Jérôme. Il explique que c’est seulement dans la nuit du 29 au 30 septembre qu’il en a été informé. Ce n’est que le 1er octobre qu’il est rentré à Port-au-Prince, à bord d’une camionnette en compagnie d’un journaliste de Radio Galaxie, Harry Joseph. Et quand il est arrivé, le président Jean-Bertrand Aristide avait déjà laissé le pays. Il était face à la situation du fait accompli.
Déjean Bélizaire rapporte qu’il a eu sa première rencontre, après le coup d’État, avec le commandant de l’armée, en l’occurrence le général Raoul Cédras, le 1er octobre vers les 10 heures du soir. Le général Cédras lui a alors appris qu’il s’agissait d’un « correctif démocratique » et que la balle était renvoyée au Parlement pour l’application de la Constitution. Déjean Bélizaire explique son rôle dans les différentes phases de négociations qui s’ensuivirent avec la communauté internationale par le fait qu’il était l’élu au statut le plus élevé présent dans le pays et que cette communauté internationale ne voulait pas traiter avec l’Exécutif mis en place après le coup. Ses actions ont été guidées par cette mise en garde de son père, Garnier Bélizaire, émise le 29 septembre 1991 : « Mesye, atansyon wi pou blan pa pran peyi a nan men nou ». Ne pouvant pas avancer de chiffre exact sur le nombre de victimes, Déjean Bélizaire croit cependant que le chiffre de 3000 morts avancé est exagéré. « Pour ma part, 3000 morts dans un si court intervalle, c’est pas quelque chose qui peut être géré. Je ne crois pas que l’institution militaire à l’époque avait les moyens de gérer 3000 morts ».
mardi 2 octobre 2007

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